Imágenes de páginas
PDF
EPUB

en

long-tems fur mon origine pour ne point reffembler à ceux qui parlent impitoyablement de leur haute naissance faifant des recits fouvent fabuleux, & toûjours ennuyeux, des grands exploits & du merite de leurs ancêtres, dont ils ont dégeneré en menant eux. mêmes une vie toute compofée de fotifes ridicules. Il fera pour. tant bon de vous apprendre, que ma famille eft auffi ancienne que le monde, & s'il y a quel. qu'un parmi vous affez hardi pour foûtenir que la fienne def cend directement de celle d'Adam, comme quelques Charlatans de Louvain & de la Province de Galles ont ofé faire il ne pourra jamais la comparer raisonnablement à la mienne. Au reste, le premier hom. me n'auroit pû faire le grand coup qu'il hazarda, fi je n'a

[ocr errors]

vois pas envoyé à la femme un de mes Eleves, déja fameux en ce tems-là, qui lui montra une cho. fe curieufe, dont il falloit goûter pour apprendre à connoître la difference qu'il y a entre le bien & le mal. N'oubliez pas, Mef. fieurs, qu'il vous a laiffé pour heritage une chofe, dont il n'é. toit redevable qu'à ma bonté.

Il me femble qu'il vous importe peu de fçavoir précifement que la été mon pere j'avoue de bonne foi que je ne le fçai pas moi-mê me, mais n'allez pas vous imagi ner que je fois bâtarde. Si c'eft Apollon qui a époufé ma mere,& qui m'a engendré, parce qu'il é toit un fameux Medecin,& que la Charlatanerie a toûjours été infeparablement attachée à laMedecine, ou fi c'eft un autre, cela n'eft pas d'une grande confequen. ec. En tout cas, la bâtardile net dérogeroit pas plus à ma condi.

tion de Déeffe, qu'à celle de vos Dieux. Ce que je puis vous affirmer fidelement, c'est que ma mere s'appelloit Heureule Ignorance. Elle acoucha encore de deux filles, l'une nommée Admiration, l'autre Effronterie. L'harmonie s'établit fi bien dans no. tre famille, que la mere & les filles alloient & travailloient toûjours ensemble, & que l'une ne pouvoit vivre fans l'au tre. Cette union dure encore aujourd'huy,& rien n'est capable de la détruire. Notre maifon n'a jamais manqué de domestiques fideles, uniquement attachez à nous fuivre par tout, & à execu. ter nos ordres. Ces domestiques font divifez en plufieurs efpeces. Je vous en nommerai quelques. uns, comme par exemple,les Apparences flateufes, les Erreurs féduifantes, les Préjugez charmans, les Tendres exagera

&

Temples à certe Déeffe. Vous avez raifon mes chers enfans de penfer de cette façon fi vous avez manqué en quelque maniere de vous rendre dignes de mes faveurs, foyez perfuadez que pour l'avenir vous n'avez qu'à fuivre exactement mes loix, rien ne vous échapera de tout ce qui eft en ma puiffance de vous accorder. Je fuis bienfaifante & indulgente; je ne regarde pas les chofes de fi près; j'accable mê. me de biens les plus ingrats, & fi le monde ne m'a pas encore dref fé des Autels, je n'ai pas laiffé de lui procurer tous les biens dont je viens de parler. Pour cet effet, il fera bon de vous apprendre de quoi je me fuis occupée depuis que j'ai pris naiffance. Com. mençons par vous faire connoître à fond ce que je fuis, afin que vous en conceviez une idée affez haute, & affez digne de moi.

ne fe peuvent paffer de mon fe cours. C'eft encore moi qui affai fonne generalement tous les plaifirs, fans quoi ils feroient lan guiffans & très-infipides. 11 me femble, Meffieurs, lire dans vos yeux ce que vous pensez presentement. N'eft-il pas vrai que vous dites en vous-mêmes: O l'aima. ble, la charmante, & l'adorable Déeffe Employons tous nos foins pour nous la rendre favora. ble, afin qu'elle nous procure tous les biens dont elle eft la maîtreffe. Aucun facrifice ne peut être trop précieux pour hefiter de le faire à fon honneur, afin de parvenir promptement au fouverain bien de jouir des honneurs des richeffes, & des plaifirs. Que maudits foient nos Ora. teurs, nos Panégyriftes, & nos Déclamateurs, puifqu'ils ont manqué jufqu'à prefent d'ériger des Autels, & de dédier des

« AnteriorContinuar »