Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Déeffe que je fuis, je ne prévoyois pas tout, & à de nouveaux inconveniens il falloit de nouveaux remedes. J'allois donc m'adreffer aux plus violens & aux plus avares, faifant comprendre aux uns, qu'il ne falloit pas mettre les choses au hazard d'une victoire incertaine; & aux autres, que de trouver la jufte proportion dans la repartition des biens, ce feroit une affaire de trop longue halai. ne. Il feroit donc à propos, difoisje, de propofer à l'Affemblée une repartition égale de tous les biens & par conlequent uné fuppreffion de la communauté: cela étant fait, je leur répondrois du refte. Ils avalerent cette idée comme une pilule dorée : ils en firent lapropofition à l'affemblée. D'abord les pareffeux,lescommodes,& les poltrons entroient dans ces fentimens,fouhaitant defe débaraffer à fi bon marché de gens qui leur paroiffoient formidables,

& malgré la resistance qu'y firent les vieillards & tous ceux qui n'é. toient pas en état de travailler, la feparation fut refolue, & executée fur le champ.

tout;

Après ce coup de mon adresse, je ne fus pas longtemps à voir des riches, des pauvres, & même des mandians. Chacun commençant à vivre à fa façon, & fans égard pour les autres, les biens des pareffeux étoient bientôt diffipés, les vieillards & les infirmes manquoient de les avares s'emparoient des portions des premiers, les ambitieux commençoient à faccager & à piller, de forte qu'à la fin les plus induftrieux deve. noient auffi gueux que les plus imbecilles. Dans cette défolation du genre humain, il falloit un nouveau remede. Ce fut l'établiffement des Républiques, au moyen desquelles le plus foible

du

ne devoit plus être la proye plus fort. On forma d'abord une loi generale, portant défense de s'enrichir aux dépens d'autrui, & qu'il n'y auroit qu'un feul titre d'aquifition qui feroit réputé legitime. Ou appella ce titre Commerce, c'est-à-dire, pour ac. querir quelque chofe dont un autre étoit poffeffeur, il falloit donner, ou faire ce qu'il demandoit en échange. On établit des prix & des évaluations, dont ceux qui commerçoient convenoient ensemble, ou fuivant le caprice, ou fuivant la neceffité d'avoir une chofe, ou de s'en défaire, l'industrie & les travaux recevoient par la même raison une valeur qui varioit fuivant qu'ils paroiffoient plus ou moins neceffaires, plus ou moins importans.

Vous pouvez vous imagi. ner, Meffieurs, que c'étoit là

un beau champs pour étaler & pour debiter mes drogues,jeveux dire,pour donner des apparences de valeur, quand je jugeois à propos d'enrichir les uns & d'apauvrir les autres. Je conduifois fi bien ma barque, que quand je voulois, les chofes les plus viles prenoient une valeur exorbitante, & les plus eftimables ne valoient rien du tout. J'établiffois d'abord pour maxime generale, qu'une chofe devenoit précieufe par la Rareté. Quoiqu'il n'y eut ni rime ni raifon dans cette valeur de rareté, elle fut fi bien goûtée, qu'elle dure encore aujourd'hui, & décide prefque de tout le commerce du genre humain. Oh la bonne drogue que cette Rareté ! J'en ai tant debité, que je crois qu'il fera bientôt temps d'inventer quelqu'autre maxime équipolente, afin qu'on ne retombe pas dans le fens commun. Le Prover.

be

be: qu'une chofe vaut autant qu'un riche fot en donne, eft devenu trop -commun; le changement me paroît neceffaire. Par un petit coup d'essai que je viens de faire, on a vû, qu'un petit morceau de papier, qui eft la chofe la plus commune & la plus vile, peut valoir autant de milliers d'écus que je veux qu'il vaille.

Voyons fi après ce détail, vous pouvez croire encore que je fois une Gafconne, une Normande, une Fanfaronne, en un mot une Charlatane qui fe vante témérai rement d'avoir la. Medecine univerfelle, & de poffeder feule l'incomparablePanacée, qui produit & diftribue les richeffes Car je ne fçais pas s'il y a moyen de vous en convaincre davantage. Je m'apperçois pourtant, que vous commencez à vouloir merendre juftice. Pour vous conferver dans cette bonne difpofition,ilfautque

C

« AnteriorContinuar »