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de ce Prince, & il en faifoit fon profit. Il avoit pour lui une fi haute estime, qu'il nous dit que quand il n'auroit mérité que l'approbation de cet illuftre Héros, il fe croiroit affez dédommagé de tous les travaux. Il avoit prefque achevé fon Polybe, qu'il devoit faire imprimer en Hollande, & dédier au Roi de Suéde. Enfin comblé des faveurs & des bienfaits du grand Charles XII. il partit, lui laiffant un neveu agé de quinze ans, qu'il avoit élevé avec grand foin. Ce jeune homme fut le Page favori du Roi, qu'il ne quittoit jamais; il étoit à fon côté lorsque ce Monarque fut tué à Fréderikshal. C'est Mr. de Robert, Officier fort habile qui a fervi depuis dans le Régiment de Picardie. Le retour de Mr. de Folard ne fut pas heureux. S'étant embarqué à Gottembourg, il fit naufrage fur la côte de Jutland, & il eut de la peine à le fauver nud en chemife. Il perdit avec les préfens du Roi, tous les papiers, dont la perte lui fut très fenfible. Ce malheur ne le rebuta pas. En paflant à la Haye il dit à fon Ami qu'il alloit s'enfermer à Paris, & qu'il rétabliroit fon Polybe, ou qu'il mourroit à la peine : il tint parole fans fe rebuter d'un fi grand travail. Après avoir perdu le Roi Charles XII. il lui reftoit une reffource dans la protection du Duc d'Orléans, Régent de France, à qui il dédia fes Nouvelles Découvertes fur la Guerre. Ce Prince qui aimoit les Sciences, & dont le génie supérieur s'étendoit à toutes, avoit connu en Italie Mr. de Folard, & diftingué fon rare mérite : il prenoit plaifir à s'entretenir avec lui fur tout ce qui regardoit la guerre. Il ne vécut pas affez longtems pour aider dans fon entreprise, un homme qui avoit befoin de fa faveur pour l'exécuter. Il en vint à bout malgré une infinité de traverses & d'obstacles qui ne fervirent qu'à lui faire honneur.

A peine le Polybe cut il paru que de tous côtés on rendit justice au profond favoir de l'Auteur. Mr. le Comte de Saxe fon Ami le fit connoître à la Cour de Drefde, où il fe trouvoit alors. Le Roi de Pologne Augufte II. qui entendoit parfaitement la guerre, fit affembler le magnifique Camp de Mulhberg, où il invita le feu Roi de Pruffe. Là fous les yeux de ces deux Princes guer

guerriers, on exécuta toutes les évolutions militaires dont il est parlé dans le Polybe, qu'ils avoient entre les mains. Le fuccès en fut très-grand, & Mr. le Comte de Saxe eut ordre de remercier Mr. de Folard de la part des deux Rois. Quel triomphe pour lui, & en même tems quelle humiliation pour les envieux & fes ennemis, animés contre fon Livre & contre fa perfonne!

Nous avons ajouté aux fix volumes du Polybe un Supplcment, qui en fait le Tome VII. dont nous allons parler en peu de mots. On a placé à la tête les Nouvelles Découvertes fur la Guerre, où l'on trouve l'Histoire du Polybe, & le précis du Syltême de Tactique de Mr. de Folard; & comme il les cite fouvent dans fon grand Ouvrage, nous avons cru qu'on feroit bien aife de l'y trouver joint. Mais nous en avons retranché le Traité de la Colonne, qui est déja à la tête du Tome I. avec des correc tions importantes. Par exemple, il avoit mis d'abord un cinquiéme de Pertuifanes pour fraizer fa Colonne, & il n'en a mis enfuite qu'un feptième, pour contenter ceux qui le blâmoient de vouloir trop diminuer le feu de l'Infanterie.

On trouve enfuite une Lettre critique fur le Polybe. Elle est de Mr Terfon, vieux Officier François au fervice des Etats, qui avoit trop de mérite lui-même, pour ne pas rendre justice à celui de Mr. de Folard, & à fon habileté dans la Science de la guerre. Cette Piéce, qui eft fort polie, avoit paru dans la Bibliothéque Françoise.

Voici un Ouvrage plus confidérable, que plufieurs perfonnes de France nous ont priés de faire reparoître ici, quoique d'autres ne fuflent pas de cet avis. Ce font les Sentimens d'un Homme de Guerre fur le Polybe de Mr. le Chevalier de Folard, qui parurent fucceffivement en quatre Lettres, qui ont été attribuées à un Officier Suisse, Major-général au service des Etats Généraux. On voit qu'il ne penfe pas en bien des chofes comme l'Auteur François, furtout fur fa Tactique & fa Colonne qui en eft la base. Il paroît que l'Auteur ne connoît pas affez bien la Colonne pour en parler. Il la compare à la Phalange des Grecs, dont elle étoit très différente. La Colonne peut agir dans toutes fortes de

Tom. I.

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fituations, au-lieu que la Phalange ne pouvoit agir que fur un terrain uni. D'ailleurs elle n'avoit d'autres armes que la Pique, dont la longueur l'embarraffoit, au- lieu que la Colonne n'a qu'un feptiéme de Pertuifanes, plus commodes & plus faciles à manier que la Pique. Le refte eft armé de Fufils & de Bayonnettes. Il fait confifter la principale force de l'Infanterie dans fon feu; Mr.de Folard dans l'arme blanche, lorsque l'on peut joindre l'Ennemi fans obstacle. Il foutient qu'on réuffira mieux en effuyant le premier feu, & en abordant l'Ennemi brufquement. Mr. de Folard eft perfuadé que cette méthode convient mieux aux François que toute autre & il affure qu'ils l'ont toujours fuivie avec fuccès. L'Auteur Critique fait contre le nouveau Systême plusieurs objections, qu'on a prévenuës dans le Polybe, où l'on en trouve les réponses. Mr. de Folard a eu raifon de s'en plaindre, mais avec grande politeffe. Il n'a pas été plus content de le voir débiter gravement, comme de fon propre fonds, des chofes bonnes & utiles qui fe trouvent bien mieux dans le Polybe, fans en faire honneur à celui qui y avoit pensé le premier. Tout ce qu'il dit de la Cavalerie, & fur la néceffité de la mêler avec l'Infanterie, pour la faire combattre aveć avantage; tout cela appartient à Mr. de Folard. Permis à l'Officier Suiffe de croire que c'eft la Cavalerie qui gagne les batailles en plaine, & qu'il n'eft pas poffible à l'Infanterie de lui réfifter fi elle est enveloppée. On voit le contraire dans le Polybe.

Enfin on voit ici la Réponse de Mr. de Folard aux deux Officiers Hollandois, telle qu'elle parut dans le Tome XVI. de la Bibliotheque Françoife. Cetre Piéce eft remplie de marques d'eftime pour ces deux Meffieurs & pour toute la Nation Hollandoife, dont il louë fort l'Infanterie & la Difcipline Militaire. Lorsqu'il la donna il n'avoit encore vû que les deux premiéres Lettres des Sentimens d'un Homme de Guerre, mais il ne jugea pas devoir Y répondre, & il ne voulut pas permettre à Mr. de Robert fon neveu de le faire pour lui. Il crut ne devoir pas s'engager plus avant dans cette querelle, & que l'approbation des plus grands Guerriers de

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l'Europe le dédommageoit affez de celle qu'il ne pouvoit obtenir d'un homme dont il avoit trop eftimé les lumiéres.

Nous avions espéré d'enrichir ce Supplément de quelque Ouvrage pofthume de Mr. de Folard fur la Guerre, furtout des Obfervations importantes dont le Tome VI. devoit être accompagné. Il nous apprend lui-même qu'elles étoient presque finies, lorsque des ordres fupérieurs l'obligérent de les fupprimer. Il avoit promis de les envoyer en Hollande, avec les Mémoires de fa Vie, qui ne devoient paroître qu'après la mort, avec quelques Piéces très-curieuses. Il oublia fes promeffes, & légua l'année derniére tous les Papiers à Mr. le Maréchal-Duc de Belleifle ; & comme l'Ami de Mr. de Folard a l'honneur d'en être particuliérement connu, il lui écrivit pour tacher d'en obtenir quelque chofe pour nous. Voici partie de la Réponse de ce Seigneur, qui nous laifpeu d'efpérance pour le présent.

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; Je partage plus que perfonne, Monfieur, votre affliction de du Chevalier Folard, dont je connoiffois de longue perte main tout le mérite & les talens. Il eft vrai qu'il avoit projetté de retoucher & d'ajoûter à fon Polybe, mais je doute qu'il ait eu le tems de rien rédiger par écrit fur cet objet, & je n'ai pas », encore eu celui de vérifier, fi dans les papiers de toutes efpéces, ,, en plus grande partie informes & découfus qu'il m'a laissés, il s'y trouve rien qui y puisse être adapté; moyenant quoi je despére de pouvoir contribuer, comme je le voudrois, à enrichir la nouvelle Edition que je vois qu'on a commencé à met,,tre fous preffe, &c. &c. &c.

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Outre les Ouvrages dont nous avons fait mention ci-deffus, on fait que Mr. de Folard avoit travaillé fur les Commentaires de César, & que fes matériaux étoient prêts depuis longtems pour une nouvelle Edition de cet Auteur. Il vouloit auffi nous donner la Difcipline Militaire des Grecs & des Romains, & y joindre une Discipline Militaire Moderne, accommodée aux Mours & aux Ufages de notre tems. Mr. de Folard mourut l'année derniére à Avignon La Patrie, âgé de 8o. ans.

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LETTRE

DE MONSIEUR LE

CHEVALIER DE FOLARD,

à Mr. D. S.

A Paris le 12. Janvier 1729.

A lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, mon cher Monfieur, eft venue dans un tems fâcheux pour moi, où l'on n'a guére l'efprit libre. Elle n'a pas laiffé de me faire beaucoup de plaisir, je vous affure. J'ai fini & commencé l'année dans cet état. Je ne vous fouhaite pas une fin ni un commencement d'année pareil au mien. La Philofophie fert beaucoup, mais cela n'empêche pas que je ne croye que la douleur & les chagrins ne foient deux grands maux; m'en voilà pourtant délivré, il ne refte que l'avenir qui m'inquiéte un peu, car les gens auxquels j'ai affaire ne font pas peu redoutables. Les Héros aiment la vengeance de quelque nature qu'elle puiffe être, du moins ceux qui ne font pas arrivés au plus haut degré de l'Héroïsme; car ceux qui l'ont atteint, ne fe laiffent pas aveugler par leurs paffions. Ces Héros font rares, & ne font pas de ce fiécle-ci ni de l'autre, il faut remonter pour le moins deux fiécles révolus, & même au-delà.

Pour vous tirer au plutôt de peine, Monfieur, je vous apprendrai que j'ai été attaqué par deux miférables Auteurs crottés, l'un eft celui de la miférable Ecole de Mars, dont l'Edition eft encore toute entiére chez le Libraire, & l'autre eft l'Hiftorien bas & flatteur de l'Hiftoire Militaire de LOUIS LE GRAND. Je me fuis un peu moqué de ces deux Meffieurs dans mon Livre. Vous me direz peut-être qu'ils n'en valoient guére la

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