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Au refte, comme la charge de Triérarque engageoit à une grande dépenfe, il étoit permis à ceux qui étoient nommés d'indiquer quelqu'un qui fût plus riche ,, qu'eux, & de demander qu'on le mit à leur place, pourvû qu'ils fuffent prêts à changer de biens avec lui, & à faire la fonction de Triérarques après cet échange. Cette loi étoit de Solon, & s'appelloit la loi des échanges. Tourreil appuie tout ceci de paffages Grecs qu'il enchâffe par tout dans les pages.

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§. III.

Les Athéniens, malgré leurs forces de mer, tombent en la puiffance de Lace-
démone. Caufe de cette révolution.

Ette Loi fameufe, & que je regarde comme infpirée, à quelque défaut près que

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j'y remarque, & que nous avons corrigé pour l'accommoder au tems où nous vivons, dans un projet réglé pour le rétablissement de notre marine; cette loi, dis-je, fit non feulement le falut d'Athénes, & la mit en état de réfifter contre la puiffance de Philippe, mais la rendit encore redoutable à tous fes voifins, jufqu'à ofer entreprendre fur la Sicile; & fi cette entreprise échoua, ce fut bien moins par la faute de ceux qui furent chargés de la conduite de cette guerre, que par le défaut de ceux qui les emploiérent, dit Thucydide, pour n'avoir pas prévu ce qu'il falloit faire lorfqu'on feroit arrivé. Toute l'armée y périt, & cette flotte formidable fut anéantie; Athénes ne fut pourtant pas abattuë d'une infortune fi effroiable, elle fubfifta encore longtems, elle releva fa marine par le moien de cette loi admirable; mais une bataille navale donna le dernier coup à cette puiffance, & la perte de fes vaiffeaux fut celle de fa liberté. Qui peut douter que ces fages Républicains ne fe fuffent relevés d'une perte fi accablante, s'ils euffent eu le tems de la réparer? Mais il en faut un très-grand pour la conftruction d'une nouvelle flotte, c'eft une entreprife toute des plus grandes. Les victorieux, plus fages & moins endormis qu'Annibal après la bataille de Cannes, profitant au plus vîte de leur victoire, cinglérent droit à Athénes: les Athéniens fans un feul vaifleau, bridés par mer & par terre, dépourvûs de tout, & dans l'état du monde le plus déplorable & le plus humiliant, après tant de victoires remportées fur leurs ennemis, fe virent tout d'un coup foumis à la puiffance de Lacédémone par la ruine de leur flotte. Ce qu'il y a de bien extraordinaire, c'eft qu'il n'y eut point de combat, l'Amiral Athénien s'étant laiffé furprendre dans le port à deux pas de l'ennemi: faute d'autant moins pardonnable dans un Général, qu'il avoit été averti de fe tenir fur fes gardes par Alcibiade, qui étoit alors éxilé, & dont l'avis fut rejetté de tout le monde : comme fi les malheureux & les difgraciés perdoient le fens & l'efprit avec leur fortune. Qui auroit jamais crû qu'Athénes fe fût relevée par la fuite? Cependant ce'a arriva par la ruine de fes Tyrans, & l'on vit avec étonnement la folie d'Alcibiade triompher de la prétenduë fageffe de fes ennemis, fans que les Athéniens en devinffent plus fages & moins ingrats envers ce grand homme. Toutes les Républiques font marquées à ce coin de йétriffure, & tous les Etats grands & petits. Se pourra-t-on bien perfuader que tous les malheurs, fi on veut les prendre dans leur origine, ne viennent que de l'envie & de la jaloufie qui s'éléve toujours contre les hommes vertueux, les plus irréprochables, & les plus capables de gouverner un Etat par leur efprit & par leur fageffe, & de les fauver par leur fermeté & par leur courage.

Quelque envie qu'on ait d'épargner un homme d'autant de mérite que Thucydide, on ne peut s'empêcher de dire qu'il a oublié de nous apprendre la caufe principale de la perte de l'armée navale d'Athénes, & de celle de terre, dans l'entreprise de Syracufe. Cc 2

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Ce n'eft pas feulement pour n'avoir pas prévû ce qu'il falloit faire lorfqu'on feroit arrivé: j'avoue que ce manque de prévoiance y entre pour quelque chofe; mais ce que je vais dire en eft la principale caufe. Thucydide l'a laiffé là, ou pour mieux dire, l'a écarté pour de bonnes raifons. Il s'ennuioit dans fon éxil, & redoutoit la puiffance & la violence des Prêtres de fes Dieux, & des dévots de fa réligion, qui n'euffent pas manqué de le rendre fufpe&t d'irréligion, & de lui interdire fa patrie pour jamais quoiqu'il n'eût été mis au ban de l'oftracisme que pour foulager l'envie & la jaloufie de ceux qui n'étoient pas fi gens de bien.

Athénes fut de tout tems livrée au pouvoir des dévots & des efprits fuperftitieux, & par conféquent vindicatifs, cruels & perfécuteurs. Elle ne le cédoit pas de ce côté-là aux Egyptiens. Quelques libertins, (car on ne fait pas fi Alcibiade, qui ne fe contraignoit pas beaucoup fur le fait de fa réligion, & fur l'éxiftence de tant de Dieux & de Déeffes ridicules, fut de la partie :) quelques libertins, dis-je, échauffés de la débauche, & à la faveur des ténébres, mutilérent les ftatues de Mercure, ou pour mieux dire, des cubes de pierre qui défignoient ce Dieu, quelques jours avant que la flotte mît à la voile pour l'expédition de Syracufe. Toute la ville fut en alarme, on n'en pronoftiqua rien de bon: c'étoit pis qu'une Cométe; on arrête une infinité d'innocens, pas un feul des coupables: car les dévots recherchent bien moins ceux-ci que les autres qu'ils n'aiment pas; on foupçonna Alcibiade. On le laiffe pourtant embarquer & partir, par l'avis des bons Citoiens, qui reconnoifloient que Nicias, quoiqu'à la tête de cette grande entreprise, étoit beaucoup moins habile qu'Alcibiade qu'on lui donnoit pour Collégue. Ses ennemis, qui fe foucioient peu du bien ou du falut de la patrie, lorfqu'il s'agiffoit de fatisfaire leur paffion, formérent un fi puiffant parti contre lui, fous prétexte de zéle de réligion, qu'ils firent rappeller cet habile Officier pour qu'il vînt fe juftifier du crime d'impiété dont on l'accufoit. Il n'eut garde de fe livrer entre les mains de tels Inquifiteurs, il fe jetta dans le parti ennemi; ce qui fut l'unique caufe de l'infortune des Athéniens. Thucydide a donc tort de l'attribuer à toute autre chofe qu'à ce que je viens de dire. Ce qui doit apprendre aux Princes & aux Républiques qu'il ne faut pas pouffer à bout un homme de cœur & d'efprit, qui peut fe venger avec éclat.

J'ai fait là un écart un peu violent, ce me femble, on me le paffera. Outre que je me fuis déja déclaré fur ces fortes de libertés, je le déclare encore, je ne faurois me contenir dans ma marche: il faut que je m'en écarte quelquefois. Si l'on trouve cette conduite peu éxacte & contraire aux régles de la difcipline des Auteurs réguliers, je ne fai qu'y faire. Les digreffions plaifent & délaffent, tout le monde le dit; je confens que d'autres, qui ne font pas de l'avis de tout le monde, défapprouvent cette efpéce de libertinage: ils ne feront pas pancher la balance. Je dois m'accommoder à toutes fortes d'efprits, & éviter fur toutes chofes la féchereffe, dont les matiéres que je traite ne font que trop fufceptibles..

L

& IV.

Les Romains rétablissent leur marine. Avantages qu'ils en tirérent, & dont
nous nous sommes privés en ne les imitant pas.

Es Romains furent-ils plus heureux que les Athéniens à l'égard de leur marine pendant le cours de la premiére guerre Punique? Ils perdirent deux ou trois fois des flottes entiéres par la tempête. Rien de plus trifte & de plus effroiable que ce que Polybe nous en apprend. La perte des vaiffeaux n'eft rien en comparaifon des équipa

ges,

ges, on en fent affez la raifon. Accablés de tant de pertes, & dans le dernier épuifement, ils abandonnent la mer, & fe réduisent à leurs forces de terre; mais ils reconnurent bientôt, par une trifte expérience, qu'on n'entreprend point la conquête d'une Ifle, fi l'on n'eft le maître de la mer, & que les Etats maritimes ne fauroient fe maintenir fans une armée navale. D'ailleurs toutes les places fortes de la Sicile étoient maritimes; ils s'apperçûrent bien que tant que les Carthaginois primeroient fur mer, ils ne pouvoient efpérer de conferver leurs conquêtés du dedans, ni même d'y fubfifter, fi les Carthaginois fe mettoient en tête d'intercepter leurs convois. Car depuis cinq ans qu'ils s'étoient réduits à leurs feules forces de terre dans cette Ifle, ils fe voioient auffi peu avancés que le premier jour; que fera-ce, difoient-ils peut-être, fi les Carthaginois fe ravisent par une diverfion fur nos côtes, qui nous obligera d'abandonner ce qui nous a coûté tant de peines & tant de travaux? Ils avoient raifon. En ce cas les voilà réduits dans un défilé où ils ne voient aucune iffuë. Ils manquoient de moiens pour lever une flotte; & fi l'argent eft le nerf de la guerre, il l'eft plus particuliérement dans celle qui fe fait par mer. Sur terre on fubfifte aux dépens de l'ennemi, ce n'eft pas la même chofe fur mer.. Il faut des vaiffeaux, les Romains s'en trouvent dénués. Il en faut, ou tout abandonner. Polybe nous représente l'état miférable où ils étoient, lorfque quelqu'un leur ouvrit une reffource qui les délivra de tous ces embarras incommodes, & leur fit trouver plus d'argent qu'il n'en falloit pour cette entreprife. Qu'est-ce donc que cette reffource? C'eft celle même dont je viens de parler plus haut. Les Athéniensfe rendirent redoutables par l'avis d'un feul homme; les Romains fuivirent le même avis, & s'en trouvérent aufli-bien qu'eux.

Nous pouvions fuivre l'éxemple de ces deux peuples, après l'événement de la Hogue, remettre notre marine fur pied, & nous rendre plus redoutables & plus dangereux que jamais. Nos équipages fubfiftoient encore, que nous falloit-il de plus que de conftruire de nouveaux navires? Un Etat, qui fourmillant d'Officiers intrépides & de matelots expérimentés à tout, vient à les perdre, n'a rien, & toutes les finances du monde ne répareront pas cette perte; avec les finances on répare celle des vaiffeaux. Si en ce tems-là quelqu'un fe fût avifé de penfer comme on penfa à Athénes & à Rome après la perte de tant de flottes, dans quelle furprise nos ennemis ne fuffent-ils pas tombés? Ce que je vais dire ne fera peut-être pas crû, nous étions en état de remonter fur mer fans avoir recours aux Grecs & aux Romains: car notre perte ne fut jamais fi grande que le bruit de la renommée la faifoit. Certaines gens éxagérérent le mal auprès du feu Roi, & emploiérent toutes les forces de leur efprit pour le faire voir irréparable, & mieux l'affermir dans la réfolution de foutenir la guerre par fes feules forces de terre, & d'abandonner la mer; ce qui ne fe pouvoit fans des dépen fes effroiables. Ils cabalérent de telle forte, que le feu Roi fe laiffa furprendre à des confeils fi pernicieux, quoique prudens en apparence.

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Quel pouvoit être le but de ces gens-là? Je ne fai: peut-être crurent-ils de bonne foi qu'une armée navale, qui ne fervoit, difoient-ils, qu'à la deftruction de nos fir nances, & qu'à faire une vaine montre de notre puiffance, étoit inutile: peut-être eurent-ils en vûë de rendre moins confidérable celui qui étoit chargé des affaires de la marine, pour rapporter tout à eux, & fe rendre plus néceffaires : peut-être n'a voient-ils pas affez réfléchi fur les avantages de la mer, qui augmente nos forces de terre fans aucune diftraction, qui nous met à couvert des entreprifes fur nos côtes, & qui en favorifant notre commerce coupe la gorge à nos ennemis par la ruine inévi table du leur, qui eft pour ainfi dire le feul aliment de leur puiffance: peut-être en que toutes ces raifons entroient dans leur deffein.

fin

Il est certain que ce dangereux & bizarre confeil produifit un déluge de malCc 3 heurs,

heurs, & fur tout dans la guerre de 1701. le même efprit d'erreur & d'aveuglement fubfiftant toujours, malgré les avis des plus fages, qui voioient qu'en remettant fur pied la marine, nous étions en état d'arrêter les progrès de nos ennemis.

Les Romains n'abandonnérent la marine que par impuiffance; & dès qu'ils trouvérent l'expédient de lever une flotte, ils reprirent la mer & de nouvelles efpérances; les côtes de l'Italie fe virent alors garanties des defcentes des Carthaginois. Ils firent le fiége de Lilybée, gagnérent une grande bataille fur mer, & fûrent fi bien en profiter qu'ils bloquérent l'armée d'Amilcar devant Eryce, qui ne recevant plus aucun fecours de Carthage, obligea ce Général à demander la paix au nom du Sénat de Carthage; paix dont les conditions furent fi rudes & fi honteufes, que les Carthaginois furent contraints non feulement d'abandonner aux Romains tout ce qu'ils avoient de places dans la Sicile, mais encore de leur paier trois mille deux cens talens d'argent, fomme exorbitante pour ce tems-là: tant cette maxime qu'on attribue à Pompée affez mal à propos, eft véritable, que qui peut être maître de la mer l'eft de la terre. Nous avons ignoré cette maxime en France, pour en prendre une autre toute contraire que nous fuivons conftamment, plutôt par ignorance que par mauvaise volonté, ou par défaut de moiens.

OBSERVATIONS

Sur la bataille navale d'Egufe.

§. I.

Victoire des Romains. Pourquoi Amilcar n'alla point au-devant de Hannon,

Es Romains, qui avoient abandonné la marine par tant de naufrages, s'apper

qu'il leur étoit impoffible de le maintenir

conquêtes, & de garder même celles dont la confervation leur importoit fi fort pour s'affurer du refte de la Sicile, s'ils n'étoient maîtres de la mer. L'efprit le moins rafiné en eût penfé tout autant; c'eft une de ces vérités qu'on laiffe en propre au feul fens commun. Un Miniftre, ou un Prince, qui n'auroit rien au-delà, en uferoit tout de même que les Romains.

On attaque fort inutilement une place maritime, fi là mer ne lui est tout à fait interdite. Le fiége de Candie en eft une bonne preuve, c'eft dommage qu'il n'ait pas fait le fujet d'un Poëme Epique comme celui de Troie. Le fiége de Ceuta a, je penfe, rempli trois fois le terme des deux premiers: nous n'en verrons jamais le bout tant que les affiégés auront la mer libre; il en eft de même de ceux de terre que de ceux de mer. Le fiége de Verrue dureroit encore, fi feu M. de Vendôme ne fe fût avifé de couper chemin aux fecours. Celui de Keiferfwerth n'eût-il pas reffemblé à celui de Ceuta, fi la mode d'envoier des ordres de fe rendre fans aucune néceffité, n'eût été toute établie en France? Le Marquis de Goesbriand en reçut trois pour rendre Aire: s'il eût tenu bon au troifiéme, les Alliés fe fuffent infailliblement retirés très-honteufement, quoique ce brave homme eût à proportion infiniment plus d'ennemis en dedans qu'il n'en avoit au dehors.

Il ne reftoit aux Romains, pour achever la conquête de la Sicile, que Lilybée & E

гусе.

ryce. Ils voioient bien qu'ils y perdroient inutilement leur tems & leurs peines, s'ils ne remontoient fur mer. Point d'autre parti à prendre que celui-là. J'avois trop bonne opinion de ces fages Républicains, pour croire qu'ils euffent été fi longtems fans penfer à la conftruction d'une nouvelle flotte. Ils n'euffent pas différé d'un moment cette entreprise, fi les moiens ne leur euffent plutôt manqué, que le defir d'y fatisfaire. Ce n'étoit guéres leur coûtume de fe ménager, & d'ufer de retardement en pa reilles conjonctures. Il vaut mieux faire un bon effort, tenir la mer & la terre, doubler fes forces, & tenter tout pour cela, que de doubler le tems. L'un nous met en état de finir bientôt la guerre par la conquête des places qui nous reftent à prendre, & l'autre nous expofe à perdre ce que nous avons gagné.

Ce ne fut jamais la maxime des Romains de tirer les affaires en longueur par les défauts de préparatifs. Leurs guerres étoient fortes & courtes, mais vives. Ils ne croioient pas qu'une languiffante défenfive, ou des efforts médiocres fuffent dignes du nom Romain, de leur courage & de leur fageffe. C'étoit leur politique, il n'y en a point de meilleure.

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Notre Auteur n'entre dans aucun détail, & ne dit pas un mot de l'ordonnance des deux armées: je n'ai garde de m'en plaindre. S'il y avoit eu quelque chofe de nouveau dans la difpofition de l'une des deux armées, il n'eût pas manqué de nous l'apprendre; car de tous les Hiftoriens de l'antiquité, il eft peut-être le feul qui foit le moins fujet aux défauts, aux variations, & au peu d'éxactitude des autres, qui courent à l'action fans parler des mesures qui la préparent & qui la précédent. On voit bien qu'il n'avoit pas beaucoup à dire de ces mefures, en récompenfe il nous fait voir beaucoup de prévoiance & de hardieffe dans la conduite de Lutatius.

Hannon étoit informé que les Romains étoient en mer. Il fentoit bien qu'il n'étoit pas en état de leur tenir tête, & qu'il ne pouvoit rien faire de plus avantageux & de plus prudent, que de leur échaper & d'éviter leur rencontre. Son deffein, dit Polybe, étoit d'aborder à Eryce fans être apperçu des ennemis, d'y décharger fes vaiffeaux, de groffir enfuite fon armée navale des foldats étrangers, & d'aller avec Barcas préfenter la bataille aux Romains.

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Lutatius avoit fort bien pénétré le dessein de fon ennemi, il ne falloit pas trop enfon cer pour le connoître & gagner les devans. Il voioit d'ailleurs la conféquence qu'il y avoit de s'oppofer à la jonction des deux flottes, & de profiter de l'occafion qui s'offroit d'attaquer les Carthaginois qui cingloient au fecours de Barcas. C'étoit un coup de partie pour les Romains; car dans de pareilles conjonctures, & lorfqu'il s'agit d'un fecours de troupes & de munition's fur lequel agit toute l'efpérance d'une armée qui manque de tout, il faut rifquer toutes chofes, & combattre une partie pour donner de la terreur à l'autre car la défaite de Hannon faifoit tomber Barcas fans coup férir. Celuici ne comptoit que fur cette jonction des deux flottes, affuré qu'avec ce fecours il feroit en état d'attaquer les Romains & de les battre, & je ne fai fi ceux-ci eussent ofé fe préfenter de droit front contre un Capitaine de cette réputation.

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Je cherche pourquoi Amilcar n'alla pas au-devant du fecours qui lui venoit avec ce qu'il avoit de vaiffeaux. Polybe ne nous dit pas s'il pouvoit fûrement se mettre en mer, & tenter cette avanture: celá étoit peut-être délicat. Il l'étoit encore à Hannon de s'approcher un peu trop d'Egufe, & à la vue des Romains. Il eût pû fe difpenfer de les reconnoître, & par là il fauvoit fon convoi, fes troupes & fa réputation.

Les Carthaginois avoient le vent. Ils euffent pû, puisqu'ils avoient tant fait que de reconnoître Egufe, & vû les ennemis prêts à lever l'ancre pour leur aller au-devant : ils euffent pû, dis-je, virer de bord, faire force de voiles & gagner le large, ou les jouër par de fauffes routes, favorifés par un gros frais, contre des gens peu expérimentés

pour

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