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j'ajoûte encore un mot à ce que je viens de dire fur les richeffes. Ce ne fera dans le fond qu'une repetition; mais peut-on dire trop fouvent des chofes excellentes ? C'est moi, Meffieurs,qui ai fuppri mé autrefois la communauté des biens, en lui fubftituant la Pro. prieté: c'est moi qui ai fait paroître l'idée de la richeffe, fuivie de d'idée du Commerce: c'eft moi enfin qui fuis caufe que l'idée de la Rareté s'eft emparée du Commerce avec toutes les chimeres, que les apparences de neceffité, d'utilité & d'importance produi firent dans l'efprit des hommes. Ainfi vous fçavez que toutes ces drogues viennent de ma bou. tique, & qu'il n'y a que moi qui les puiffe préparer & diftribuer. Convenez donc qu'il faut être bien aimé & bien favo rifé de ma Divinité pour devenir riche, foyez perfuadez, que ceux

que je hais, ne deviennent jamais riches,ou s'ils le font, j'empoison. ne tellement la drogue de la valeur & de la jouissance, qu'ils de viennent plus pauvres que les derniers des miferables. C'est ce que vous avez pû comprendre par les exemples que je vous ai donnez. N'eft-il pas vrai, mes enfans, que c'eft la même chofe,n'être pas riche, ou n'avoir point la jouiffance libre de fes richelles. Ayez donc recoursàmoi,implorez mon fecours, gagnez mon amitié, rendez-vous dignes de mes faveurs, yous qui defirez si paffionément de vous enrichir & de vous pro. curer tous les avantages que la jouiffance des richesses vous fait paroître. Mais ne négligez point, je vous en avertis, le moindre de mes preceptes. Observez bien mes loix, fuivez la route que je vous enseigne, ne vous écartez pas du bon chemin.

Reflechiffez avec attention fur ce que j'ai fait pour ma fille aînée & bien aimée Madame la Medeci. ne. Il y a long-tems qu'on vous a rebattu les oreilles avec le DatGa. LenusOpes. Vous devez fçavoir par une infinité d'exemples, que ce proverbe n'eft que trop veritable, fans quoi ma pauvre fille ne fe fe. roit point attiré votre envie, votre jaloufie, votre haine, & votre mépris. Vous crûtes, qu'elle feule poffedoit le moyen de s'enrichir par des chimeres & par des apparences, fans vous apercevoir, que j'avois mis les mêmes moyens entre vos mains. Le nom glorieux d'un Charlatan & d'une Charlatane devint parmi vous un terme injurieux, fans comprendre que l'injure, que vous faifiez à ma famille, retomboit fur vous-mêmes, Dites-moi, de bonne foi, fi vous voulez nous faire réparation d'honneur, ou fi vous voulez

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vous refoudre de ne devenir jamais riches. Je vois bien que vous aimeriez mieux paffer pour Char latans,que de faire une pénitence auffi dure; ainfi je vous pardonne, & je vous accorde pour jamais ma maternelle affection. Il faut pourtant que je vous raconte comment je me fuis prife avec ma chere fille la Medecine, pour la rendre heureufe, & pour lui faire vendre bien cher des drogues qui ne valloient rien du tout, & dont toute la vertu n'étoit qu'imaginaire. Je m'en vais vous le dire en deux mots, car je fuis refolue de vous ouvrir entierement mon cœur. Je faifois naître une infinité de maladies chimeriques, que les drogues chimeriques chaf. foient en perfection. Je reprefen. tois des maladies prochaines qui n'arrivoient jamais, & qui ne pouvoient jamais arriver. Je montrois une apparence de guerifon,

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Je

quand il n'y avoit aucun remede. faifoiscraindre la mort quand il n'y avoit aucun danger, aucune neceffité de prendre des remedes; après quoi je faifois croire, que c'étoient les remedes qui avoient fauvé la vie. Les malades, & les Medecins publioient & établiffoient également la réputa tion du remede. Je faifois parol tre grands les petits maux, j'éta. bliffois une foule de malades imaginaires, qui depuis le matin juf qu'au foir avaloient des drogues comme du miel. J'inventois une infinité de plaisirs chimeriques qui produifoient des maladies très longues, & pour la plûpart incurables. Je montrois aux Medecins les moyens de nourrir ces chimeres,& d'en produire encore de nouvelles. Je leur donnois pour guides mes fœurs, l'Effronterie & l'Admiration, avec le don de dire des chofes mer

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