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jours faire naître dans les Païs difficiles & de hautes Monta gnes; cette forte de guerre eft la plus favante de toutes. Notre Auteur l'a traitée d'une maniére profonde, auffi bien que les retraites d'Armées, fans que les Ecrivains militaires lui aient fourni les moindres fecours fur ces matiéres importantes & délicates.

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Rien n'est plus étonnant que de voir un homme tel que le Chevalier de Folard, fi peu récompenfé après tant de fervices importans, qui fembloient devoir l'élever aux plus hauts grades, furtout dans un Païs comme la France. Jamais on ne vit plus d'application au métier de la guerre, de courage plus élevé, de génie plus fécond en reffources, & plus de lumiéres, dont il étoit moins redevable à fa grande expérience qu'à l'étude de toutes les Sciences néceffaires à un Homme guerre, & qui ne font pas en petit nombre. Il étoit fort verfé dans les Antiquités, les Méchaniques & la Politique. Une lecture immenfe de l'Hiftoire ancienne & moderne lui rendoit préfens les faits dont il avoit befoin pour confirmer par des exemples les vérités qu'il vouloit établir. C'est la méthode qu'il a toujours fuivie dans fon Commentaire fur Polybe, où il fe propose d'anéantir une infinité de préjugés reçus. Toujours foutenu des Grands - hommes de l'Antiquité, & de ceux que les derniers tems ont produit de plus illuftres, il n'avance rien que la conduite de ces Héros anciens & modernes ne juftifie & n'autorife. Avec une telle escorte, le bonfens & la raison triomphent fans peine des contradictions les plus opiniâtres, & la vérité toute lumineuse reste en possession de fes juftes droits. Il en a trouvé un grand nombre en fon chemin, qui entêtés des préjugés de la coutume, n'ont cessé de crier contre un homme qui s'écartoit des routes ordinaires, qui attaquoit les ufages reçus, lorfqu'ils lui paroiffoient contraires à la droite raifon, & qu'il cherchoit à établir une nouvelle Tactique & un nouveau Syftême Militaire, fondé fur des principes puifés dans les Anciens. Il les regarde comme nos Maîtres dans

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toutes les parties de la guerre; & il montre que les Grandshommes des derniers tems leur font redevables de leurs plus glorieux fuccès. Si les Modernes l'emportent en diverfes Sciences fur les Anciens, comme Mr. de Folard en convient de bonne foi, ils leur font très - inférieurs dans celle de la guerre. routine a prévalu jufqu'à préfent fur l'évidence, & ce n'eft qu'avec le tems qu'on peut espérer que la Science des Armes atteindra à la perfection, & qu'une Postérité plus reculée mettra à profit les travaux & les recherches d'un Génie fupérieur, quí nous a frayé les plus belles routes, & les a rendu faciles. I ne faut pour cela qu'un grand Prince, ou un Homme de grande autorité, qui ouvrira les yeux fur les avantages de la nouvelle méthode, & animera par des récompenfes les gens de guerre à l'étude, dont ils ont encore plus de befoin que dé l'expérience; comme on le montre dans tant d'endroits de cet Ouvrage. Celle-ci doit fervir à perfectionner, & apprend à faire ufage des Sciences acquifes dans le repos & dans la paix.

pag. 332.

Mr. de Folard voudroit que les Miniftres d'Etat fuiviffent l'exemple de Sofibe, qui gouvernoit l'Egypte fous Ptolomée Philopator menacé de la guerre par Antiochus le Grand, qui étoit fur le point d'envahir fes Etats. Cet habile Miniftre, dont Tom.v. on nous donne le portrait, mit en œuvre toutes les rufes de fa & 337. Politique pour tromper Antiochus, en négociant & en intriguant perpétuellement, & fçût gagner du tems qu'il mit à pro fit pour fauver fon Maître. Il ne fe contenta pas d'attirer à fon fervice un grand corps de Soldats étrangers & d'excellens Officiers, mais, ce qui étoit très-important, il mit la difcipline Militaire des Egyptiens fur un meilleur pied, en introduifant parmi eux celle des Grecs, leur Tactique & leurs armes. Les Grecs avoient tout imité des Egyptiens, qui oubliérent fous les fucceffeurs d'Alexandre le Grand tout ce qui regardoit la guerre. Les Grecs devinrent à leur tour leurs Maîtres. Enfin la guerre, retardée par des propofitions de paix, s'alluma entre les deux Monarques; Antiochus remporta d'abord divers avantages, &

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fut enfin vaincu à la bataille de Raphies. Notre Auteur n'oublie pas les grands changemens que le Czar Pierre le Grand a eu l'habileté de faire dans les Troupes, autrefois fi méprisées, & aujourd'hui devenuës fi redoutables. Il fait voir que par-tout où il y a des hommes, il eft aifé de former de braves foldats, avec le fecours d'une bonne difcipline Militaire & des Officiers capables & appliqués, qu'on ne fauroit trop animer par les plus grandes recompenfes.

Il eft tems de parler des violentes perfécutions que Mr. de Folard eut à effuyer. Elles étoient d'autant plus dangereufes que des perfonnes d'un rang diftingué fe déclarerent fes ennemis, & réfolurent la perte. Si elles ne purent affouvir leur vengeance, elles réussirent du moins à le chagriner, & à empêcher qu'on lui rendît justice. Mr. de Folard avoit un grand fonds de probité; il aimoit la vérité par deffus toutes chofes, & étoit incapable de la difsimuler, lorsque le Public avoit intérêt d'en être inf truit. Il fe faifoit un plaifir de remarquer les belles actions des Généraux, & même des Officiers particuliers; mais il n'étoit pas moins attentif à relever leurs fautes, perfuadé que rien n'est plus inftructif pour les gens de guerre. Cette liberté déplut à des hommes médiocres qui afpiroient à l'infaillibilité. Ceux que des talens diftingués élévent au-deffus des autres, n'ont garde d'y prétendre, le vrai mérite eft toujours modefte. Mr. de Turenne, le plus grand Général de fon fiécle, avouoit avec plaifir ses fau& en entretenoit fouvent fes Officiers pour leur inftruction. Mr. de Folard eft très-réfervé dans les éloges, qui ne s'écartent jamais du vrai. Il a, dit-il lui-même, de l'encens en petite quantité, & il veut le ménager. Il louë uniquement les vertus & les belles actions, furtout dans ceux à qui on n'a pas rendu justice. Nous en indiquerons deux exemples remarquables. L'un fe trouve dans la belle Relation de la furprise de Cremone, où il montre que Mr. le Maréchal de Villeroi fe conduifit en Général fage, & qu'on ne peut lui rien reprocher; mais que fes ordres furent très-mal exécutés, & il rend à cette

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occafion la justice qui eft due à grand nombre de braves gens. Dans l'autre il s'agit de l'efcalade de Cette dans la guerre de 1701. qui fit beaucoup d'honneur à Mr. le Duc de Noailles, depuis Maréchal de France. Cette action, dit Mr. de Folard, fait beaucoup d'honneur à Mr. le Duc Noailles, brave, vigou- Préf. P ,, reux & hardi : je me ferai toujours un plaifir de le produire ,, par-tout, autant par fes qualités militaires, que par fon efprit

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& fon goût pour les Belles Lettres & pour les Beaux Arts, & », par l'eftime de ceux qui les profeffent dans un tems où il femble que l'ignorance veuille en triompher”. Voilà un bel éloge que la vérité feule a dicté, & tout fondé fur le mérite.

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Notre Auteur s'eft attiré beaucoup d'ennemis par un endroit qui devoit le rendre fort estimable. Il est persuadé que rien n'est plus injufte & plus propre à dégoûter les braves gens du service, que de leur ôter l'honneur de certaines actions, & les priver en même tems des recompenfes qui devroient en être le fruit. On garde le filence fur ceux qui les ont faites, & on les attribuë d'autres qui n'y ont eu aucune part. Mr. de Folard fe croit obligé de dépouiller quelques Officiers de la gloire de certaines actions d'éclat, dont ils jouïffoient tranquillement, & il est fort injufte de lui en faire un crime. Il a l'attention, de ne leur faire aucun reproche; il fe contente de narrer fimplement le fait; enfuite il tâche de prouver par des témoignages qui lui paroillent irreprochables, qu'elles n'appartiennent point à ceux auxquels on les a attribuées, ou qui s'en font dit les auteurs.

La journée d'Almanza en 1707. fut très glorieuse au Maréchal-Duc de Berwick, qui jugea à propos d'en faire honneur au Marquis d'Asfeld, qui n'y avoit contribué en rien, & ne dit mot du Marquis d'Avarey, qui par une belle manovre fit gagner la bataille. Ce fecret hiftorique divulgué ne plut point au Maréchal, & le Marquis d'Asfeld jetta les hauts cris, fe voiant dépouillé d'une gloire dont il avoit jouï pendant 22. ans, voulut obliger le Chevalier de Folard de fe retracter. Il le refufa, étant bien afsuré de la vérité du fait. Il écrivit au Marquis d'Avarey, dont la

Tom. I.

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Tom.V.

réponse confirma tout ce qu'il avoit avancé, & qui prouve que Mr. d'Asfeld n'avoit point tiré l'épée à Almanza. On distribua en peu de jours plus de 2000. copies de cette Lettre dans Paris & à la Cour, & Mr. de Folard eut foin d'en envoyer une à fon Ami de Hollande, qui la montra à diverfes perfonnes. Il nous apprend que dans la même année le Marquis de Goësbriand fauva Toulon par fa bonne conduite & fa bravoure, cependant on garda un profond filence fur cet important fervice. C'est le même Officier-Général qui défendit enfuite la ville d'Aire avec tant de gloire, & qu'il ne rendit aux Alliés qu'après en avoir reçu trois ordres confécutifs de la part du Roi. Il auroit foutenu un affaut général, & fes difpofitions étoient faites pour cela; mais on ne jugea pas à propos de lui faire tenir une quatrième Lettre, par laquelle Sa Majesté remettoit toutes chofes à fa fageffe. La mode étoit paffée qu'un Gouverneur foutenoit trois affauts au corps d'une Place, comme il y eft obligé par les loix de la guer re; & la conduite du Marquis de Goësbriand en est d'autant plus digne de remarque.

Voici une affaire bien plus férieuse, que l'amour de la vérité & de la justice attira à Mr. de Folard. Il eut occafion de parler dans fon Tome I. du fameux Combat de Denain, qui releva la France prête à fuccomber, & fit évanouir toutes les espérances des Alliés. Il nous apprit à ce fujet un fecret fort impor tant: c'eft que le projet de cette grande action avoit été formé par un homme de Robe de beaucoup d'efprit, qui connoiffoit parfaitement le Païs, ajoûtant qu'il faloit être auffi grand Général que Mr. le Maréchal de Villars pour l'exécuter avec autant de gloire. Celui-ci, qui avoit toujours regardé l'affaire de Denain comme fa couronne, fut irrité qu'on eût l'audace d'y porter la moindre atteinte, & ne voulant céder à aucun autre la plus petite portion de l'honneur de cette journée, il exigea une Latisfaction éclatante. Mr. de Folard cité à la Cour pour rendre compte de fa conduite, comparut devant le Miniftre de la Guerre, avec cette noble hardieffe que la vérité inspire à un honnê

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