Imágenes de páginas
PDF
EPUB

torique, toutes ses régles & fes Profeffeurs vont se briser comme con

tre un roc.

On peut juger par ce que je viens de dire, que les libertés que je me donne, & les hardieffes que je prens ne font pas petites, & je m'en fai gré. J'en avertis mes Lecteurs par avance, bien loin de chercher des raifons pour excufer mon libertinage.

La République des Lettres a fes libertins & fes amufans, déplaisentils? Sont-ils rebutés? Il s'en faut bien, ils font au contraire très-recherchés, ils nous donnent des fruits & des fleurs en abondance pêle-mêle & fans ordre comme un trophée, & le tout enfemble compofe une odeur très-douce & très-agréable. Rien ne plaît & ne réjouit tant que cela; c'eft la régle que j'ai fuivie; & le préfent que je fais au Public, aux Gens de guerre, aux Savans, & à ceux même qui ne le font pas, & qui ne lifent que pour délaffer leur efprit. Le préfent eft fort peu de chofe, mais enfin c'eft le travail de plufieurs années.

Polybe fit un femblable présent à fon fiécle il y a deux mille ans, il en fut admiré comme nous l'admirons, & comme on l'admirera toujours. S'il n'eft pas en entier, du moins ce qui nous refte de ce grand homme nous fait affez juger de l'excellence du tout. Il l'orne & le pare de nouveaux fruits & de fleurs toutes nouvelles, que je préfente à mon fiécle, & le tout rangé & varié de la même façon que mon Auteur a donné le fien. Car c'eft de lui que je reçois l'ordre. Bien affûré que cette méthode, bizarre en apparence, attirera davantage l'attention & la curiofité de mes Lecteurs.

Souvent un beau défordre eft un effet de l'art.

Je m'attache aux batailles, aux combats qu'il rapporte ; je les éclaircis, je les mets dans un plus grand jour, j'en tire le précepte & la méthode, & j'accommode le tout à mon Syftême de Tactique, & à ma maniére d'attaquer & de fe défendre, j'y ajoute des Plans & des Figures des ordres de batailles pour un plus grand éclairciffement; j'appuie le tout d'observations & de remarques, lorfqu'il s'agit de quelque partie confidérable de la guerre, que je traite toutes fur ces principes.

Il y en a certaines plus importantes que je fubdivife en plufieurs autres, & chacune eft expliquée & traitée féparément. Il s'en trouve quelques-unes dont aucun de nos Auteurs dogmatiques n'avoit parlé, foit par oubli, foit qu'ils ne crûffent pas qu'on pûr les réduire en principes & en méthode. Du moins devoient-ils nous faire voir qu'elles ne leur étoient pas inconnues. A l'égard des autres, à peine nous en donnentils une bonne idée. Enfin je me conduis de forte que chaque Chapitre ou Paragrafe les représente par des côtés différens, felon les divers cas, les lieux, les occafions, le nombre, le plus ou le moins de force dans une arme que dans l'autre, les variations d'ordres, les diffé

le tems,

férentes méthodes, & le caractére même des Généraux: car tout est de conféquence à la guerre. Il n'y a rien de petit, tout y eft grand, ou tout le devient.

Dans les autres matiéres, difons plutôt dans toutes, je donne un libre effor à mes penfées fur toutes les chofes dont mon Auteur parle, & dont l'imagination eft fans ceffe remuée, fe tournant de tous les côtés. & fur différens fujets.

Comme cet Ouvrage pourroit être lû par morceaux, ou fervir à la guerre en guise de Dictionnaire de conduite militaire felon les cas qui, peuvent furvenir, qui ne font pas tous les mêmes, il pourroit fort bien arriver qu'un avertiffement, un précepte, une conduite à obferver dans l'attaque ou dans la défenfe, qui ne feroient donnés qu'une fois, courroient rifque de demeurer inconnus.

A la fuite de chaque Chapitre du Texte viennent des Obfervations ou des Differtations fur les événemens que l'Auteur rapporte, fans aucun autre ordre que ces événemens, & tout cela embraffe différentes matiéres: car elles ne regardent point toutes la guerre, quoique je la traite dans toutes fes parties. Dans ces fortes d'Ouvrages, le droit de paix & de guerre, la politique, & tout ce qui regarde le gouvernement des Peuples, dont l'Auteur parle, & leurs différentes méthodes d'attaquer & de fe défendre, ne font pas négligées. Je coule quelquefois légérement fur certaines chofes pour les reprendre & les approfondir, lorfque l'occafion s'en offre dans le cours de cet Ouvrage : car quoique mon. Auteur pofféde tout dans un excellent dégré, il n'a pas tout dit, & nous ne fommes pas toujours de fon avis. Bien que je place ce grand homme au-deffus de tous les Hiftoriens Politiques & Militaires, quelque eftime même que j'en faffe, je le crois fi peu éxemt de tout défaut, que j'en fais obferver, que j'en reléve même un affez bon nombre.

>

A l'égard des batailles, des combats, des campemens & des mouve mens généraux des armées, changemens & variations d'ordres, des infultes de camps retranchés, des retraites de toute efpéce, des furprifes, des fiéges, des paffages de riviéres & de grands fleuves, & autres grandes manoeuvres favantes & profondes, & tout ce qui regarde la fcience du Général, je les traite avec toute l'éxactitude & le foin poffible, & autant qu'il dépend de mes forces & de mon intelligence, puifqu'aucun avant moi n'a fait paroître les fiennes fur ces fortes de fujets, c'eft-à-dire fur un Cours de fcience militaire; on ne l'a pas fait non plus à l'égard des faits que mon Auteur rapporte d'une maniére claire & diftincte, & que je réduis en principes & en Systême; mais fi ces faits n'étoient pas représentés & éclaircis par des Plans & des Figures deffinées avec la derniére régularité, & gravées par les plus habiles Maîtres, & que tout n'y fentît pas l'art & la méthode, je croirois n'avoir rien fait pour l'inftruction des Gens de guerre, ni qui fût digne d'une fi grande entreprise. Rien ne m'a femblé plus important que cela. C'étoit

la

la méthode des Anciens, comme on le voit dans Plutarque: on a coûtume de dire, & l'on n'en a que trop de raifon, que les Images font les Livres des ignorans. Les Hiftoriens, je me borne à ceux-ci qui fe mêlent d'en enrichir leurs Ouvrages, devroient donc fe faire une efpéce de réligion de n'en mettre que de véritables. S'apperçoit-on, dans prefque tous les Livres qui en font ornés, que ces Plans ou ces Figu res foient vraies? La plupart de celles dont ces Auteurs nous régalent font des rêveries tirées de leurs cerveaux, foit manque d'attention aux différens textes qu'ils confultent où ces faits font marqués, foit faute d'un certain génie propre à ces fortes de découvertes, foit par défaut d'expérience ou par ignorance; il faut bien que tout ceci y entre, ou du moins une bonne partie. Quoiqu'il en foit, il eft conftant qu'ils trompent par là les perfonnes les moins propres à fe garantir de l'erreur; parce qu'ils n'éxaminent pas mieux les actions qu'ils lifent que l'Hiftorien qui nous les raconte, auffi ignorant qu'eux à cet égard-là. Les Savans y font trompés comme les autres, fi ces Figures repréfentent des combats ou des batailles; car tous ne font pas du métier pour en juger. Il s'en trouve pourtant qui fans en être s'apperçoivent fort bien de ces fottifes, & n'ont garde de les regarder comme des piéces authentiques. Ceux-ci font en fort petit nombre, mais les dupes font, en foule

Les Eftampes des batailles & des machines de guerre des Anciens, dans la nouvelle Hiftoire Romaine, font-elles bien fincéres? Approchent-elles du vrai? J'avoue que l'Auteur ne les a pas tirées de fa tête, mais prifes par- ci par-là dans plufieurs Ouvrages la plupart Italiens.. Mais à quoi penfe-t-on de nous donner gravement les imaginations ri dicules de ces fortes de Savans? Reconnoît-on Polybe & Tite-Live luimême dans l'Estampe que l'on donne là de la bataille de Cannes? Eftelle conforme au narré de ces deux Auteurs? Peut-on s'empêcher de rire, en voiant la cavalerie des deux ordres partagée à chaque aîle fur quatre colonnes d'une profondeur immenfe? Jamais les Romains ni les Carthaginois, ni aucune nation du monde ne combattit ni ne fe rangea de la forte à la cavalerie, mais par efcadrons. Lipfe, il eft vrai, &, tous ceux qui le fuivent en queue, ont fuivi cette ridicule façon de ranger la cavalerie. De grace qu'on me faffe voir l'Auteur où ils l'ont puiféc. Lipfe fur cet article, & dans prefque tout fon Poliorceticon, eft un Auteur dont on ne peut trop fe défier. Hugo Gromaticus eft l'original de toutes ces méprifes. A-t-on pris garde à l'infanterie, qui faifoit le centre dans cette bataille? Je ne vois rien de plus plaifant que le grand, chemin qu'on laiffe entre les deux corps, comme pour épargner aux Romains la peine de fe faire un paffage au centre des Carthaginois.

A ces ordres de batailles que je donne felon la defcription que mon, Auteur en fait, j'en oppofe d'autres felon mon Syftême, dont je don ne les Plans, & des éxemples paralléles anciens & modernes.

Tom. I.

b

Lorf

Lorfque l'action s'eft terminée dans une plaine, nous traitons des af faires des plaines; nous n'épuifons pas pourtant cette matiére dans un feul endroit, parce que les cas font différens, & les circonftances diverfes: outre que la guerre ne fuit pas toujours les routes qu'on fe propofe, & par conféquent les méthodes doivent être différentes, quoique dans un terrain femblable; en un mot j'emploie différentes maniéres de me ranger, & je ne me borne pas à une feule dans le même païs: l'habileté confiftant dans les variations d'ordres, ce qui eft bien différent de la routine, qui ne reconnoît qu'un feul ordre & qu'une feule métho de. Doit-on être furpris après cela, fi la portion du hazard ou de la fortune dans le partage de la gloire militaire eft toujours la plus grande? Au lieu qu'en oppofant à l'ennemi des difpofitions diverfes fans rien changer dans mes principes capitaux, finon pour la diftribution de chaque arme, il fe trouve toujours nouveau, & dans une perpétuelle incertitude de ce qu'il fera ne voiant rien dans ce qu'on veut faire à caufe de la foupleffe & de la vîteffe de mes mouvemens, & c'est là en quoi confifte le grand & le profond de ma tactique. Ajoutez à ce que je viens de dire, que j'approfondis davantage la matiére que je traite fe fon que l'Auteur me fournit l'occafion de reprendre les mêmes matiéres dont j'ai parlé ailleurs. Nous réfléchiffons en même tems fur les fautes des deux partis, comme fur ce qu'ils ont pratiqué de bon & de remarquable.

Si l'affaire s'eft paffée dans un païs couvert, dans des lieux mêlés, coupés, difficiles, & où une armée ne combat que par parties déta chées ou fur un petit front, je propofe & je donne des difpofitions différentes, & ainfi de toutes les autres affaires qui regardent les diverses fituations des lieux, où les armées font obligées de combattre ; mais je ne m'écarte jamais de ma méthode, qui s'accommode à tout; en cela bien différente de celle que nous fuivons.

II eft aifé de comprendre par le nombre des Volumes de cet Ouvra-1 ge, la grandeur des matiéres qu'il renferme, & combien il importe de Porner & de l'enrichir de Plans & de Figures; il y en aura près de 350, & l'on ne fauroit guéres s'en difpenfer: car fans ce fecours il feroit trèsdifficile de bien comprendre les matiéres que je traite; mais on doit bien fe garder de croire que je donne mes imaginations pour des réalités, comme font tant d'autres. Tout eft prouvé, tout eft réel à l'éLe gard de l'antiquité militaire. Un Ami* de mérite que j'ai auprès de d'Albé moi, & qui deffine parfaitement, s'eft chargé de l'éxécution des deffeins, & a fuivi mes idées avec toute la régularité & l'éxactitude poffible.

Sieur

[ocr errors]

Je me fuis trouvé trop refferré dans cette Préface pour être en état d'entrer dans un plus grand détail de cet Ouvrage. Je me borne feuIement aux deux premiers Volumes: les matiéres des fuivans font en fr grand nombre, que je ne pourrai guéres me difpenfer de les accompa

gner

gner de Préfaces, où nous répondrons aux critiques fi nous le jugeons à propos.

Comme mon Traité de la Colonne eft la base de tout mon Corps de science militaire, & le fondément de tout mon Syftême de guerre, elle en fait auffi la tête. Elle n'eft pas tout-à-fait telle qu'elle a été donnée dans les Nouvelles Découvertes, on la fortifie d'un grand nombre de preuves, qui achéveront de convaincre ceux que les premiéres ont é branlés. J'y ai ajouté encore des Figures, des éxemples & des faits remarquables Anciens & Modernes qu'on ignoroit, & que j'ignorois moi-même, qui ne laifferont pas que de furprendre & de défarmer, s'il eft poffible, ceux au goût defquels cette façon de combattre n'a pas été, plutôt par efprit de contradiction que par raifon : car je les défie d'en alléguer aucune tant foit peu fuportable, & qui puiffe faire juger qu'ils entendent l'infanterie, & qu'ils connoiffent fa force. En un mot il n'y a guéres de Chapitre où je n'aie inferé quelque nouveau raifonnement, quelques nouvelles réfléxions, & quelques nouvelles maximes que la vérité produit affez naturellement, & qui paroîtront, j'efpére, en leur place. C'eft l'avantage des Syftêmes fondés fur des vérités démontrées, de conduire à un grand nombre d'autres: ce qui n'eft pas un petit embarras à ceux aufquels ces vérités déplaifent, & qui les rejettent hardiment forfqu'elles paroiffent contraires à leurs préventions. Ne craignent-ils pas que la vénérable routine ne foit défertée, & qu'ils ne perdent tout leur credit? Leur crainte n'eft point mal fondée, puifque cette routine menace ruine, & que j'en fappe les fondemens.

J'ai jugé d'autant plus néceffaire de répandre plus de preuves dans cet Ouvrage, que je fuis venu dans un tems où des fentimens tels que les miens, tout raifonnables & démonftratifs qu'ils font, ne peuvent man quer d'effaroucher certains efprits opiniâtrément attachés à la coûtume: pour les habiles, ils me feront favorables: je parle ici des Officiers particuliers, favans dans l'infanterie, comme des Généraux les plus renommés de l'Europe, qui ont approuvé & reçû mon Systême, & qui m'ont fait l'honneur de me le marquer dans les lettres qu'ils m'ont

écrites.

Le nombre des entêtés est toujours le plus grand, & il ne manquera pas de fe foulever. Car le moien que les routineurs puiffent s'accommoder d'un Système qui les réduit dans l'abfolue néceffité d'étudier & de s'appliquer à leur métier. Et pourquoi y feront-ils obligés? Le voici, c'est que mes principes étant à la portée de toutes fortes d'efprits, & pouvant s'apprendre comme ceux des autres fciences, il leur fera honteux de ne rien favoir de la guerre, pendant que ceux qui ne font pas guerriers pourront par la lecture de mon Livre, en raifonner & en parfer beaucoup plus favamment que ceux qui n'ont d'autre titre à produire que leur expérience: il faudra donc néceffairement qu'ils apprennent, de peur de trouver des gens de tous états qui les relèvent à chaque pas

bij

qu'ils

« AnteriorContinuar »