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l'envie de pouffer plus loin l'étude des Loix. De Lyon il vint à Paris, où il arriva le 15 Octobre 1534, étant âgé d'environ vingtcinq ans (13). C'est dans cette ville qu'il compofa fon Dialogue De Imitatione Ciceroniana, adverfus Defiderium Erafmum, pro Chriftophoro Longolio, qui lui valut la haine d'Erafme & de Jules-Céfar Scaliger.

La République des Lettres étoit alors divifée par la querelle des Cicéroniens. Chriftophe Longueil avoit réuffi à imiter le ftyle de Cicéron, & plufieurs Gens de Lettres, à fon exemple, s'exerçoient avec ardeur pour y parvenir. Mais cette épidémie littéraire s'etoit particuliérement manifeftée. en Italie, où Bembe & Sadolet en étoient plus poffédés que tous les autres. Erafme leur ami voulut les guérir, & compofa fon Ciceronianus (14), où il mal-mena fur-tout Longueil, qu'il regar

(13) Ann. Typ. t. 3. p. 32 & 33, & la Lettre de Dolet à Guillaume de Sceve (Scava), au-devant du Dialogue dont on va parler. Elle eft datée de Paris, le 9 Novem bre 1534.

(14) Imprimé à Bafle chez J. Froben en 1528, menfe Martio, avec celui De recta Latini Gracique Sermonis Pronunciatione, in-8°. Voy. Maittaire, Ann. Typ. tom. 2. P. 361 & 711.

doit comme le Chef de cette Secte. Ce der nier étoit mort, & ne pouvoit fe défendre; mais en fait de querelles littéraires, vingt Plumes volent au fecours du Savant qui n'est plus. Scaliger écrivit en effet contre Erafme un Difcours violent où il vengeoit la mémoire de Cicéron (15). Trois ans après, Dolet entreprit la défense de Longueil. Jufqu'alors il y avoit eu entre Scaliger & Dolet une espece de liaison dont Arnoul Féron avoit été l'auteur : mais lorsque Dolet eut voulu courir dans la même carriere, il n'y eut plus de paix entre ces deux Littérateurs; du moins c'est à cette caufe que Bayle attribue la haine de Scaliger pour notre Imprimeur. Depuis ce temps, dit Maittaire (16), Scaliger ne ceffa de poursuivre Dolet par des calomnies qu'il ne fe mit pas en peine de réfuter; car l'emportement de ce critique contre lui avoit quelque chofe de fi outré & de fi brutal, qu'on ne doit pas s'étonner du mépris qu'il en a fait.

Pendant fon féjour à Paris, Dolet s'étoit fortement appliqué à l'étude & à la compofition de fes Commentaires fur la Langue

(15) Ce Difcours a été imprimé à Paris chez Pierre Vidouë en 1531, in-8°. Il est très-difficile à trouver. (16) Ibid. t. 3. p. 22.

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Latine; il fe captivoit tellement, qu'il négli geoit d'entretenir fes liaisons avec Budé, Æmilius Perrottus & quelques autres Savans (17). C'est pourquoi il ne faut point ajouter foi à ce qu'a dit M. le Duchat (18), « que Marot & Dolet, bannis l'un & l'autre pour » la Religion, prirent tous les deux le chemin » de l'Italie vers 1536»: car en cet endroit. M. le Duchat confond & brouille tout; & j'aime mieux croire pour fon honneur qu'il fommeilloit alors, que de m'amufer à réfuter férieusement des affertions dont je ferai connoître la fauffeté, en donnant à toutes les circonftances de la vie de Dolet la plus grande clarté.

En 1535, il follicitoit le privilége pour l'impreffion des Commentaires dont nous avons parlé ci-deffus ; & ce qui doit furpren dre, c'est qu'il ne l'obtint qu'avec peine, & que fes plus féveres cenfeurs furent les perfonnes dont il devoit attendre le fruit le plus abondant de ses travaux (19). Auffi-tôt après

(17) Voy. la Lettre de Dolet à Guill. de Sceve en tête de fon Dialogus de Imitatione Ciceronianá, citée note (13). (18) Ducatiana, tom. 1, p. 176 & 177.

(19) Voyez la dédicace des Jo. Vulteii Epigrammata,

l'avoir

l'avoir obtenu, il retourna à Lyon pour préfider à la correction de cet Ouvrage qu'il y faifoit imprimer par Sébastien Gryphe, dont il aimoit la probité & les talens avec jufte raison; car on a remarqué que l'Index erratorum du premier volume publié en 1536, in-fol., n'étoit que de huit fautes.

On ne fauroit dire combien cet Ouvrage important coûta à fon Auteur de peines & de travaux. Il s'en étoit occupé dès l'âge de feize ans il lui facrifia fon repos, fa jeuneffe, fes plaisirs, le temps même qu'il devoit employer à réparer les forces; en un mot, tout ce qui conftitue la jouissance de la vie, quand il fe fut apperçu, par une expérience particuliere, que le Public pouvoit en retirer quelque utilité (20). Néanmoins des envieux chercherent à obfcurcir la gloire qu'il en a retirée. François Floridus Sabinus l'accusa hautement de plagiat, & de n'avoir mis aucun ordre dans fes Commentaires. Jean Sturmius écrivit

Lugd. apud Seb. Gryphium, 1536, in-8°. Elle est réimprimée en partie dans le Dict. de Bayle, art. DOLET, rem. B. (20) Il faut lire dans les Lettres à François I", à Guill. Budé, & dans les Préliminaires de ce favant Ouvrage, le détail qu'il y a fait de fes travaux, & l'expofition de l'ordre qu'il a obfervé en le rédigeant.

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que Dolet avoit été aidé par Naugier, lorsqu'il demeuroit à Venife chez ce Savant (21). Ce qu'il ajoute eft dicté par l'équité : « Je n'exa» mine pas, dit-il, d'où il les a tirés; mais certainement ils ont été utiles aux Amateurs de » l'Éloquence & des Bonnes-Lettres ; & plût» à-Dieu que Naugier, ou Dolet, ou quelqu'autre eût pu les achever, afin que toute la Langue Latine fût en notre pouvoir dans » un ordre lumineux & fous une difpofition adroite ». L'imputation que fit Charles Eftienne à Dolet d'avoir copié, dans l'article de fes Commentaires, où il eft traité De Re navali, l'Ouvrage que Lazare de Baïf venoit de publier fur la même matiere, a quel

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(21) Jacques Thomafius a recueilli dans fon Traité De Plagio litterario, Suobaci, 1692, in-4°., toutes les accufations de plagiat contre Dolet. Voyez les nombres 409. 410. 411. 412. 225 ; & les réflexions qu'il y a ajoutées indiquent qu'il ne lui étoit pas favorable. Voy. encore Fr. Floridi Sabini Subcifivorum libri tres, réimprimés dans le Gruteri Lampas, Francof. 1602, in-8". tom. 1. p. 995. Dolet a répondu à ce critique. Jean Sturmius eft plus modéré dans le jugement qu'il a porté des Comm. de Dolet. Voy. la Préface qu'il a mife au-devant de la réimpreffion des Formula latinarum locutionum Doleti, 1576, in-8°., dont nous parlerons No. IX de la Notice des Ouvrages de notre Imprimeur.

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