Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Dolet fe défendit affez bien d'ailleurs contre Sabinus, d'avoir été un flatteur, un gourmand, un impie; d'avoir jamais interdit la lecture de Térence & de Virgile (48): & il l'accufe à fon tour de s'être approprié un Ouvrage d'Albert Pius, Prince de Carpi, De C. Julii Cæfaris præftantiâ, imprimé avec d'autres Écrits de Sabinus, à Basle, chez Robert Winter, en 1540, in-4° (49).

Délivré de cette nouvelle contestation, Dolet fembloit devoir vivre en paix; mais fa vie, qui jufqu'alors avoit été entrecoupée par des malheurs mérités ou imprévus, le fut bien plus cruellement dans la fuite. Il fe formoit infenfiblement fur fa tête un orage terrible que lui fufciterent fes ennemis fecrets. Après avoir été tant de fois en butte à leurs noirceurs, il auroit dû craindre qu'ils ne renouvellaffent leurs perfécutions, dès qu'il en auroit fait naître une foible occafion. Peut

(48) Voyez Maittaire, ibid. p. 90. 91 & 94, où toutes ces défenses ont été copiées avec les imputations de Sabinus.

(49) Voyez ce que Sabinus a repliqué dans un Livre Adverfus Doleti Aurelii calumnias. Romæ, Ant. Bladus, 1541, in-4°.

être ne fe défia-t-il pas affez de lui-même pour éviter tout ce qui pouvoit la leur donner; mais il est certain qu'il fut enfermé à Paris, dans la Conciergerie, vers l'an 1542. On ne dit point quels furent fes accufateurs ; cependant on verra plus bas que les Eccléfiaftiques eurent beaucoup de part à fa détention, & que l'accufation la plus grave qu'ils aient pu faire valoir contre lui, étoit qu'il s'étoit ingéré d'imprimer des Livres fufpects d'héréfie. On féviffoit alors avec la plus grande rigueur contre les personnes qui en étoient foupçonnées, & à plus forte raison contre les Imprimeurs, dont l'art dangereux dans ces circonstances fervoit à multiplier les livres qui favorifoient les nouvelles opinions. On peut donc affirmer que ce prétexte-là fut celui dont les ennemis de Dolet fe fervirent pour fatisfaire leur haine particuliere. On en tira fans doute des inductions cruelles contre la pureté de fa doctrine, relativement à la Religion qu'il profeffoit ; & il eft croyable qu'au moins on chercha à aggraver fon crime, car il nous dit dans fon fecond Enfer (50), en par

(50) Imprimé en 1544. Voy. Goujet, Biblioth. Franç. tom. 11. p. 196 & fuiv... ; le fecond Supplément au Dict.

lant de fa premiere détention à la Concier gerie, qu'il y fut chargé de je ne fais quelle rêverie, dont il n'explique point le genre; qu'on l'y retint quinze mois dans les fers, & qu'il n'en fut délivré que par le crédit de Pierre du Chastel, alors Évêque de Tulles.

On apprend dans la Vie de cet Évêque, compofée par Pierre Galland, Professeur de Grec & d'Eloquence au Collége Royal, & mise au jour par Étienne Baluze en 1674, in-8°. (page 62), qu'il fut expofé aux reproches d'un Cardinal du plus grand nom, pour avoir imploré la protection du Roi en faveur de notre Imprimeur, qui, difoit ce Cardinal, étoit infecté non-feulement de l'héréfie de Luther, mais ne reconnoiffoit aucun Dieu & s'étoit rendu coupable d'impiété. Du Chastel lui répondit avec vivacité qu'en cela il n'avoit rien fait qui ne fût du devoir d'un Pontife; que le devoir des Prêtres de Jéfus Chrift eft, à l'exemple des Apôtres & des Saints, de détourner les Rois de la violence & de la cruauté, pour les porter à la clémence, à la douceur & à la miféricorde. « Je n'ai point, ajouta

de Moréry, 1749, tom. I , P. 484. Il raconte mieux cette affaire que tout autre.

[ocr errors]

»t-il, protégé auprès du Roi les crimes & les » fraudes de Dolet; mais j'ai réclamé les » bontés de ce Monarque pour un homme » qui promettoit de reprendre des moeurs & » une vie dignes d'un Chrétien. J'ai cru que » l'Eglife devoit ouvrir son sein à celui qui, » étant tombé par imprudence (temerè) dans » l'erreur, laiffoit voir des difpofitions au » repentir; car Jésus-Chrift nous ordonne de » rapporter dans le bercail la brebis qui s'en

» eft écartée ».

Il eut le deffus, & Dolet fut mis en liberté, après avoir promis de fe mieux comporter à l'avenir. Cependant on se vengea fur les Livres qu'il avoit imprimés, en leur faisant subir la peine qu'on lui auroit infligée, s'il n'avoit été fecouru à propos ; & le Parlement de Paris rendit un Arrêt, le 14 Février 1543 (51),

(51) Il eft rapporté tout au long dans le Collectio judicior. de novis erroribus, in-fol. tom. 2. Iere part. p. 133 & 134. Je remarque que ce fut depuis 1542 que la Faculté de Théologie cenfura une bonne partie des Ouvrages de Dolet, ou de ceux qu'il avoit imprimés; & dès que le Public eut été imbu de l'opinion que Dolet étoit Hérétique & Athée, il fuffifoit qu'un Livre fût forti de fes preffes pour être fufpecté, cenfuré & condamné. Outre les Livres nommés dans l'Arrêt ci-deffus,

» qui condamnoit à être brûlés, mis & con» vertis ensemble en cendres, comme conte»nant damnable, pernicieufe & hérétique » doctrine», les Livres fuivans:

Les Geftes du Roy.

Epigrammes de Dolet.

Caton Crifpian (il falloit dire Chreftien.). L'Exhortation à la lecture de la SainteÉcriture.

Dolet en imprima quelques autres qui furent mis à la cenfure, tels que:

L'internelle confolation. Lyon, chez Étienne Dolet, 1542, in-16. C'eft, à proprement parler, le Livre de l'Imitation traduit en François. Du Verdier (p. 779) prétend que cette édition a été cenfurée. Il y en a une plus ancienne, Paris, Ambroife Girault, fans date, in-8°., gothique. Dolet l'a feulement reproduite.

Épiftre du Pécheur à Jésus-Christ, par Victor Brodeau, imprimée par Dolet vers 1542 (D'Argentré ut fuprà, p. 133.). L'Auteur mourut au mois de Septembre 1540: peut-être a-t-elle vu le jour en cette année.

Les Prieres & Oraifons de la Bible, faictes par les SS. Peres, tant du Vieil que du Nouveau-Testament. A Lyon, par Jean de Tournes 1544, auffi par Dolet (D'Argentré, ibid. pages 133. 134. 173. 177.).

On trouvera dans la notice des Ouvrages de Dolet la date de ceux qui font rapportés dans l'Arrêt. J'ai ajouté les trois ci-deffus pour completer la lifte de fes éditions.

La

« AnteriorContinuar »