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river, joint encore à ce qui lui reftoit de la défaite, il lui feroit aifé de paffer fur le ventre d'une armée déja fatiguée & diminuée du dernier combat. On remarche aux ennemis, ceux-ci qui voient de près tous ces mouvemens, les attendent en bonne pofture & de bonne grace. On en vient aux mains, & cette plaine s'illuftre par deux combats d'infanterie, ou pour mieux dire par deux batailles rangées, les plus furieufes, les plus rudes & les plus obftinées qu'on ait vû depuis long-tems.

contre des

Les Suédois, plus foibles encore qu'ils ne l'étoient auparavant, mais toujours plus forts par l'avantage de l'ordre bien plus redoutable que celui du nombre, ne fe découragent point. Ils foutiennent le choc avec toute la fermeté poffible forces fi fupérieures. Les Impérieux firent des efforts extraordinaires. Les Suédois commencent à perdre de leur terrain, les Impériaux qui s'en apperçoivent, redoublent de force & de vigueur, & les pouffent jufqu'à une batterie enclouée dont ils fe rendent les maitres; cet avantage ne fut pas de longue durée. Les Suédois, peu accoûtumés à ces fortes de mouvemens retrogrades, & prefque accables par bre de leurs ennemis, comprirent bien qu'à moins d'un effort extraordinaire, ce fecond combat alloit tourner à leur honte après la gloire du premier; ils fe déterminent à cet effort de néceffité, reffource toujours falutaire dans les actions de campagne, où il périt plus de monde dans un terrain que l'on perd & que l'on céde, que dans celui que l'on maintient, que l'on conferve, & que l'on opiniâtre.

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S'il faut ajouter foi à l'Officier Général dont j'ai déja parlé, comme fans doute il mérite toute créance, les deux lignes de l'infanterie Suédoife fe joignirent & s'enchâí-, férent l'une dans l'autre par les intervalles des corps, & n'en formérent plus qu'une, ferrée & condenfée comme une phalange, les huit Colonnes pouffées en avant, & débordant le front de la ligne. Cet ordre eft le plus terrible & le plus redoutable de tous ceux dont on ait ouï parler depuis les Anciens. Alors les foldats font ferme à cet endroit, & par je ne fçai quel inftinct & quelle boutade comme s'ils s'étoient donnés le mot, cette phalange s'ébranle toute entiére & tout d'un tems, se jette tête baiffée sur l'enami, & le pouffe avec d'autant plus de force & de violence, qu'elle attaque avec l'avantage de l'ordre. Les Impériaux font enfoncés de toutes parts, de cette fecouffe tout céde, tout plie & tout s'enfuit; l'on vit alors une confufion terrible de combattans. Le victorieux, fans leur donner aucun relâche, les fuit & les taille en piéces; & fi la nuit ne fût furvenue au milieu de tous ces défordres, les Généraux ennemis fe fuffent trouvés très-embarraffés de faire retraite. Ils la firent à la faveur des ténébres, ou pour mieux dire ils partagérent leur fuite par différentes routes: les Suédois ne pouvant les pourfuivre, à caufe de l'obfcurité, reftérent maîtres du champ de bataille, de leurs bagages, de leurs canons, de leurs morts & de leurs bleffés, dont la terre fut toute couverte.

Ce qu'on trouvera de bien furprenant dans cette bataille, j'ai lû ceci dans un Hiftorien, c'eft que les Impériaux s'en attribuérent ridiculement la gloire, quoique leur défaite fût marquée de tous les maux & de tous les titres des vaincus. Non feulement les Suédois les renvoiérent avec tous ces titres, mais ils ruinérent encore les deux tiers de l'armée Impériale, dix à douze mille hommes reftérent fur le champ de bataille, les principaux Chefs furent prefque tous tués, bleffés, ou pris prifonniers. Quelle plus grande marque que de voir fuir Wa'ftein jufqu'à Léipzig fans débrider, & de là à Leutmérick fans attendre le jour. Ce n'eft pas encore affez, le victorieux marche à Léipzig, le prend, & plufieurs villes fe rendent, pendant que les Impériaux confternés s'enfuient jufques dans la Bohéme: malgré tout cela, on chante Le Te Deum à Vienne, à Madrid & à Bruxelles, comme pour une bataille gagnée.

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SSO

CHAPITRE

XI.

Commandemens pour former la Colonne, & la maniére de combattre

dans cet ordre.

СЕ

Ette évolution n'eft pas fort difficile, puifqu'il ne s'agit que de doubler, tripler, quadrupler & quintupler les files; c'eft-à-dire les hauffer ou les baiffer felon la force & la foibleffe des corps. Il y a différentes méthodes toutes fort aisées & fort promptes. La plus fimple eft, ce me femble, de divifer le bataillon en autant de fections, & fur autant de files, ou de rangs de front, qu'on en veut mener à la charge: je fuppofe ici le bataillon de cinq cens cinquante fufeliers, les grenadiers compris, (qui eft le nombre le plus parfait) fur cinq de hauteur, qui eft la moindre qu'on puiffe lui donner pour le choc.

Suppofant l'armée en bataille à l'ordinaire fur deux lignes, & une réferve, la cavalerie fur les afles, & l'infanterie au centre, les bataillons fur cinq de hauteur; la diftribution & l'ordonnance des troupes, & le choix des corps qui doivent former les Colonnes fur le front de la premiére étant fait, on féparera les grenadiers de chacun de ces corps. On commencera par ce commandement.

A vous Bataillon.
Attention.

A droit par manches, triplex vos files.

A ce commandement, premiérement la manche du centre du bataillon rentre dans 'celle de la droite; le premier rang derriére le premier, le fecond derriére le fecond, & ainfi des autres.

En même tems la manche de la gauche rentre dans les deux manches jointes enfemble, le premier rang derriére le premier de la manche du centre, le deuxiéme derriére le deuxième, & ainfi du refte; de forte que chaque bataillon fe trouve à quinze de hauteur, étant rare qu'il y ait des furnuméraires. Je fuppofe ici la Colonne fur trente files de front, que j'aimerois infiniment mieux fur vingt-quatre de profondeur.

A ce même commandement les deux ou les trois compagnies de grenadiers, fuppofé que la Colonne foit de plus de deux bataillons, fe porteront à la queue de la derniére fection, chacune à cinq ou à fix de hauteur.

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Si l'on veut former deux Colonnes d'une feule ou la couper en deux de tête à queue, on fait ce commandement.

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Ce commandement fe fait lorfqu'après avoir percé une ligne l'on cherche promptement à profiter de cet avantage pour tomber à droit & à gauche fur les flancs des bataillons qui font à côté, & qui foutiennent encore contre ceux qui leur font oppofés, mais ce mouvement ne doit fe faire que lorfque la premiére ligne tient ferme encore

aux endroits où il n'y a pas de Colonnes. Pour peu que le foldat foit dressé à cet éxercice, il fçait affez ce qu'il a à faire en femblable occafion.

Lorfque la Colonne s'eft ouvert un paffage, & qu'elle a rompu le corps qui lui eft oppofé, on peut alors lâcher les grenadiers fur les derriéres de l'ennemi, pendant que la Colonne qui s'eft partagée en deux lui gagne le flanc. Si la feconde ligne ennemie s'avançoit au fecours de la premiére, ou qu'on le craignît, on doit fe conferver en Colonne fans la partager de tête à queue, mais lâcher une fection ou deux fections de chaque Colonne, pendant que la troifiéme achevera la défaite de la premiére, & les bataillons qui combattent entre les Colonnes; pendant ce tems on fait avancer la feconde ligne, ce qu'on expliquera en différens endroits, & dans le cours de mon Commentaire, où l'on verra les différens mouvemens & les diverfes manoeuvres des Colonnes dans l'attaque comme dans la défenfe, entremêlées dans une ligne, ou formant feules une ou deux lignes de bataillons rangés de la forte.

On doit regarder comme une maxime conftante, que toute armée qui eft percée & ouverte en plufieurs endroits fur tout le front de la ligne, & même à un feul, ne fçauroit trouver de reméde contre les corps qui l'ont pénétrée, parce que les bataillons ou les efcadrons qui font à côté ne fçauroient leur donner du fecours. Si l'on fait avancer la réferve, que peut-elle faire contre des Colonnes? Outre que celui qui veut foutenir fon avantage fait avancer la fienne: fi l'ennemi a recours à fa feconde ligne après la déroute de fa premiére, il ne gagne rien; il fe trouve alors en tête deux bonnes lignes contre une feule. Ce raifonnement n'eft pas difficile à comprendre, & on le comprendra encore mieux dans notre nouveau Syftême de tactique, dont il fera aifé de reconnoître la folidité dans nos Obfervations fur les batailles que notre Auteur rapporte: car après avoir donné le plan felon la defcription qu'il en fait, nous en ajoutons un fecond, que nous accommodons au tems, aux lieux, à la nature de nos armes, au génie de la nation, & aux principes de tactique que nous nous fommes formés; ainfi l'on pourra voir tout le jeu de nos Colonnes.

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Lorfqu'une Colonne eft attaquée, foit par fa tête ou par fes faces, ou que fe trouvant environnée elle eft obligée de faire front de tous côtés, ou par fes faces, & de tirer de pied ferme, quoiqu'il lui foit aifé de percer tout & d'aller fon chemin il me femble meilleur de le faire par rangs en commençant par le centre: les autres rangs faifant genoux à terre ainfi de rang en rang, ou de deux rangs en deux rangs jufqu'aux deux premiers de chaque aile, fuppofé qu'on n'eût point à craindre une attaque brufque car en ce cas ils doivent conferver leur feu. Comme il fe peut trouver des maladroits qui pourroient tirer trop bas, & caffer la tête à ceux qui font devant eux genoux à terre, il faut qu'ils fe baiffent prefque le nés contre terre.

Cette maniére de tirer par deux rangs & par trois, n'eft pas nouvelle pour les corps qui combattent fur beaucoup de hauteur: Montécuculi nous la propofe dans fes Mémoires, c'eft celle du quarré folide, c'eft-à-dire à centre plein. Il eft très-difficile de foutenir longtems contre un feu fi violent & fi bien fuivi. Il me refte une remarque à faire qui mérite attention, à l'égard de l'éxercice d'un grand corps, ou de toute une armée, & des commandemens qu'on eft obligé de faire dans des occafions, où la voix de Stentor feroit à peine entenduë.

Toutes les évolutions & les mouvemens, qui fe pratiquent parmi le fracas des armes, ne fçauroient être commandées par la voix ; on devroit les faire au fon du tambour, pourvû que les évolutions fuffent diftinguées par les différens roulemens. Qu'on ne me parle pas de l'éxercice au fon du tambour tel qu'on le fait aujour d'hui, il eft trop ridicule, puifque les évolutions ne font pas diftinguées. Je dis donc que dans une affaire générale, ou dans un combat, le bruit des autres tambours,

celui du canon, les décharges continuelles de l'infanterie, & les cris militaires, empêchent de diftinguer les commandemens, qui ne font pas les mêmes par tout, à caufe des différens cas qui arrivent. Il me paroît qu'il feroit mieux d'introduire deux cors de chaffe par régiment, dont les différens fons diftingueroient les diverfes évolutions & les manœuvres qu'il faudroit faire, & aufquelles il feroit bon d'accoûtumer les foldats à la maniére des Anciens.

Cet inftrument eft de tous celui qui fait un plus beau bruit de guerre, & qui me femble digne d'être mis à autre ufage qu'à fervir à animer les chiens; les Romains ne fe fervoient que de ces fortes d'inftrumens de mufique militaire: je ne fçai où j'ai lû que les Suiffes fe font fervis autrefois de cors de chaffe dans leurs armées, je ne me fouviens pas fi c'eft fous le régne de François I. Cette recherche nous importe peu, il n'est pas besoin d'autorité pour une chofe de cette nature; il fuffit que ce qu'on propofe foit bon en lui-même.

Lorfqu'on entrelaffe des Colonnes dans une ligne, on doit les pofter entre deux brigades, & les mettre aux endroits où l'on veut faire effort. C'eft fur ces principes que je propofai le fecours de Douay en 1710. l'infanterie par Colonnes de deux & de trois bataillons entre les intervalles des brigades de l'infanterie, la cavalerie la foutenant fur deux lignes, les efcadrons entrelaffés de pelotons, & de gros bataillons aux aîles fur dix de hauteur, & quelques autres répandus fur tout le front de la premiére ligne. Cet ordre n'étoit pas fait au hazard, on n'ignoroit rien de la difpofition de l'ennemi, & du défavantage de leur pofte, & ce fut là-deffus qu'on fe régla.

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Des armes de l'infanterie. La pique en devroit être infeparable. Avantage & défaut de cette arme.

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"L n'y a point d'Officier tant foit peu appliqué & verfé dans l'infanterie, qui ne trouve, par l'éxamen de mon nouveau Syftême, une objection importante à me faire. En effet, pour peu qu'on médite deffus on reconnoît bien-tôt par les feules lumiéres du bon fens, & les régles mêmes de la guerre, que cette façon de combattre, toute fimple & toute parfaite qu'elle paroît aux intelligens, eft défectueuse à l'égard des armes. Je n'ai garde de ne pas convenir de cette vérité, je l'ai affez fentie; mais lorfqu'il s'agit d'un nouveau Syftême qui renverfe le vieux, & d'attaquer un ufage de longue prefcription, & qui ne s'accorde pas avec les principes dont on eft préoccupé, il faut y aller comme à la fappe, & avec beaucoup de circonfpection. On doit laiffer le tems d'éxaminer & de réfléchir fur ce qu'on propofe d'abord la baze étant affermie, il n'eft pas difficile de s'élever jufqu'au comble.

Le Lecteur éclairé voiant qu'on ne dit rien qui ne foit fondé fur beaucoup de connoiffance de l'infanterie, fur des vérités démontrées, & fur des éxemples éclatans, anciens & modernes, qui fe préfentent en foule, tâche d'approfondir de plus en plus fi l'Auteur ne s'eft point trompé; ce qui fuffit pour nous conduire à la recherche de la vérité, & à reconnoître ce qu'il peut y avoir d'imparfait dans ce principe, & ce qu'il faudroit y ajouter pour le porter au point de perfection où il peut aller.

Il n'eft pas difficile de remarquer & de convenir qu'il faut des armes de longueur dans un corps comme la Colonne, comme dans tout autre: la pique fe préfente d'abord

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