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én fes armés à la légére, & les troupes qui ne faifoient pas corps avec fa premiére phalange, s'étendoient fur une ligne fort mince, fur trois ou quatre de hauteur, parce qu'il comptoit en formant une oblique, d'éviter un engagement de ce côté-là. A l'égard de fa cavalerie H, il fe régla fur la difpofition de fon ennemi.

Cléombrote forma fa phalange L, felon la coûtume des Grecs; fa cavalerie, com me je l'ai déja dit, étoit en premiére ligne à fa droite rangée par efcadrons. C'eft l'ordre & la diftribution des troupes des deux armées dans une plaine rafe & dé

Couverte.

Les Thébains parurent d'abord en bataille aux points M fur une ligne droite & paralléle à la phalange Lacédémonienne; ils s'ébranlent tout d'un coup, & pendant que l'extrémité de leur aîle droite ne bouge, tout le refte de la ligne marche par un demi quart de converfion par les lignes ponctuées P; c'est-à-dire que la ligne fe meut autour de N, comme autour de fon centre: de forte que l'aîle droite fe trouva fort éloignée de la gauche de Cléombrote. Par ce mouvement les Thébains à leur gauche s'approchérent toujours plus de la droite des Lacédémoniens, fur laquelle ils vouloient tomber. Cette difpofition d'Epaminondas eft la fixiéme de Végéce, qu'il appelle In fimilitudinem veru; c'eft l'ordre oblique dont il fait plus de cas que d'aucun autre des fept qu'il nous donne dans fon Livre. Les Anciens l'appelloient bataille de biais, c'est-à-dire qu'on mettoit tout ce qu'on avoit de troupes d'élite à l'aîle qui devoit attaquer, pendant qu'on refufoit tout le refte de la ligne à l'ennemi. Il paroît qu'Epaminondas le préféroit à tous les autres, effectivement c'est le meilleur : la ligne oblique ou l'ordre de bataille oblique étant tout ce qu'il y a de plus à crain-` dre & de plus rufé dans la tactique; c'eft la reffource des foibles, & fur tout lorfqu'on introduit des Colonnes dans l'aile qui doit attaquer. Il y a plus d'art qu'on ne penfe dans les manoeuvres de l'oblique, j'en fais plus de cas que de la courbe, quoique belle & profonde, mais moins fùre que l'autre. Quoiqu'il en foit, bien que les Anciens connuffent l'oblique comme la courbe, ils n'introduifirent jamais de Colonnes du côté où ils vouloient engager le combat, comme fait Epaminondas dans celui-ci. Feu S. A. R. Monfeigneur le Duc d'Orléans me parut furpris de cet ordre de bataille que j'eus l'honneur de lui préfenter, les Experts n'en penferont pas moins avantageufement que ce Prince habile & éclairé. Reprenons notre fujet.

La cavalerie en vint bientôt aux mains. Comme celle des Thébains étoit mieux montée, & plus expérimentée que celle de Lacédémone, (qui ne valut jamais rien,) celle-ci ne fut pas longtems fans être rompue & renverfée fur fon infanterie, qu'elle mit en confufion.

Les Thébains, après ces premiers fuccès, attaquent d'abord la droite de la phalange. Sur ces entrefaites la Compagnie des trois cens F, tourne fubitement fur l'aile, & la prend en flanc, pendant que la groffe Colonne choque de tête, enfonce tout ce qui lui réfifte, pafle outre, & retourne fur ce qui reftoit encore en entier, pour ae lui pas donner le tems de fe reconnoître.

Cette aîle totalement ruinée & en fuite, la cavalerie fe met à fes trouffes, pendant

dans les autres. Nous connoiffons affez bien le monde, & nous y fommes affez rompus pour décider hardiment fur cet article: peut-être n'en trouveroit-on pas un fi grand nombre, mais du moins on en trouveroit. Polyen dit dans fes ru fes de guerre, que Gorgidas fut le premier qui établit la Troupe facrée. Elle étoit compofée, dit-il,

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que

d'hommes liés enfemble par l'amour le plus tendre au nombre de trois cens. La tendreffe qu'ils avoient les uns pour les autres, faifoit qu'ils ne s'abandonnoient jamais, qu'ils ne prenoient point la fuite, & qu'ils étoient refolus de vaincre les ennemis, ou de mourir tous ensemble.

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que l'infanterie victorieufe profitant de fon premier avantage, gagne toujours vers là gauche. Cette gauche qui voit le défordre de fa droite, & l'ennemi qui s'avance toujours vers elle, croit tout perdu; elle plie & lâche le pied. La déroute de cette droite fut la caufe de la perte de cette bataille, qui n'étoit pas encore perduë, fi les Généraux n'euffent pas défefpéré. Elle peut être comparée aux plus fameufes de l'antiquité. Jamais Lacédémone n'en éprouva de femblable, ni de plus honteuse. Le Roi Cléombrote y fut tué, & mille Lacédémoniens, c'étoit l'élite de Sparte: ceux qui fuirent n'en étoient que la lie, comme dans toutes les batailles ceux qui ne rendent aucun combat.

Epaminondas raifonna en grand Capitaine, & prévit bien ce qui pouvoit arriver par l'excellence de fa difpofition, autant rufée que fçavante & profonde. Comme il étoit grand homme d'infanterie, qu'il en connoiffoit la force autant qu'il la faifoit connoître à fes foldats, il vit bien que l'ennemi réfifteroit vainement au choc, & à la pefanteur de cette formidable Colonne, & à celle des trois cens qu'il oppofa à la phalange Lacédémonienne, qui n'étoit rangée que fur douze de hauteur. Cléombrote fit une faute d'en diminuer la profondeur pour en augmenter le front, fans aucune néceffité, puifqu'il étoit fupérieur en nombre. Le grand nombre ne fert de rien contre un Général qui fe refufe à une aîle, & donne à l'autre cet avantage de l'ordre oblique. Voilà une énorme bévûe dans Cléombrote: en voici une autre qui ne céde en rien à la premiére.

Il mit fa cavalerie en premiére ligne à fa droite, foutenue par celle de fa phalange. Cela étoit encore dans les régles de la guerre, & de la milice, fi l'on confidére que la phalange étoit un corps uni & fans aucun intervalle, ni divifions entre les lignes. Il eût dû laiffer des efpaces entre les enfeignes pour donner des iffues

lement à fa cavalerie en cas d'accident. Elle eût pû fe remettre du défordre derriére fon infanterie; pourquoi négliger cette précaution? On ne fait pas autrement quand on veut foutenir l'infanterie par la cavalerie, ou qu'on ne compte pas fur la valeur de celle-ci; après tout, cela n'eût fervi de rien contre les Colonnes: car je ne vois aucun reméde, finon de combattre fur un ordre femblable.

Lorfque Cléombrote s'apperçut que les Thébains s'éloignoient à leur droite, & avançoient leur gauche, il eût dû doubler & tripler les files de fa phalange. Ce mouvement étoit fimple, aifé & prompt: au lieu qu'il marcha par l'aile à fa droite, c'està-dire qu'il la prolongea pour l'empêcher d'être débordée de ce côté-là, & par où l'ennemi s'étendoit, au lieu qu'il falloit oppofer une maffe égale en hauteur à l'infanterie Thébaine, & jetter en même tems fa cavalerie à la pointe de fon aîle atta quée, & l'entrelaffer de quelque infanterie, felon la méthode des Grecs. Il ne fit rien de ce qu'il auroit dû faire, il fut battu; qui peut difconvenir qu'il ne dût l'être? Epaminondas fe trouva fi bien de cette difpofition à la bataille de Leutres, qu'il ne manqua pas de s'en fouvenir à celle de Mantinée: il combattit dans cet efprit, & vainquit par cela feul. Il fut tué dans cette grande journée, & avec lui périt la gloire & l'efpérance de Thébes.

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OBSERVATIONS

Sur la bataille de Mantinée.

'Ordre de bataille d'Epaminondas à Mantinée, eft fur les mêmes principes que celui de Leuctres, & lui acquit la réputation d'un des plus grands hommes d'infanterie, & d'un des plus fçavans Tacticiens de fon fiécle: car fans cette science, il ne faut pas espérer de grandes chofes, à moins que le hazard ou la fortune ne foient par tout le maître.

L'ordre & la diftribution des troupes dans cette bataille font dignes de l'admiration des Experts, je ne vois rien de plus profond & de plus remarquable. Depuis Epaminondas nous n'avons aucun éxemple d'un ordre femblable: c'eft ici le chef-d'œuvre de ce grand Capitaine.

Les obfervations que je vais faire fur cette célébre journée, plairont d'autant plus, qu'aucun Commentateur, ni aucun homme de guerre, n'a fait attention à une ordonnance fr belle & fi profonde. J'ai lieu de m'en étonner, Xénophon l'aiant fi bien & fi clairement écrite, qu'il eft prefque impoffible de n'en pas voir la folidité, pour peu d'expérience & d'intelligence que l'on ait de la guerre.

Xénophon, qui décrit cette fameufe action en homme fçavant & expérimenté, parle d'abord de la marche du Général Thébain. Il dit qu'il la fit dans l'ordre fur lequel il vouloit combattre, pour n'être pas obligé, en arrivant en préfence de l'ennemi de perdre dans la diftribution des troupes, un tems qu'on ne fçauroit trop ménager dans les grandes entreprifes. Le tems perdu, ou mis à profit, eft la pierre de touche du mérite ou de l'infuffifance d'un Chef d'armée.

Il n'alla pas droit & de front à l'ennemi; mais il parut en présence à la tête de fon infanterie, fur une feule Colonne, comme en ordre de marche. Il rangea d'abord fon armée sur une feule ligne fur les hauteurs qui bordoient la plaine, la cavalerie fur les aîles de fa phalange: il avoit eu la précaution de former la tête A, (qui eût dû faire fa droite en combattant felon la coûtume ordinaire, ) & doublant la hauteur de cette aîle, pour la rendre plus folide & plus forte pour le choc, il parut ainfi de front & en bataille à la vûe de l'armée Lacédémonienne, & fit halte fur les hauteurs dans cette difpofition; ce qui trompa les ennemis, qui crurent qu'il alloit camper: mais quelle fut leur furprise lorfqu'ils s'apperçurent qu'il s'ébranloit, & qu'il venoit droit à euxcontre leur attente? Une partie de fa cavalerie prit à droit, & fe fépara de la phalange dans la plaine, & l'autre à gauche. On remarqua peu de tems après une autre mouvement dans l'infanterie, où l'on ne comprit rien d'abord; ce qui tint en fufpens & dans l'incertitude, tant on craignoit l'adreffe & l'efprit rufé de ce Général. Ce mouvement parut bientôt une phalange renverfée par un demi-quart de converfion de B en A, par les traces C de toute fa ligne d'infanterie, tout d'un tems & d'un même mouvement, & marchant alors par la tête A, & non pas de front à l'ennemi, en tenant l'autre D reculée en ligne oblique, ou de biais, il tomba deffus, & choque de pointe comme une galére, dit Xénophon, affûré que par la feule force & la pefanteur de fon ordre, il enfonceroit l'ennemi, & l'ouvriroit à fon centre pour le féparer de fes aîles. Mais comme il craignoit que les Athéniens, qui étoient à l'aîle gauche, ne tombaf fent fur le côté E de cette furieufe Colonne, & qu'ils n'en interrompiffent le cours & la violence, il posta fur une hauteur la cavalerie de fa gauche F, qu'il entrelaffa de

fon

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