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te-homme, furtout lorsqu'il ne craint rien du reffentiment des Grands, & qu'il foule tout aux pieds, ambition & fortune. Il prouva ce qu'il avoit avancé fur la foi d'une Patente du Roi, qui avoit recompenf: l'Auteur du Projet pour ce fervice rendu à l'Etat. Ainfi toute la réparation qui fut faite à Mr. le Maréchal, confista en une Lettre de politeffe, dans laquelle Mr. de Folard l'affuroit qu'il n'avoit point eu la penfée de diminuer la gloire qui lui revenoit de la journée de Denain, qui avoit été le falut de la France; qu'il avoit donné à fes belles actions les plus grandes louanges dans fon Polybe; & qu'il feroit toujours difpofé à rendre à fon mérite & à fon habileté toute la juftice qui leur é toit duë. Il nous dit enfuite dans la Préface du Tome II. que tout le reproche qu'il avoit à fe faire dans cette affaire de Denain, c'étoit de n'avoir pas dit le nom de l'Auteur de cette entreprise, Il l'avoit appris de Mr. Voifin, en ce tems-là Miniftre de la guerre. Ce fut Mr. le Président le Fevre d'Orval, alors Conleiller au Parlement de Cambray : fon plan fut goûté à la Cour; & le Maréchal de Villars, habile & éclairé comme il étoit, en fentit toute l'importance. L'exécution de ce projet de guerre qui demandoit une grande conduite, couvrit de gloire le Général; mais celui qui en fait voir la poffibilité par l'intelligence des lieux, que

, que le premier ne fauroit obferver par lui-même, ne mérite-t-il pas quelque portion de cette gloire, quoique moins brillante? Mr. de Folard ne le pense pas, & il ne pouvoit le fouffrir. Il trouvoit jufte que le nom de ce Magiftrat paffat à la poftérité, & qu'il devint illuftre dans l'Hiftoire. A la bonne heure qu'on érige des Autels, qu'on célébre des Fêtes à l'honneur du Général, il y confent de bon cœur, pourvu que le fuccès foit moins l'ouvrage de la fortune, que de la capacité. Le vulgaire juge d'ordinaire des grands événemens par le bonheur qui les accompagne & ceux qui les produifent ; & les gens habiles eftiment fur-tout les moyens employés pour les conduire à une heureufe fin.

On lira avec grand plaisir les belles observations de notre ha

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bile

bile Auteur fur le combat de Denain, où il fe trouva. S'il reléve les fautes des Alliés, il ne diffimule pas celles des François, & il fait voir qu'un Général médiocre les auroit facilement arrêtés au paffage de l'Escaut & enfuite du Marais qu'ils devoient franchir, & que les troupes qui marchoient en diligence au secours du camp retranché, feroient arrivées à tems pour le défendre. Rien n'empêchoit les Alliés de continuer le fiége de Landrecies; la perte de leurs Magasins pouvoit être réparée, & le Quefnoy regorgeoit de Munitions de guerre. On pouvoit faire entrer en France plufieurs gros détachemens, & empêcher le Maréchal de Villars de repaffer l'Efcaut pour s'y oppofer. Il eut été lui-même très-embaraffé. Mais, dit Mr. de Folard, la tête tourna aux Alliés, qui ne laifférent pas au Prince Eugéne, qui l'avoit très-bonne, la liberté d'arrêter les progrès des François. On fait voir enfuite que ces derniers ne poufférent pas leurs avantages autant qu'ils le pouvoient. Nous remarquerons une chose qui fait beaucoup d'honneur à Mr. de Folard: c'est Tom.II. qu'il louë la conduite & la bravoure du Maréchal de Montesquiou, qui attaqua Denain à la tête des troupes & l'emporta l'épée à la main. Ces louanges font d'autant moins fufpectes, que le Maréchal n'aimoit point cet Officier, qu'il a nourri fon averfion pour lui très-chérement jusqu'à la mort, fans manquer aucune occafion de lui en donner des marques, ni rien négliger de ce qu'il croyoit pouvoir contribuer à lui nuire. La franchise de Mr. de Folard, qui defapprouvoit fouvent les manoeuvres des Généraux, déplaifoit au Maréchal. Il louë, il blâme toujours avec une équité fcrupuleufe, & fes plus grands ennemis pouvoient y compter, lorfqu'ils faifoient une belle action.

Préf. P.

XX.

Il fe fait un plaifir de rendre juftice aux ennemis de la France; nulle prévention n'influë fur fes jugemens; il admire la scien ce militaire & les belles actions par tout où il les trouve. Il regarde Mr. de Vendôme comme un très-habile Général, qui réparoît en un moment les fautes qui lui échappoient quelquefois; mais dans le paralléle qu'il en fait avec Mr. le Prince Eugéne de

Sa

Savoye, il paroît décider en faveur de celui-ci, quoique fouvent battu par Mr. de Vendôme; il le met au deffus pour la difcipline militaire, & ne fait pas difficulté de l'appeller le Héros du Siécle. Il rend bonne justice au Duc de Marlborough, illuftre par fes victoires fur les François, & il fe fait un plaifir de remarquer les belles actions qui l'ont rendu l'admiration de l'Europe, quoiqu'il ne le trouve pas plus exemt que les autres grands-hommes des foibleffes inféparables de l'humanité. Le Comte de Schulembourg, le Comte de Staremberg, & le Marquis de Santa Cruz, lui paroiffent avoir fur-tout excellé dans la science de l'Infanterie, dont très peu d'Officiers connoiffoient la force. Ces habiles Généraux étoient dans les mêmes principes, quoique leurs fyftêmes ne fuffent pas entiérement les mêmes. La maniére de Mr. de Folard de faire combattre la Cavalerie, toujours foutenuë de l'Infanterie, n'eft plus, dit-on, de mode; mais elle n'en est pas moins raisonnable. Les autorités dont il appuye fon fentiment, font des plus fortes, & il feroit difficile de leur en oppofer de capables de les contrebalancer. L'Amiral de Coligny, Henri IV. Roi de France & très grand Capitaine, Guftave-Adolphe Roi de Suéde, Mr. de Turenne, le grand Condé, & tant d'autres hommes dont la compagnie infpire la plus grande confiance à Mr. de Folard, puifque les petites Armées bien conduites les faifoient triompher des plus grandes. Ce n'eft, felon lui, ni le nombre, ni la bravoure des troupes qui affurent la victoire, mais la maniére de les faire combattre, & la fcience du Général.

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Le Polybe avoit paru avant les deux derniéres guerres, & Mr. de Folard n'aiant plus rien donné au Public, n'a pu nous faire connoître ce qu'il penfoit des événemens confidérables que ces. guerres ont produit. Il ne fe feroit pas contenté de célébrer les actions du Maréchal-Duc de Belleifle & du Comte de Saxe qu'il eftimoit particuliérement, & qui penfoient comme lui en bien de choses. Il auroit rendu juftice avec la même équité aux Gé néraux étrangers, qu'il fe contentoit d'admirer avec fes Amis, n'aiant plus la liberté d'écrire. Que n'eût-il pas dit du fage & ha

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bile Général Khevenhuler & de tant d'autres Généraux Allemans & Pruffiens qui se sont signalés par tant de beaux faits d'Armes? Surtout que n'eût-il pas dit du Roi de Pruffe, ce Héros du Nord, célébre par tant de victoires, dont il étoit moins redevable à la valeur de fes troupes, qu'à fes propres vertus militai res, à fon intelligence, & à fa bonne conduite?

Il eft tems de parler des grands fuccès de Mr. de Folard, & de la gloire qu'il a acquise par fon Ouvrage, unique en fon efpéce, & le plus beau qui ait paru fur la Guerre. Tout ce qu'il y a en France de gens eftimables pour les Sciences & di ftingués dans les Armes, foit parmi les Généraux, foit parmi les Officiers particuliers, ont applaudi à un homme né pour illuftrer fa Nation, & lui montrer le véritable chemin de la gloire. Il nous apprend lui-même que les plus habiles Guerriers des autres Nations, Allemans, Anglois, Hollandois, avoient approuvé fon Ouvrage, & qu'il avoit dans le Nord un grand nombre de Profelytes, qui mettoient en pratique une partie des chofes utiles que fon Livre renfermoit. Nous nous contenterons de citer deux témoignages bien glorieux pour Mr. de Folard; l'un eft celui du Comte de Schulembourg, dont on trouve deux belles Lettres dans le premier & le cinquième Tomes de Polybe; l'autre eft du Veldt Maréchal Comte de Starenberg, qui écrivit à notre Auteur qu'il penfoit comme lui fur les Principales parties de la Guerre & la véritable maniére de faire combattre l'Infanterie; que s'il étoit capable d'écrire fur la Science Militaire, il ne fuivroit point d'autres Principes que ceux qu'il établissoit dans fon Commentaire fur Polybe; & que s'il avoit eu le bonheur de faire pendant fa vie quelque chofe de louable, il le devoit à ces mêmes Principes, dont une longue expérience lui avoit appris à connoître la vérité. Mr. de Folard ne fit point imprimer cette Lettre; il se contenta de la communiquer à fes bons Amis, furtout à celui de Hollande, en qui il avoit une entiére confiance. Voici des fuffrages bien précieux & propres à confoler un homme moins fenfible à la perte de sa fortune, qu'à la gloire

d'avoir

Nouv.
Découv.

Guerre,

VIII.

d'avoir mérité l'approbation de plufieurs grands Princes, plus refpectables encore par leurs lumiéres que par l'élevation de leur rang. En 1709. En 1709. il eut l'honneur de préfenter à Mgr. le Dauphin Duc de Bourgogne, le Projet de fon Ouvrage fur la Guer-fur la re. Ce Prince éclairé le lut & le trouva beau, encourageant l'Au- Chap. teur à exécuter son entreprise. Un tel Protecteur affuroit à Mr. de Folard des ressources que la mort de ce grand Prince fit évanouïr avec les espérances de la France. Il s'en étoit fait connoître avantageusement pendant le Siége de Lille, par plufieurs beaux Projets qu'il préfenta, ou qu'il exécuta lui-même avec autant d'habileté que de courage. Il ne tint pas à lui que cette importante Place ne fût fecouruë, & Mr. le Duc de Vendôme étoit résolu, mais la mesintelligence qui régnoit entre les deux Princes, & qui avoit déjà éclaté à l'affaire d'Oudenarde, mit obstacle à cette grande entreprise, dont on pouvoit efpérer un heureux Succès. Les Armées furent en présence, mais les François fe retirérent fans tenter le fecours, comme on s'y attendoit. Mr. de Folard compofa une Relation de cette fameufe Campa. gne, & quoique tout dévoué à Mr. le Duc de Vendôme, il avoit fi bien ménagé les chofes, que les deux Princes à qui il présenta la Piéce, en furent très-fatisfaits. Ce morceau, que nous connoissons par fes Lettres, doit fe trouver parmi les Papiers qu'il a laiffés à Mr. le Maréchal-Duc de Belleifle.

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Ibid. P

En 1716. Mr. de Folard profita de la paix pour aller en Suéde, où le Roi Charles XII. l'avoit fait appeller. Il y pafla inco- 90. gnitò avec le Comte de la Marck, Ambaffadeur de France. Il y porta tous les papiers fur la guerre, & ce qu'il avoit écrit fur Po Îybe, dans le deffein de finir fon Commentaire fous les yeux du plus brave & du plus grand Capitaine de notre fiécle. Ce Monarque fit un accueil extraordinaire à un Guerrier dont il reconnut bientôt le profond génie, le vafte favoir, & les rares talens. Il le confulta fur diverfes parties de la guerre, & voulut furtout en apprendre ce qui regardoit les Siéges & les Mines. Mr. de Folard admiroit à fon tour les vertus & les rares connoiffances

de

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