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De Madame la Marquife de Sevigny au Comte de Buffy.

J

De ..... ce 15 Mars 1547.

E vous trouve un plaifant Mignon, de ne m'avoir pas écrit depuis deux mois. Avez-vous oublié qui je fuis, & le rang que je tiens dans la famille? Ah vraiment, petit Cadet, je vous en ferai bien reffouvenir: fi vous me fâchez, je vous réduirai au lambel. Tome I.

A

Vous

Vous favez que je fuis fur la fin d'une groffeffe, & je ne trouve en vous non plus d'inquiétude de ma fanté que fi j'étois encore fille. Hé bien je vous apprens, quand vous en devriez enrager, que je fuis accouchée d'un garçon, à qui je vais faire fucer la haine contre vous avec le lait, & que j'en ferai encore bien d'autres, feulement pour vous faire des ennemis: vous n'avez pas eu l'efprit d'en faire autant, le beau faifeur de filles!

Mais c'eft affez vous cacher ma tendreffe, mon cher Coufin, la nature l'emporte fur la politique: j'avois réfolu de vous gronder fur votre pareffe depuis le commencement jufqu'à la fin; je me fais trop de violence, & il en faut revenir à vous dire que Monfieur de Sevigny & moi vous aimons fort, & que nous parlons fouvent du plaifir qu'il y a d'être avec vous. Adieu.

II. LETTRE.

Réponse du Comte de Buffy à Madame la Marquife de Sevigny.

A Valence, ce 12 Avril 1647.

POUR répondre à votre Lettre du 15 Mars, je vous dirai, Madame, que je m'apperçois que vous prenez une certaine habitude à me gourmander, qui a plus l'air de Maitreffe que de Coufine. Prenez garde à quoi vous vous engagez: car enfin, quand je me ferai une fois bien réfolu à fouffrir, je voudrai avoir les douceurs des Amans, auffi bien que les rudeffes. Je fai que vous êtes Chef des armes, & que je dois du refpect à cette qualité; mais vous abu

fez

fez un peu trop de mes foumiffions. Il eft vrai que vous êtes auffi prompte à vous appaiser qu'à vous mettre en colere, & que fi vos Lettres commencent par, Je vous trouve un plai. fant Mignon; elles finiffent par, Nous vous aimons fort, Monfieur de Sevigny & moi.

Au refte, ma belle Coufine, je ne vous régale point de la fécondité dont vous me menacez: car depuis la Loi de grace, on n'en a pas plus d'eftime pour une femme ; & quelques Modernes mêmes en ont moins fait de cas. Tenezvous-en donc, fi vous m'en croyez, au garçon que vous venez de faire, c'eft une action bien louable. Je vous avoue que je n'ai pas eu l'efprit d'en faire autant, auffi envié-je ce bonheur à Monfieur de Sevigny plus que chofe du monde.

J'ai fouhaité que vous vinffiez tous deux à Paris, quand j'y étois; mais maintenant que j'en fuis parti, je ferois fâché que vous y allafliez.

Je m'accommode fort de M. de LaunayLyais, il recevra de moi toutes les affiftances & tous les bons offices que je puis rendre auprès de M. le Prince à un de mes amis: il eft honnête-homme, & ma chere Coufine me l'a recommandé, je vous laiffe à penfer fi je le fervirai.

III. LETTRE.

A Monfieur le Marquis de Sevigny & à fa Femme.

A Paris, ce 15 de Novembre 1648.

'Ai penfé d'abord écrire à chacun de vous en particulier, mais j'ai cru enfuite que cela

J'A

me donneroit trop de peine: de faire auffi des baife mains à l'un dans la Lettre de l'autre, j'ai appréhendé que l'apoftille ne l'offenfat; de forte que j'ai pris le parti de vous écrire à tous deux, l'un portant l'autre.

La plus fûre nouvelle que j'aye à vous apprendre, c'eft que je me fuis fort ennuyé depuis que je ne vous ai vus. Cela eft aflez étonnant: car enfin je suis venu voir cette petite brune pour qui vous m'avez vu le cœur un peu tendre; à la vérité elle m'avoit, ce qu'on appelle, fauté aux yeux, & je ne lui avois point encore parlé: c'eft une beauté furprenante, de qui la converfation guérit: on peut dire que pour l'aimer, il ne faut la voir qu'un moment, car fi on la voit davantage, on ne l'aime plus; voilà où j'en fuis réduit. Mais j'oubliois de vous demander des nouvelles de la fanté de notre cher Oncle; je vous prie de l'entretenir de propos joyeux: fi vous ne le faites rire à gorge déployée, quand même il en devroit touffer un peu, vous me defobligerez fort. Dites-lui de ma part qu'il fe conferve plus qu'il ne fait, & que s'il ne fe veut aimer pour lui, il s'aime pour nous autres Neveux qui l'aimons plus que nous-mêmes. Je n'en dirai pas davantage, auffi-bien fuis-je perfuadé que cela ne fervira de rien, & que vous êtes des fripons qui vous donnerez bien de garde de faire valoir mon bon naturel: de l'humeur dont je vous connois, vous enrageriez que l'on m'aimât autant ou plus que vous.

Au refte fi vous ne revenez bien-tôt, je vous irai retrouver; auffi-bien mes affaires ne s'acheveront qu'après les fêtes de Noël : mais ne pen

fez

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