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fur les places voifines de fon camp; il le munit de toutes fortes de provifions de guer re & de bouche; ce qui devroit apprendre aux Généraux d'armée à ne pas compter fur les convois qu'ils reçoivent de tems en tems des villes les plus proches. Cela s'appelle vivre au jour la journée.

Nous tombâmes dans une faute toute femblable au fiége d'Arras en 1640. fous le regne de Louis XIII. Le Cardinal de Richelieu étoit affez bien informé que les Efpagnols affembloient toutes leurs forces pour le fecours d'une place fi importante. On confeilla au Cardinal Infant de couper les vivres aux affiégeans. Rien n'étoit plus aifé. Richelieu y avoit très-mal pourvû. L'Infant devoit favoir que lorfqu'il s'agit d'une entreprise extrémement importante, telle qu'étoit celle-là, qu'on fait d'ailleurs que l'ennemi n'oubliera aucun effort pour le fecours de la place; que l'on fait encore qu'il eft maître de la campagne, & qu'on n'a d'armée à lui oppofer que celle qui eft enfermée dans fes lignes; quand on fait, dis-je, tout cela, peut on demeurer fufpendu entre ce qu'on fera & ce qu'on ne fera pas ? Rien ne l'empêchoit de couper les vivres aux affiégeans, en fe campant entre eux & les places d'où ils tiroient leurs convois. N'étoit-ce pas là le fentiment de tous les Généraux? S'il eût pris ce parti, & qu'il n'eût pas perdu à délibérer le tems qu'il falloit emploier à agir, il eût obligé les François à lever honteufement le fiége. Il eut tout le tems de voir cela pendant qu'il fut campé auprès des lignes, au lieu qu'il les attaqua fans fruit à caufe de leur force extraordinaire, Mais Richelieu étoit-il bien affuré que le Général d'Eglife ne verroit goute dans cette foule d'avantages & d'occafions qui fe préfentoient pour ruiner & réduire à néant une entreprise de cette importance? Ces avantages étoient frapans. Un peu de réflexion fuffifoit de refte pour les reconnoître, fi le Général Ef pagnol en cette occafion eût été homme à en faire. Mais le Miniftre François fut-il plus habile & plus clairvoiant? J'en doute. Car pourquoi ne munit-il pas fon camp de vivres & de munitions de guerre pour tout le tems du fiége? Dans les entreprifes de cette conféquence, c'est peu lorfqu'on n'en a pas pour trois mois. Ce n'étoit pas là le pis qui nous pouvoit arriver en levant le fiége de cette place; il falloit fe retirer, & la retraite ne pouvoit fe faire qu'en paffant fur le corps de l'armée Efpagnole, beaucoup fuperieure à la nôtre, & compofée de tout ce que l'Efpagne avoit de fort & de redoutable.

Si le Cardinal Infant pancha plutôt à infulter nos lignes qu'à nous couper les vivres, parti qu'il crut peu digne de fon courage, ou qui paffoit fon intelligence; fi, dis-je, il rejetta celui-ci pour prendre l'autre, & s'il le prit tard, c'eft qu'il s'imagina qu'il nous trouveroit foibles, abattus & atterrés des travaux du fiége & de nos pertes. C'étoit mal raifonner, il n'eft pas toujours fûr, il ne l'eft même jamais de fecourir une place lorfqu'elle eft à l'extrémité, & que les affiégeans n'en peuvent plus, ou que le fége eft fort avancé. Il l'eft encore moins au commencement d'une guerre, & à la premiere grande entreprise. Je ne faurois être du fentiment de ceux qui s'imaginent que le tems le plus propre eft, lorfque les troupes font affoiblies par la défense vigoureufe & opiniâtrée des affiégés. Rien n'éxerce davantage les troupes que les fiéges, & fur tout ceux qui font féconds en grandes forties. Quand on attend ce temslà au commencement d'une guerre, c'eft expofer une armée déja aguerrie contre une autre qui l'eft encore plus. Le meilleur & le plus prudent à l'ouverture d'une guer re, eft de débuter par quelque fiége important qui aguerriffe les troupes de nouvelles levées, ou celles qui n'ont encore rien vû.

Dans le même fiége, lorfque le Cardinal Infant fe préfenta devant nos lignes, on affembla le Confeil. La Meilleraie propofa de fortir des lignes, & d'aller au-devant des ennemis pour les combattre. On fut d'un avis contraire. Leur armée, difoit-on, est du moins auffi forte que la nôtre. Pour aller à eux il faudroit lever tous les quartiers:

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après cela il feroit facile de jetter du fecours dans la place & de fe retirer, fans que nous puffions les combattre. Dans ce cas nous voilà dans la néceffité de lever le fiége. Ces raifons étoient fages & prudentes, & conformes aux conjonctures. Ce que dit le Cardinal de Richelieu, qu'il n'avoit jamais lû dans l'Hiftoire qu'on fût forti de fes lignes, après avoir demeuré fi longtems à les faire, n'eft pas encore une raifon de n'en pas fortir. Cela dépend du tems & des conjonctures. Qui lui avoit dit qu'il n'y eût rien de tout cela dans l'Hiftoire? Les éxemples de pareils faits y font fans nombre. Celui d'Agrigente n'en eft-il pas un? Si Richelieu eût été à l'école de Hannon, les François n'euffent-ils pas imité Pofthumius, qui fortit de fes lignes pour fe délivrer de l'extrémité où il fe trouvoit?

Au dernier fiége de Belgrade, le Prince Eugéne fe trouva dans le cas de fortir de fes lignes, il n'y manqua pas, & c'eft à mon fens une des plus belles actions qu'il ait faites en fa vie: ce qu'il y a de fingulier & de bien extraordinaire, c'eft qu'il fe foit trouvé des gens, qui aient trouvé à reprendre fur la conduite de ce grand Capitaine, qu'ils qualifioient d'imprudente & de téméraire. Je leur demanderois volontiers des preuves démonftratives de leur créance: fans doute qu'ils fe verroient très-embaraffés s'ils étoient obligés de nous en donner quelqu'une; ce feroit les jetter dans un défilé très-embaraffant, & dans un guet-à-pens très-incommode.

Que dirons-nous du dernier fiége de Turin? Ecarterions-nous un tel éxemple qui s'eft paffé fous nos yeux? Nous n'avons garde, il fait trop bien à notre fujet & à notre propre inftruction, à laquelle nous vifons toujours. Je ne crois pas devoir entrer dans aucun détail d'un événement fi extraordinaire, il eft trop connu dans le monde on fera feulement quelques remarques fur certaines circonftances les plus capitales, & aufquelles perfonne n'a peut-être encore penfé. Aurions-nous dû fortir de nos lignes, ou n'en pas fortir? C'eft une queftion qu'un homme du métier réfoudra fans peine: qui peut douter que le premier parti ne fût le meilleur, lorfqu'on eut appris la nouvelle que les ennemis étoient paffés en deçà du Pô? n'auroit-on pas dû aller à leur rencontre, fans délibérer, & au plus vite? Cela étoit dans les régles; mais ç'eût été furieufement s'en écarter lorfqu'ils eurent traverfé la Doire. Nous n'avions alors à défendre que le côté de la circonvallation, qui étoit au-delà de cette riviére, c'eft-à-dire un front d'une très-petite étendue; & cependant ce côté-là ne fe trouva-til pas abfolument dénué de troupes? 11 le fut à tel point, que la brigade de la Marine fe vit dans la trifte néceffité de border le retranchement fur deux de hauteur. On aura de la peine à croire, qu'on ait laiffé fi fort dégarni un pofte d'une importance fi capitale, dans le tems que les deux tiers de notre infanterie reftent inutiles dans les autres plus éloignés où l'on n'en avoit que faire.

Le deffein de M. le Duc d'Orleans étoit de lever tous les quartiers, & de marcher droit aux ennemis, qui paffoient le Pô à Veillane., C'étoit fans doute le meilleur & le plus honorable parti que l'on eût dû prendre, & digne du courage de ce Prince; il s'y étoit déterminé: mais le Maréchal de Marfin, quoiqu'il fût dans le fond un brave homme, avoit pris de bonnes mefures pour que fes fentimens prévaluffent fur ceux de M. le Duc d'Orleans; il avoit mandé à la Cour qu'il étoit beaucoup plus avantageux d'attendre les ennemis dans nos lignes, que de leur aller au-devant. Il appuïa fon opinion de raifons affez fpécieuses, fans s'appercevoir que la grandeur de la circonvallation nous réduifoit à rien. La Cour lui envoia un ordre du Roi, qui bridoit de telle forte le pouvoir du Prince, qu'il ne pouvoit rien faire que felon le bon plaifir du Maréchal. Celui-ci tint cet ordre fort fecret pour s'en fervir en cas d'occafion. Elle ne pouvoit manquer de fe préfenter, puifque les ennemis accouroient au fecours de la place. Le Maréchal produifit enfin cet ordre, qui fut en partie la caufe de tous nos malheurs. Je

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dis en partie, car il fembloit que la fortune voulût nous affurer la victoire fans fortir de nos lignes. En effet les ennemis, en paffant la Doire pour attaquer la partie de la circonvallation qui étoit de l'autre côté de cette riviére, nous fourniffoient la plus belle occafion du monde de les défaire; car par une manoeuvre fi peu fenfée, ils nous mettoient en état de porter toutes nos forces de ce côté-là, fans rien craindre fur tout le reste de la circonvallation qui fe trouvoit entre cette riviére & le Pô. Par là ils nous mettoient en état de les faire repentir de leur entreprise, puifqu'ils alloient tenter par l'endroit le plus difficile: quoiqu'on s'y fût moins précautionné à l'égard des retranchemens, il ne devenoit pas moins impraticable par les forces que nous pouvions leur opposer,

Rien n'empêchoit le Maréchal de Marfin de faire marcher vingt bataillons & autant d'efcadrons de ce côté-là, & de tirer quinze autres bataillons de la hauteur des Capucins, où Albergotti étoit avec quarante qu'il avoit fait venir de fon côté. Le Miréchal n'en avoit-il pas reçu ordre de M. le Duc d'Orleans? Il l'oublia, ou fit femblant de l'avoir oublié. Toute la nuit & jufqu'au lendemain, que les ennemis attaquérent, le tems fe paffa en vaines conteftations & en difcours inutiles : les uns difant une chofe, & les autres tout le contraire. Cependant le tems s'écoule & l'occafion s'échape; & pendant que les ennemis fe forment de l'autre côté de la Doire, on n'y envoie aucunes troupes pour renforcer le peu qu'il y en avoit, fans penfer que tout ce qui étoit en deçà étoit inutile: ces quarante bataillons, plantés comme des termes fur la hauteur des Capucins, & fous les ordres d'Albergotti, que font-ils là? Ne diroit-on pas qu'ils font à cent lieues de la ligne en-delà de la Doire? Ils n'en font pourtant qu'à deux pas. Je le demanderois volontiers à l'ombre du Maréchal de Marfin, elle me renvoiroit fans doute à celle d'Albergotti. Si je m'addreffois à celleci, quelle bonne raifon en pourrois-je efpérer? Le fait répond pour elle.

Puifque nous en fommes là, donnons quelque chofe du caractère militaire de cet Officier Général. Je ne dirai rien de fon païs, chacun fait qu'il étoit Italien & d'une des meilleures Maifons de Florence. Il étoit venu fort jeune en France, & y apporta une grande inclination pour les armes. Il étoit d'une humeur fombre & melancolique; grave, compofé & retiré en lui-même; un air impérieux & penfif: allant à fes fins autant bien qu'homme de fon païs; parlant peu, & donnant par là lieu de croire qu'il penfoit beaucoup; prévenu en faveur de fes fentimens jufqu'à dédaigner ceux d'autrui, quels qu'ils fuffent. Circonfpe&t au-delà des bornes, jamais il ne fe croioit affez de troupes. Ce qu'il falloit éviter, il le prévoioit longtems avant qu'il arrivât, & pour n'y pas tomber il trouvoit dans fon fond des précautions fans nombre. Cette fécondité eft bonne, mais il faut la refferrer aux précautions néceffaires : fans cela elle étouffe le vrai courage, & produit bien des fautes. Je ne m'arrêterai pas fur toutes celles que l'on a reprochées à M. d'Albergotti, il en eft peut-être dont on a eu tort de le charger. D'ailleurs j'honore ce qu'il avoit de bonnes qualités, & ce feroit outrer la cenfure que de nier qu'il en eût. Je me borne à l'affaire de Turin: on ne me fera pas un crime d'en penfer & d'en dire ce que tout le monde en penfe & en dit.

Que fait donc M. d'Albergotti fur la hauteur des Capucins? Il fe plaint qu'il n'y eft pas trop en fûreté, & qu'il n'a pas affez de quarante bataillons pour fe défendre. Le Maréchal devoit-il avoir égard à fes terreurs & à fes craintes imaginaires? Pouvoit-il ignorer que l'ennemi n'avoit de ce côté-là qu'un corps de cinq à fix mille hommes de milice du païs, de miferables païfans, & deux ou trois bataillons de troupes reglées, & Je tout pour la mine. Albergotti le voioit bien, il fe plaint pourtant qu'il n'a pas affez de vingt mille hommes; on les lui laiffe pendant qu'on néglige tout le front de la circonvallation de l'autre côté de la Doire, où l'armée du fecours paroît en bataille fans

aucu

aucune diftraction de fes forces, ne pouvant même entreprendre fur nous que par ce feul endroit de la riviére dès qu'ils l'ont une fois paffée.

Lorsqu'on vit que c'étoit tout de bon, & qu'on alloit être attaqué, on envoie à Albergotti; on lui demande un fecours de dix ou douze bataillons; il répond qu'il va être attaqué, qu'on s'y difpofe: en effet cinq ou fix mille païfans étonnés & tremblans de fe voir fi près de lui font des gens fort redoutables. On a beau lui repliquer que ce n'eft pas à on pofte que les ennemis en veulent, puifqu'ils en font féparés par le Pô & par la Doire. Il ne veut rien écouter de tout cela. Cependant les ennemis attaquent toute cette partie de la circonvallation ainfi dégarnie, la pénétrent à la droite, où il n'y avoit prefque perfonne, & l'emportent fans peine, bien moins par l'habileté de leurs Généraux que par la faute du Maréchal. Que peut-on penfer de cette conduite? Que peut-on penfer après cela des éloges qui furent faits de la conduite d'Albergotti devant & après cette action, qui nous fut fi malheureufe, pendant qu'on ne dit mot & qu'on ne tient aucun compte de quelques Officiers Généraux très-eftimables, qui penférent toujours bien, & qui firent très-bien leur devoir?

Tout ce que je viens de dire ici touchant d'Albergotti, ne touche en rien fon honneur. Nous n'avons garde de lui difputer le courage, on fait qu'il n'en manqua jamais par tout où il a été besoin de le faire paroître; on lui rend volontiers cette juftice; on ne lui refufe pas non plus fon grand talent dans le détail des chofes militaires, & plufieurs belles qualités très-eftimables & très-louables; mais nous ne pouvons convenir qu'il eût celles qui compofent le Général d'armée. Après l'affaire de Turin, fans parler des autres, ne fommes-nous pas bien fondés? Mais remarquez, s'il vous plaît, l'étoile de ce Général. Cette conduite, qui eût dû faire rabattre prodigieufement de l'idée qu'on avoit de fon favoir, & de l'eftime qu'on faifoit de lui, Féléve & lui produit une profufion d'éloges. Ne fut-il pas lui-même l'unique & principale caufe d'une infortune fi accablante? Qui peut en douter fans absurdité? Que fait ce Général après avoir joué le personnage de Spectateur immobile? Il décampe de fon pofte, & fe retire à Pignerol, où les débris de notre armée s'étoient fauvés. Ornez & parez tant qu'il vous plaira cette retraite de toutes les fleurs de la Rhétorique, ce ne fera jamais qu'une marche très-accélerée. Ne falloit-il pas qu'il se retirât? Cependant on admira cette retraite, comparable, difoit-on, aux plus mémorables. Il falloit que fes panégyriftes fe connuffent bien mal en retraites pour fe récrier fur celle-ci ; car on ne qualifie jamais de ce nom tout corps d'armée qui fe retire fans combat & fans être fuivi. Une retraite, proprement dite, eft lorsqu'une armée ou un grand corps de troupes fe trouve fuivi, harcelé & attaqué à fon arriéregarde, pris en flanc, en queue, ou en tête dans des païs difficiles & dangereux; ou lorfqu'on s'échape à toutes ces attaques par la rufe, par l'artifice & par des mouvemens bien concertés, qui donnent le change à l'ennemi, comme celle du Général Bannier, fi célébre dans l'Histoire : toutes les autres n'ont rien qui mérite qu'on en faffe la moindre mention. Tout ce qu'on peut dire de celle dont nous parlons, c'eft qu'après la levée du fiége, M. d'Albergotti fe retira heureufement depuis la hauteur des Capucins jufqu'à Pignerol, fans aucune mauvaise rencontre.

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Maniére

dont ils s'y pri

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Les Romains fe mettent en mer pour la premiére fois. Maniére dont ils s'y prirent. Imprudence de Cn. Cornelius & d'Annibal. Corbeau de C. Duillius. Bataille de Mile. Petit exploit & mort d'Amilcar. Siéges de quelques villes de Sicile.

LA

A nouvelle de la prise d'Agrigente remplit de joie le Sénat, & lui donna de plus grandes idées qu'il n'avoit euës jufqu'alors. C'étoit trop peu d'avoir fauvé les Mamertins, & de s'être enrichi dans cette guerre. On penfa tout de bon à chaffer entiérement les Carthaginois de la Sicile: rien ne parut plus aifé & plus propre à étendre beaucoup la domination Romaine. Toutes chofes réuffiffoient affez à l'armée de terre. Les deux Confuls nouveaux L. Valerius & T. Octacilius, fucceffeurs de ceux qui avoient pris Agrigente, faifoient dans la Sicile tout ce que l'on pouvoit attendre d'eux. D'un autre côté comme les Carthaginois primoient fans contredit fur la mer, on n'ofoit trop répondre du fuccès de la guerre. Il eft vrai que depuis la conquête d'Agrigente beaucoup de villes du milieu des terres, craignant l'infanterie des Romains, leur avoient ouvert leurs portes; mais il y en avoit un plus grand nombre de maritimes que la crainte de la flotte des Carthaginois leur avoit enlevées. On balança longtems entre les avantages & les inconvéniens de cette entreprife: mais enfin le dégat que faifoit fouvent dans l'Italie l'armée navale des Carthaginois, fans que l'on pût s'en vanger fur l'Afrique, fixa les incertitudes, & il fut réfolu que l'on fe mettroit en mer auffi-bien que les Carthaginois. Et c'est en partie ce qui m'a encore porté à m'étendre un peu fur la guerre de Sicile, pour ne pas laiffer ignorer en quel tems, de quelle maniére, & pour quelles raifons les Romains ont commencé à équiper une flotte.

Ce fut pour empêcher que cette guerre ne tirât en longueur, que la compris penfée leur en vint pour la premiére fois. Ils curent d'abord cent galéres à cinq rangs de rames, & vingt à trois rangs. La chofe ne fut pas peu embaraffante. Ils n'avoient pas alors d'ouvriers qui füffent la construction de ces bâtimens à cinq rangs, & perfonne dans l'Italie ne s'en étoit encore fervi. Mais c'est où fe fait mieux connoître l'efprit grand & hardi des Romains. Sans avoir de moiens propres, fans en avoir même aucun de quelque nature qu'il fût, fans s'être jamais fait aucune

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