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taillons minces ne fauroient réfifter, quand même leur épaiffeur feroit triple, doit être le fignal, foit pour faire partir les grenadiers après les fuiards, foit pour les jetter dans les efpaces d'entre les bataillons ou des efcadrons, ou pour tout autre ufage, felon qu'il pla ra à ceux qui commandent d'en difpofer; ces petits corps fervent comme de fupport & de réferve à chaque Colonne : cette réferve fe trouvant plus ou moins groffe felon le nombre des fections.

On me demandera peut-être pourquoi je ne mets pas plutôt les grenadiers à la tête de chaque fection, que de les en féparer comme je fais. C'est que la tête de chaque fection étant formée d'un rang d'Officiers & de Sergens, & d'un autre des meilleurs foldats du bataillon, chacune eft affez forte pour foutenir & faire un bon effort, chaque tête fe trouvant hériffée des efpontons & des halebardes des Sergens, & le fecond alternativement mêlé de mes piques ou pertuifannes de longueur avec les baionettes au bout du fufil, & fraifée par tout des mêmes armes: ce qui doit fembler terrible à tout ennemi qui ne combat pas dans le même ordre, & qui n'est pas armé de la même forte. Quand le bon fens & les régles de la guerre ne nous feroient pas voir qu'il faut faire combattre séparément un corps qu'on diftingue d'un autre qui vaut moins, l'expérien ce nous obligeroit à fuivre cette méthode. La faute de Gorgidas, qui fut celui qui imagina, leva & difciplina le bataillon facré des Thébains; cette faute, dis-je, me difpoferoit à féparer dans le combat les grenadiers d'une Colonne. Gorgidas s'avifa de répandre & de mêler ces braves gens fur tout le front de fa phalange, il s'en trouva mal. Pelopidas s'en étant apperçû, & aiant remarqué beaucoup moins d'ardeur & de courage dans ces troupes ainfi démembrées, qu'elles n'en avoient fait paroître à la journée de Tégyre, où elles avoient combattu fans être mêlées avec d'autres, il ne les fépara pas, dit Plutarque, & ne les divifa plus; il s'en fervoit toujours comme d'un feul corps, à la tête duquel il commençoit toujours la charge dans les plus grandes occafions, le rangeant toujours fur une très-grande profondeur, comme nous voions dans les courfes de chariots, que plufieurs chevaux attellés à un char courent de plus grande viteffe que ceux que l'on Douffe feuls: non pas parce que partant tous ensemble, & faisant un même effort, ils fendent mieux l'air par leur nombre, mais parce que l'émulation & la jalousie échauffent leur courage, & augmentent leur ardeur; il pensoit de même que les braves gens, se fervant les uns aux autres comme d'aiguillon, étoient plus utiles, & combattoient plus courageufement ensemble que féparés. Là-deffus M. Dacier fait une remarque très-vraie & très-sensée, à laquelle les Experts dans le métier souscriront toujours: il eft rare, dit-il, que le bon corrige le mauvais, & l'on voit ordinairement que le mauvais corrompt le bon, fur tout fi ce mauvais eft plus fort en nombre.

Ôn obfervera de compofer les Colonnes en tout ou en partie, fi elles font fortes, des plus braves régimens de l'armée, fans aucun égard au rang des corps, mais à leur valeur feulement, & au mérite de ceux qui les commandent.

Je fuppofe les bataillons, qui compofent la Colonne de 500. hommes, ou de 400. fufeliers, & 100. pertuifanniers, la compagnie des grenadiers, les Officiers & les Sergens non compris. Je la divife en deux manches, dont l'une s'appelle Manche de la droite, & l'autre Manche de la gauche. Je fubdivife encore chaque manche de cinq en cinq files; j'appelle les trois de la droite Divifions de droite, les trois de la gauche Divifions de gauche. Les deux premiéres des aîles, Divifions des ailes; les deux fuivantes, premiére divifion de droite, feconde de gauche; les deux derniéres du centre, troifiéme de droite, troifiéme de gauche; ce qui fait trente files.

Cette divifion eft abfolument néceffaire, foit pour fe remettre en ligne, foit dans le cours du combat, ou lorsqu'on veut partager la Colonne de la tête E à la queue F, pour en faire deux d'une feule, comme on voit dans la figure. Ce mouvement fe fait lorf

qu'une

qu'une Colonne aiant percé la ligne, elle veut tomber fur les flancs à droit & à gauche des bataillons ennemis: alors ce qui étoit face ou flanc devient front.

Ce que je dis ici des divifions de la Colonne, eft bien à remarquer. Car outre ces fubdivifions, on peut encore la faire tirer par divifions ou par pelotons de la droite à la gauche, & de la gauche à la droite. Ce feu eft plus continu, plus régulier, plus fûr & moins embarraffé que de tirer par rangs; c'eft la méthode Hollandoife, dont je fais grand cas, à certains égards: mais il faut de l'éxercice, brûler bien de la poudre; on ne fauroit mieux faire, lorsqu'on voudra fe réduire à se battre de loin.

Je dirai pourtant que le feu par divifions, ou pelotons de cinq files, foit qu'on tire par tête ou par faces, eft moins propre à la Colonne qu'au bataillon autrement difpofé; d'ailleurs le feu eft ce qu'il y a de moins à confidérer dans la Colonne qui gît toute en action. Elle n'en a guéres non plus à effuier, puifque fa force confifte dans l'abord de l'ennemi, & dans la violence de fon choc. La nation Françoise n'eft nullement propre à cette forte de manoeuvre, qui confifte dans un grand feu fans s'aborder: ceux qui la font combattre fur ce principe dans les actions de rafe campagne, ne la connoiffent pas, & s'ils font battus ils méritent de l'être. Il faut laiffer aux Hollandois, comme plus flegmatiques, leurs pelotons, & prendre toute maniére de combattre qui nous porte à l'action & à joindre l'ennemi. J'approuve fort la divifion d'un corps par pelotons, mais c'eft pour des cas différens de ceux de rafe campagne.

On fait aujourd'hui une fort grande estime du bataillon quarré à centre vuide: car il y a plus d'un fiécle que le plein s'eft évanouï, quoique meilleur: cependant les Experts dans l'infanterie conviennent qu'il eft très-défectueux par la foibleffe de fes angles. Il n'en eft pas de même de la Colonne, fes angles n'ont aucune prife, & fes faces ou les côtés font fi étendus qu'ils fourniffent un feu qu'il n'eft pas aifé d'aborder, & qui ne finit point, comme nous le ferons voir. On ne fauroit rien imaginer de plus fimple dans la maniére de la former, tout nombre lui eft propre. On peut former une Colonne d'un feul bataillon fur vingt de hauteur: fi l'on n'a pas davantage de troupes à oppofer, le ralliement en eft facile & aifé; elle fe rompt & fe remet dans un inftant, elle conduit à toutes fortes d'évolutions & de changemens: ce qu'on ne remarque pas dans le Coin ou le triangle des Grecs, & dans le bataillon quarré.

Ajoutons à cela que la profondeur de notre Colonne, de G en D, dont on ne voit point le fond, furpaffe de plus d'un tiers celle du quarré parfait, que je fuppofe de 3000. hommes à centre plein. Je fais cette fuppofition au cas que l'on voulût embraffer ce quarré hors d'ufage, quoique meilleur, pour combattre ma Colonne. Je dis que ces deux fections, ou bataillons A B, feront plus d'effet par fes différens feux que le quarré de fix bataillons. Ce n'eft pas là le feul avantage de ma Colonne. Je prétens que fes angles, pour y revenir encore, ne peuvent être émouffés ni enlevés, parce qu'ils n'offrent aucune prife, & l'on peut dire qu'ils n'en donnent point, à caufe de la violence du feu des côtés, & d'un feu oblique, qui eft de tous le plus dangereux. Encore un coup, ces angles ne font pas davantage expofés que ceux de nos bataillons, qui font des quarrés longs: outre qu'on ne fauroit attaquer les côtés, ou que fi on les attaque on ne peut le faire que par un ordre & des armes fembla

bles.

તે

Ce qu'il y a encore de plus à craindre, & de plus redoutable, eft le mouvement des fections à droit & à gauche, comme on peut voir en E F; car fi par exemple la Colonne eft attaquée, & que la fection F, qui étoit au terrain ponctué G, faisant à droit se porte en F, l'ennemi, qui eft prêt à l'aborder, ne pourra choquer que le côté H, c'està-dire le côté d'une fection: car s'il attaque la face K, de la fection E, il s'expofe à deux différens feux de la tête L, flanquant K, & K réciproquement L. Cette

ats

K. de Putter facit

COLONNE COUPÉE DE TÊTE À QUEUE,POUR EN FORMER DEUX
D'UNE SEULE APRÈS AVOIR PERCE.

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