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Au retour des Députés, Philopomen, interprétant l'oracle en fa faveur, fe met à la Ibid. tête de fes Achéens, & campé fur les frontiéres de la Laconie, il envoie demander à Sparte les auteurs du défordre qui étoit arrivé l'année précédente fur la côte, promet tant que fi l'on fe foumettoit à cet ordre, la ville ne feroit pas inquiétée, & qu'il ne feroit rien fait aux coupables fans avoir entendu leur juftification. Les Lacédémoniens fe rendirent au camp, mais on ne leur tint pas parole. Le tumulte commença par les bannis de Lacédémone que Philopamen avoit menés avec lui, & qu'il avoit envie de rétablir. Dix-fept des infracteurs du Traité furent maffacrés fans avoir été entendus. & foixante-trois des autres eurent à peine dit deux mots pour leur défenfe, que livrés à la multitude irritée, ils perdirent la vie dans les fupplices. On ne fut pas plus fidéle à l'autre partie de la promeffe. Après cette éxécution, Philopomen ordonna aux Lacédémoniens d'abattre les murailles de leur ville, d'en chaffer toutes les troupes auxiliairès, de bannir tous les efclaves que les Tyrans avoient mis en liberté ; & ce qui fut de plus déplorable, d'abolir les loix & les coûtumes établies par Lycurgue, & d'élever leurs enfans à la maniére des Achéens.

Nouvelles plaintes de la part des Lacédémoniens. Ils font venir Métellus, qui étoit An de alors dans la Macédoine. Ce Conful demande un Confeil aux Achéens, qui le lui re Rome fusent, en vertu de la loi qui ne le permettoit que pour les Ambaffadeurs qui auroient DLXVI. montré leurs inftructions. Métellus retourné à Rome très-mécontent de ce refus, y Polyb. méne Areus & Alcibiades, tous deux Lacédémoniens, tous deux très-ennemis des AT. II. chéens, & tous trois enfemble irritent le Sénat contre ces derniers. Sur le bruit qui P. 1186, en courut d'abord dans l'Achaïe, Lycortas, alors élû Général, affemble le Confeil, & l'on condamné à mort Areus & Alcibiades.

Peu de jours après, Appius arrive dans le Péloponéfe, député par le Sénat pour ap: paifer les troubles, dont ce païs étoit agité. Dans le Confeil, Appius, qui avoit avec Tit. Liv. lui les deux accufateurs Lacédémoniens, fe plaignit de la part du Sénat, que les Achéens Lib. euffent mis à mort ceux que Philopomen n'avoit fait venir de Lacédémone que pour xxxix. les entendre dans leurs défenfes, qu'ils euffent donné ordre de renverfer les murailles de cette ville, & qu'ils euffent aboli les loix de Lycurgue.

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Lycortas fut vivement touché de ces reproches. Il étoit plus difficile de répondre là qu'à Rome. Alors il n'avoit affaire qu'aux Lacédémoniens au lieu qu'ici les Ro mains mêmes étoient fes accufateurs & fes Juges. Mais il ne fe déconcerta point. Il répondit qu'il étoit furpris que l'on cherchât quérelle aux Achéens fur la mort des Lacédémoniens, qui étoient venus pour fe défendre; qu'en les faifant mourir, les Achéens n'avoient qu'éxécuté le Traité d'alliance conclu avec les Romains, qui leur avoient confié la garde des places maritimes de la Laconie ; que les Dieux mêmes avoient approuvé cette entreprife, puifqu'ils avoient voulu qu'elle eût un heureux fuccès; que d'ailleurs quand il y auroit eu du crime, les Achéens n'en feroient pas coupables; que ce n'étoit pas eux qui avoient porté leurs mains fur les Lacédémoniens, mais les bannis de Lacédémone. A l'égard des murailles, qu'il étoit étonnant qu'on leur reprochât de les avoir détruites, comme fi elles euffent été bâties par Lycurgue; qu'elles n'avoient été élevées que depuis peu d'années par les Tyrans pour renverfer les loix & les établiffemens de ce Légiflateur; que s'il revenoit au monde il feroit charmé de les voir abattues, & qu'à' ces ruines' il reconnoîtroit fon ancienne Sparte; que les Lacédémoniens n'euffent pas dû attendre que les Achéens les démoliffent, mais plutôt les rafer eux-mêmes, comme la marque infame de leur fervitude; que tant qu'ils n'en avoient point cues, ils avoient été libres, & quelquefois les maîtres de la Gréce, au lieu que depuis cent ans, attachés au dedans de leur enceinte comme avec des chaînes, ils avoient vêcu dans l'efclavage; que c'étoir à tort que l'on accufoit les Achéens d'avoir aboli les loix de Lycurgue, qu'il y dis

avoit

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avoit longtems que les Tyrans en avoient effacé toute mémoire ; que les Achéens avoient donné leurs propres loix aux Lacédémoniens, & que c'étoit pour ces derniers beaucoup d'honneur que d'être unis au refte du Péloponéfe.

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Puis prenant de nouvelles forces & s'adreffant au Député:,, Je fai, dit-il, Appius,. que le difcours que je tiens, n'eft pas tant d'un Allié qui parle à des Alliés, que d'un efclave qui rend compte à fon Maître. Car pourquoi, je vous prie, fi en nous annonçant par un Héraut que nous étions libres, on a voulu fincérement que nous le fuffions, pourquoi pendant que je ne vous demande pas raifon de ce que vous avezfait après la prife de Capoue, dois-je vous en rendre de la conduite que nous avons tenue à l'égard des Lacédémoniens, après l'avantage remporté fur eux? Nous en avons fait mourir quelques-uns, foit: mais vous, n'avez-vous pas fait fauter la tête aux Sénateurs de Capoue? Nous avons détruit des murailles, cela eft vrai: mais. vous en êtes-vous tenus là? N'avez-vous pas encore ruiné la ville & le territoire? Nous étions les maîtres, direz-vous, & les Achéens ne font libres que par grace, & qu'autant qu'il nous plaît. Je le fens bien, Appius, & fi l'on ne doit pas en être fà"ché, je n'en fuis pas fâché. Mais quelque différence qu'il y ait entre vous & nous, ,, au moins ne nous mettez pas en même rang nous qui fommes vos Alliés, & ceux qui font autant vos ennemis que les nôtres: au moins ne traitez pas ceux-ci plus favora blement que nous. En leur donnant nos loix, & en les admettant dans la ligue des ,,Achéens, nous avons rendu leur condition égale à la nôtre: cela ne leur fuffifoit-il ,, pas? Mais non: vaincus, ils ne fe contentent pas de ce qui contenteroit des vain»queurs; ennemis, ils prétendent plus que ne prétendroient des Alliés. Ils veulent anéantir un Traité, qui gravé fur la pierre a été comme confacré à l'immortalité, & auquel nous nous fommes obligés par ferment. Nous vous refpectons, Romains, & fi vous le voulez même, nous vous craignons ;, mais nous refpectons & craignons encore plus les Dieux immortels.

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Tout le Confeil applaudit à ce difcours, chacun s'écria que l'on ne pouvoit foutenir plus majestueufement & avec plus de vigueur la dignité de premier Magiftrat. Il n'y eut qu'Appius qui reftât infléxible. Pendant que vous pouvez de bon gré, ré, pondit-il orgueilleufement, vous accommoder avec les Lacédémoniens, croiez-moi, Achéens, accommodez-vous avec eux; de peur que dans la fuite vous ne foiez o bligés de le faire malgré vous. Cette hauteur faifit d'effroi les Achéens, ils fe bornérent à demander qu'on n'éxigeât rien d'eux contre la religion du ferment, laiffant en la difpofition des Romains de faire des Lacédémoniens tout ce qu'ils jugeroient à propos.

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Appius caffa la Sentence prononcée contre Areus & Alcibiades, & permit aux Spartiates de députer à Rome; quoique ce fût une loi parmi les Achéens, qu'aucune ville. ne députeroit de fon chef & féparément du Confeil général de la République. Les Achéens envoiérent auffi de leur côté des Ambaffadeurs. Après de longues conteftations, Tit. Liv. le Sénat fit partir pour la Gréce Q. Marcius, qui tout en arrivant remit dans Sparte ceux que les Achéens en avoient éxilés, déclara innocens tous ceux qu'ils avoient condamnés, éxemta les Lacédémoniens de toute contribution, leur permit de recourir à in A- des tribunaux étrangers pour les caufes capitales, & de relever leurs murailles.

Lib.

XXXIX.

Paufan.

Lib.

chaic. Ici achéve fa glorieufe carriére le fameux Philopomen, le guerrier de fon tems, & Tit. Liv. ce tems étoit très-fécond en Héros, qui eût le plus étudié fon métier,.& qui l'eût le mieux appris. Malade à Argos & âgé de foixante-dix ans, aiant ouï dire que Dinocra XXXIX. tes avoit détaché Mefféne de la ligue des Achéens, & qu'il étoit fur le point de s'emPlutarch. de Corone, pofte confidérable au-deffous de Mefféne fur le bord de la mer, il in Philop parer part pour fe rendre à Mégalopolis, & y arrive le même jour. Il ne s'y arrête pas, il

1.

prend

prend quelques jeunes gens des plus qualifiés de la ville, tous bien montés, & parmi lefquels on ne peut raifonnablement douter que Polybe ne fût, & marche vers Mefféne.

A moitié chemin, il rencontre Dinocrates, le charge & le met en fuite. Cinq cens chevaux des ennemis le furprennent dans un fond très-difficile. Il ferre fon petit efcadron, fe met à la queue, & s'avance plufieurs fois contre l'ennemi, pour donner à fes jeunes gens le tems de fe fauver. Son cheval s'abbat, il tombe, & fon cheval fur lui, peu s'en fallut qu'il n'en fût écrafé. Les ennemis accourent & l'environnent. Quand ils eurent reconnu que c'étoit Philopcemen, refpectant ce grand homme, & fe rappellant les fervices fignalés qu'il leur avoit rendus, ils le relevérent comme fi ç'eût été leur Géné ral, & le conduifirent à Mefféne à travers une foule innombrable de peuple qui s'étoit amaffée pour le voir: mais à peine y fut-il arrivé, qu'on le defcendit dans un lieu fou terrain, que l'on couvroit d'une groffe pierre, & où le lendemain on lui envoia un poifon. Il demanda à l'éxécuteur, fi Lycortas & fes cavaliers s'étoient retirés fains & faufs, & quand on lui eut dit qu'ils s'étoient fauvés: cela me fait plaifir, dit-il & auffi-tôt il prit le poifon, qui ne le tourmenta pas longtems; il étoit fi épuifé, de An Rome qu'il fut éteint en un moment.

Sur la nouvelle de fa mort, on tint un grand Confeil à Mégalopolis, où l'on réfolut de venger un attentat fi horrible. Lycortas nommé Général, fe jette dans la Meffénie, & y met tout à feu & à fang. Mefféne ouvre les portes. On brûle le corps de Philopomen, & l'on porte fes cendres à Mégalopolis. C'étoit Polybe qui dans cette pompe triomphale portoit l'urne, il avoit alors environ vingt-deux ans.

DLXXI.

Les Melléniens députérent enfuite aux Achéens pour demander la paix, qui leur fut Polyb. accordée par Lycortas à ces trois conditions, qu'ils livreroient tous ceux qui avoient eu T. II. part au démembrement de la ligue & à la mort de Philopcemen, que toutes les affaires P. 1207. feroient portées au Confeil des Achéens, & qu'ils recevroient garnifon dans leur citadel Ie. Ces conditions acceptées, Lycortas entra dans Mefféne, & enjoignit à tous ceux qui étoient convaincus d'avoir confpiré contre Philopomen, de fe donner la mort à euxmêmes.

T. II.

La guerre de Mefféne terminée, les Romains furent un peu étonnés que, ce fût à l'avantage des Achéens. Pendant qu'elle étoit le plus allumée, comme les Ambafladeurs de cette République leur avoient demandé du fecours contre les Mefféniens, ou du moins qu'ils ne permiffent pas qu'on leur portât des vivres, ils avoient répondu, qu'ils Polyb. ne vouloient point fe mêler dans cette guerre, & qu'il leur importoit peu que Lacédémone, Corinthe ou Argos fe féparaffent de la ligue. Mais quand ils eurent appris que Idem les Achéens avoient eu le deffus, ils changérent de fentiment, & dirent aux mêmes Ambaffadeurs, qu'ils avoient pris des mefures, pour empêcher que l'on ne portât des vivres & des munitions à Mefféne.

Lycortas fans faire femblant de favoir la derniére réponse, profita habilement de la premiére, pour rejoindre Lacédémone à fa République. Le Confeil affemblé, il dit que puifque les principaux de cette ville fouhaitoient rentrer dans la ligue, fon avis étoit qu'on ne refufat pas leurs offres ; qu'il voioit dans cette réunion de grands a vantages, outre qu'il n'y avoit rien à craindre des anciens bannis; parce que l'on ne reprendroit que ceux, fur la fidélité defquels on pourroit compter.

P. 1204

P. 1207,

Ces raifons eurent tout leur effet, malgré les oppofitions de Diophanes, qui favori foit le retour de tous les bannis en général, & Lacédémone rentra dans la ligue des Achéens. On députa enfuite Bippus d'Argos, pour informer le Sénat Romain de ce qui venoit de fe paffer, & les bannis envoiérent à Rome de leur part Cletis, pour défendre Idem leur caufe contre l'Ambaffadeur des Achéens. Le Sénat, après les avoir entendus, écri- p. 1210 vit par Cletis aux Achéens, pour les engager à rétablir tous les éxilés; mais cette Ré

7.1

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Idem p.

publique, avant que de fe déterminer, crut qu'il étoit bon d'attendre le retour de for Ambaffadeur.

Dans cet intervalle, Lycortas & Polybe furent chargés par la République d'aller', en 1214. qualité d'Ambaffadeurs, remercier Ptolémée Roi d'Egypte des dix galéres à cinquante rangs, dont il lui avoit fait préfent, dans la vûe d'entrer dans fon alliance. Le choix ne pouvoit guéres tomber que fur eux deux, qui étoient très-connus du Prince; Lycor tas, parce que perfonne n'avoit été plus porté que lui à renouveller l'alliance avec Ptolémée, & qu'elle s'étoit renouvellée fous fon Généralat; Polybe, parce que, quoiqu'il fût alors trop jeune pour cette fonction, il avoit déja été, quelques années auparavant, chercher en Egypte les armes & l'argent que Ptolémée avoit offert aux Achéens.

Idem p.

1116.

Idem p. 1241.

Rome

A leur retour, Hyperbate alors Général fit lecture, dans le Confeil, des lettres que le Sénat avoit écrites pour le rétablissement des éxilés. Ce Général & Callicrates étoient du fentiment que l'on fe foumit aveuglément aux ordres des Romains, & fans aucun é→ gard pour les loix qui fembloient ne le pas permettre. Cette baffeffe révolta Lycortas. Zélé Républiquain, il s'éleva avec force contre une foumiffion fi peu digne d'un gouvernement libre: mais connoiffant le caractére de ceux qui tâchoient de l'infpirer, il tourna fon oppofition de maniére, qu'on ne pouvoit lui en faire une affaire auprès des Romains. Il infinua adroitement, que quand les Romains portoient compaffion aux miférables, & qu'ils leur accordoient leurs demandes, ils ne faifoient que ce que l'on devoit attendre de leur juftice & de leur équité, fur tout lorfqu'on ne leur demandoit rien que de raisonnable mais que lorfqu'on leur montroit que ce que l'on avoit obtenu d'eux, ou ne pouvoit abfolument fe faire, ou devoit avoir des fuites fâcheufes pour leurs Alliés, ils étoient trop juftes pour vouloir qu'on obéît, malgré qu'on en eût, aux ordres qu'ils avoient donnés : qu'ainfi dans cette occafion, quand on leur auroit fait favoir que les Achéens ne pouvoient se rendre à leurs lettres, fans violer fermens, loix, traités, en un mot tout ce qu'ils avoient de plus facré & de plus inviolable, ils fe relâ cheroient & ne trouveroient pas mauvais qu'on fe défendît de leur accorder ce qu'ils

fouhaitoient.

Dans ce conflit de fentimens, on députe à Rome pour informer le Sénat de la mo-, defte oppofition que Lycortas avoit faite aux ordres qu'il en avoit reçûs. Mais par malheur on mit Callicrates au nombre des Ambaffadeurs, & ce traître gagné & corrompu par les préfens des bannis, parla dans le Sénat contre les Achéens plus vivement, que n'auroit pu faire leur ennemi le plus emporté. Non feulement il y déclama contre ceux qui n'avoient point été de fon avis, il ofa encore fuggérer comment il falloit s'y prendre pour étendre & établir la puiffance Romaine dans le Péloponée. Le Sénat ne manqua pas de faifir cette occafion, pour rabaiffer la prétendue fierté de cette République; il ne fe contenta pas d'envoier de nouveaux ordres en faveur des éxilés, il écrivit encore aux Etoliens, aux Epirotes, aux Athéniens & aux Acarnaniens, pour les exciter à fe joindre tous enfemble contre les Achéens, & pour comble de malheur le perfide Callicrates fçut à fon retour jetter dans le Péloponéfe une fi grande terreur des Romains, que la multitude, qui n'étoit pas inftruite de ce qu'il avoit fait à Rome, crut ne pouvoir rien faire de mieux que de le choifir pour Capitaine Général.

La guerre de Perfée qui fuivit de près cet événement, donna lieu à de nouveaux troubles. Aulus Hoftilius, de la Theffalie, où il étoit en quartier d'hiver, envoia dans le An de Péloponéfe C. Popilius & Cn. Octavius. Le bruit courut auffi-tôt dans le païs que ces deux Députés venoient pour faire le procès à Lycortas, à Polybe & à Archon, autre Magiftrat, fur ce qui avoit été rapporté aux Romains que ces trois Achéens intriguoient contre eux, & que fi pour le préfent ils paroiffoient ne pas fe remuer, ce n'étoit pas qu'ils n'euffent mauvaise volonté, mais qu'ils attendoient quelque incident qui

DLXXXVI

leur

leur donnât occafion de la faire éclater. Les Députés n'oférent cependant rien entrepren dre contre ces trois Magiftrats.

Du Péloponéfe ils furent dans l'Etolie, & de là dans l'Acarnanie. Cette députation donna de l'inquiétude aux Achéens. Les principaux affemblés, on délibéra fur le parti que l'on devoit prendre entre Perfée & les Romains. Lycortas foutint que le meilleur étoit de leur laiffer vuider leurs démêlés, fans fe déclarer ni pour l'un ni pour les au tres. Mais cette neutralité ne plut pas au plus grand nombre. Il ne paroît pas non plus que ce fût le parti le plus avantageux. N'étoit-ce pas là l'occafion de fecouer le joug des Romains, & de fe venger des hauteurs qu'on avoit eu à fouffrir de leur part? On avoit quitté Philippe fi à regret, on fe repentoit tant de l'avoir quitté. Pourquoi ne fe pas remettre en liberté en fe joignant à fon fucceffeur? On n'en fit rien, il fut réfolu au contraire que l'on fe rangeroit du côté des Romains. Archon, qui avoit été de cer avis, fut élû Capitaine Général, & Polybe Commandant de la cavalerie.

Sur ces entrefaites arrivent des Ambaffadeurs de la part d'Attalus, pour demander què les Achéens rendiffent à Euménes fon frére les honneurs qu'il avoit autrefois reçûs de leur République. Ces honneurs étoient apparemment quelques ftatues qu'on lui avoit é rigées, & qui pour quelques brouilleries avoient depuis été abattues. Il y eut dans le Confeil de grandes conteftations fur ce point. Archon étoit bien du fentiment, qu'on les lui rendit, mais il ne dit qu'un mot pour l'appuier; dans la crainte qu'aiant acheté fort cher fa dignité, l'on ne crût qu'il ne favorifoit Attalus, que pour en tirer quelque gratification. Dans le tumulte & la confufion, où il avoit laiffé le Confeik en fe retirant, Polybe fe leva & fit un long difcours qui fut fort applaudi.

Il montra que le Decret fait par les Achéens pour ôter les honneurs à Eumé Idem p nes, fouffroit explication : qu'il devoit s'entendre non de tous, mais feulement de 1245. ceux qui feroient contre les loix, & que la République ne pouvoit accorder fans fe déshonorer: que c'étoient Sofigénes & Diopithes Rhodiens, qui pour des différens qui les regardoient perfonnellement, avoient, contre le Decret des Achéens, fait cette infulte à Euménes: qu'en cela ils n'avoient pas feulement paffé les bonnes de leur pouvoir, mais bleffé encore la bienféance & la juftice; puifque fi les Achéens avoient retranché les honneurs à Euménes, ce n'étoit pas qu'ils lui vouluffent du mal, mais parce qu'il en demandoit plus que fes bienfaits ne lui en avoient mérité : que les Achéens devoient en cette occafion modérer les excès de ces deux Magiftrats, fachant fur tout qu'Attalus ne feroit pas moins fenfible à cette faveur que le Prince fon frére. Sur ces raifons, on fit un Decret qui ordonnoit que l'on rétablît Euménes dans tous fes honneurs, à moins qu'il n'y en eût de déshonorans pour la République, ou contre les loix.

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Sur le bruit que Perfée fe difpofoit à entrer dans la Theffalie, Archon fit dref fer un Decret qui portoit que la République leveroit une armée, pour aller dans la même Province au fecours des Romains. Il eut commiffion de lever des troupes, & d'amaffer les munitions néceffaires. On mit enfuite en délibération fur qui l'on jetteroit les yeux pour informer Quintus Marcius de la réfolution que la République avoit prife, & on les jetta fur Polybe, en lui recommandant de prier le Conful de faire favoir quand il auroit befoin des foldats de l'Achaïe, de peur qu'ils n'arrivaffent past affez-tôt, & de prendre garde lui-même, fi dans les villes où il pafferoit, il y avoit des magafins tout prêts pour le paffage des troupes. Polybe ne trouva pas les Romains dans la Theffalie, il en étoient fortis, & campoient entre Azorium & Doliches. Il ne jugea pas à propos de paffer alors jufqu'à eux; mais il eut part à tous les combats qui fe donnérent pour entrer dans la Macédoine.

Quand les Romains furent arrivés autour d'Héraclée, il crut que c'étoit le tems de

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