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fait préfumer que les ennemis n'oféroient plus paroître en mer, lui fit négliger des précautions qu'il devoit prendre, & cette négligence fut la cause de la perte de fon armée & de fa vie.

Antigone, qui ne manquoit point de reffource dans les plus grandes difgraces, n'eut pas plutôt appris la perte de la victoire que venoit de faire Nicanor, qu'il ne douta point qu'il n'en put prévenir les fuites, en retournant à la charge fur les ennemis, affuré que Clite enivré de fon bonheur, avoit quitté la mer & qu'il campoit avec affez de négligence à quelque distance de la flotte. Après avoir obtenu des Citoiens de Byfance un certain nombre de petits navires, il y fit charger quantité d'arbalêtriers, avec un détachement de sa meilleure infanterie, armée à la legére. Ces navires passerent en Europe avec une extrême rapidité, & jetterent l'ancre affez proche du camp des ennemis: profitant de l'obscurité de la nuit, ils vinrent fondre fur eux avec tant d'ardeur & de précipitation, qu'on les vit auffi-tôt en defordre, les uns courant à leurs navires, laiffant aux victorieux leurs bagages & leurs dépouilles: d'autres empreffés à les défendre, & contraints de fuccomber fous le nombre des attaquans, y laiffoient la vie avec les biens.

Durant cette action Antigone fit monter fur fes vaiffeaux fes meilleures troupes, avec un grand nombre de matelots: ordonna à Nicanor de remettre à la voile, & d'aller attaquer la flotte ennemie; qu'il lui répondoit du fuccès du combat, & que par avance il pouvoit s'en réjouir. L'on fit voile pendant la nuit avec tant de bonheur & de diligence, qu'à la pointe du jour l'on vint attaquer les ennemis; ce qu'on fit avec un courage fi impétueux, qu'après avoir mis plufieurs navires hors de combat, tous les autres, à la referve de l'Amiral, fur lequel Clite étoit monté, fe rendirent au vainqueur avec tous les gens d'équipage. d'équipage. Clite aiant gagné la terre, prétendoit fe fauver dans la Thrace; mais malheureufement pour lui, quelques foldats de Lyfimache le rencontrerent comme il fuioit, & le tuérent.

Ces fortes de deffeins ne font pas communs, la routine ne les conduit ni ne les apprend, & les Généraux qui n'ont qu'elle pour guide ne peuvent y réuffir. Il est aifé de voir que les plus grandes parties de la guerre y entrent. Le détail, les précautions & les mesures en font infinies; mais ces précautions & ces mesures ne font pas toutes à la portée des efprits & des courages communs. Il faut toute l'intelligence & l'expérience d'un grand Capitaine, une préfence d'efprit & une activité furprenante à penfer & à agir, un profond fecret & gardé avec art. Mais cela ne fuffit pas, fi la marche n'eft tellement concertée, que l'ennemi n'en puiffe avoir la moindre connoiffance, quand il auroit pris toutes les mefures imaginables.

,

Avec ces précautions, ces deffeins manquent rarement de réuilir, parce qu'ils font peu communs, & d'un tour nouveau: mais il faut qu'un habile homme s'en mêle, & non pas un Néoptoléme, qui manqua fon coup contre Eumenes. Celui-ci l'avoit bien battu: après fa défaite, qui fut des plus complettes, il fe fauva vers Antigonus & Polypercon, aufquels il perfuada de marcher à fon ennemi, & de le furprendre dans. cet état de fécurité & de relâchement où fe trouvent les armées après les grandes victoires. Mais comme les grands Capitaines ne font jamais furpris, Eumenes fut bientôt inftruit du deffein de fes ennemis, & qu'ils tiroient de fon côté. Il décampe tout auffi-tôt, & leur vient au-devant à la faveur d'une nuit obfcure; il les trouve campés, & auffi peu fur leurs gardes, que s'ils euffent été à cent lieues de l'ennemi. Il les furprend dans leur camp, les taille en piéces, & leur apprend par cette victoire, qu'il ne fuffit pas d'imaginer de grandes chofes, fi l'on manque d'intelligence & de conduite dans l'éxécution. C'eft la maxime que nous devons tirer de l'éxemple de Néoptoléme; mais la conduite de Régulus & d'Antigonus en fournit une autre: qu'il y a des entreprises auffi fages dans le fond, qu'elles font téméraires en apparence.

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J'aurois une infinité de chofes à dire, & d'excellentes obfervations à faire fur ces deux actions de Tyndaride, tant la matiére eft abondante, belle & curieuse: je ne m'y arrêterai pas davantage, cela me méneroit où je ne veux pas aller, au moins pour cette fois. Polybe, qui embraffe toutes les parties de la guerre dans les faits qu'il rapporte, nous fournira affez d'occafions d'épuifer tout ce qui regarde les furprises d'armées par des principes certains & affurés: or comme cette partie de la fcience militaire, & ces principes ne font pas fort connus, qu'aucun de nos Auteurs dogmatiques n'en a écrit, & que c'eft de toutes celle à laquelle je me fuis appliqué avec plus de foin, je ferai tous les efforts dont je fuis capable pour la pouffer auffi loin qu'elle peut aller,

L

OBSERVATIONS

Sur la bataille navale d'Ecnome.

§. I.

Que l'habileté du Général supplée au nombre & à la valeur.

A bataille navale, qui fait le fujet de ces obfervations, eft fans contredit une des plus fameufes & des plus mémorables de l'antiquité. Ce qui excite & redouble le plus l'attention & la curiofité des gens du métier, c'eft la fcience & l'expérience des Chefs, la direction & l'ordonnance des armées dans les actions générales de la guerre; or toutes ces grandes parties paroiffent ici dans tout leur jour.

Qu'une action ait été longtems & obftinément difputée, fans que la victoire panchât plus d'un côté que de l'autre ; que cette Déeffe fe foit enfin déterminée pour le plus fort, & pour le plus brave, cela ne pouvera jamais que le victorieux foit un grand Capitaine; en eût-il gagné dix de cette nature, il ne recevra ce glorieux titre

que de la part de ceux qui n'étant pas du métier, l'accordent indifféremment au vain

queur ignorant, & au vainqueur habile. Mais les connoiffeurs ne prodiguent pas ainfi leur encens. Ils favent diftinguer entre fait de hazard, ou de routine, & fait de conduite ou d'habileté. Ils n'écrivent pas alors du camp à leurs amis: M. tel a gagné une bataille, mais, nous avons gagné une bataille. En effet qui eft-ce qui pour l'ordinaire a l'unique part à l'honneur de la victoire? Ce n'eft pas fans doute le Général. Il range fon armée felon la coûtume, & tout fe gouverne felon cette coûtume, autant d'un côté que de l'autre. Tout s'ébranle du même mouvement, l'on en vient aux prifes; & lorfqu'on actionne de la forte, c'eft le hazard ou la valeur du foldat qui décide: le Général n'y eft prefque pour rien. Le vainqueur eft heureux, & le vaincu malheureux. Celui-ci a fait une multitude de fautes, il falloit qu'il fût battu: l'autre n'a pas moins bronché, mais beaucoup moins lourdement : il faut qu'il foit victorieux.

Pour bien juger d'une victoire, il ne faut pas tant la confidérer en elle-même , que dans les moiens dont on s'eft fervi pour la gagner. C'eft uniquement la difpofition dans une bataille rangée, qui doit régler notre jugement dans le blâme comme dans la louange. Il n'y a que les experts dans le métier qui foient capables de cette analyfe militaire.

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capa

La gloire des armées, foit de mer ou de terre, dépend bien moins du nombre, ou de la valeur des troupes, que de l'excellence de l'ordre de bataille, le nombre ou la valeur fût-elle égale, & même fupérieure de l'autre côté. D'où vient que les Grecs, & après eux les Romains, envioient fi peu la fuperiorité du nombre aux nations barbares contre lesquelles ils étoient en guerre? D'où vien même qu'ils les méprifoient, quoiqu'ils inondaffent les campagnes de leurs troupes? Quelle pouvoit être la caufe de ce mépris? Etoit-ce la confiance en leur courage, & la lâcheté de ceux contre lefquels ils combattoient? Mais ils n'ont pas toujours eu à combattre contre des lâches. Ils n'ont pas toujours eu en tête des Perfes efféminés; ces Perfes mêmes, dont on décrie tant la valeur, n'ont été fi méprifables, que parce qu'ils manquoient de Chefs bles de les commander, & de difcipliner leurs armées; combien d'éxemples ne le démontrent-ils pas? Memnon n'en eft-il pas une preuve vifible? Le paffage du Granique, que celui-ci défendit contre Alexandre le Grand, marque-t-il la lâcheté des Perfes? Si Alexandre eût eu longtems un tel antagoniste, cette belle efpérance de la conquête de l'Afie eût été une vraie chimére. Le projet de Memnon étoit fi beau & fi fenfé, que s'il eût été fuivi, tout eût abouti au paffage du Granique, & peut-être Alexandre ne l'eût-il jamais traverfé. Laiffons là ces Perfes, & revenons aux Grecs. N'eurent-ils jamais que des Afiatiques à combattre? Ils ont fouvent trouvé des enne-mis, qu'ils appelloient barbares, qui les valoient bien, & qui valoient plus même du côté de la valeur, ou tout au moins le courage étoit pareil. Il n'y avoit de différence que dans les Généraux. Ceux des Grecs étoient très-habiles & très-profonds dans la tactique, ou dans l'art de fe ranger & de combattre, & les autres très-ignorans ; la méthode des premiers étant infiniment meilleure & plus profonde, il falloit qu'elle furmontât l'autre. Une favante difpofition accompagnée de l'avantage des armes, & de la difcipline, fuppléoit au défaut du nombre & de la valeur.

Ceux, qui ne font cas des guerres qu'à proportion du nombre des troupes qui combattent de part & d'autre, & qui dédaignent toute guerre qui n'eft pas groffe, & qui ne leur préfente que de petits objets, feront fervis très-abondamment, & felon leur goût, dans celle-ci. Le prodigieux nombre de troupes & de vaiffeaux, qui combattirent des deux côtés, eft à peine croiable. Ce qu'il y a de plus furprenant, c'eft que deux fi nombreuses flottes ne fuffent compofées que des feules forces des deux Républiques. Carthage étoit affez puiffante pour fournir à cette dépense: mais que Rome ait pû mettre une telle puiffance en mer, & fe mefurer avec Carthage en fait de marine, cela furprend. Les Romains étoient fi pauvres & fi peu confiderables en ce tems-là, qu'on ne peut concevoir comment, & par quels moiens ils ont pû dreffer une flotte fi formidable de navires de guerre & de charge équipés de tout point; mais ce qui m'étonne le plus, c'eft que cette République montée au plus haut point de fa gloire & de fa grandeur, n'ait jamais pû pouffer auffi loin fes forces navales; c'eft ce qui fait auffi l'étonnement de Polybe, qui vécut affez pour voir Rome dans les deux extrémités opposées, c'est-à-dire devant & après la feconde guerre Punique. J'avoue que les Perfes ont combattu avec de plus grandes forces à la bataille navale de Salamine; mais fi l'on fait attention à la puiffance & aux richesses prodigieufes de ces peuples, & au nombre de leurs alliés, on n'aura aucun lieu d'être furpris qu'ils aient pû dreffer une flotte de 1207. vaiffeaux de guerre, fur laquelle on comptoit plus de 500000. hommes d'équipage; mais ce qui confirme ici la vérité que je viens de prou ver, c'est que cette fameufe flotte fut battue par une autre de 271. navires: quoique très-inférieure en nombre, elle l'emporta fur celle de Xerxés, par l'adreffe & l'intelligence des Généraux, & le courage des troupes, dreffées & expérimentées aux combats de mer. Les Généraux, qui ne se croient jamais affez forts, apprendront de là,

que

que dans les batailles rangées, la valeur foutenue de la fupériorité du nombre, eft de peu de conféquence contre un Chef d'armée foible, mais habile & éclairé, qui oppofe une difpofition plus favante & plus rufée à fon ennemi. On ne fauroit attribuer la défaite des Carthaginois à leur foibleffe, puifqu'ils étoient infiniment fupérieurs aux Romains, ni au défaut de courage & d'expérience, ils ne manquérent jamais de ce côté-là, mais feulement dans la difpofition de leur ordre de bataille.

§. VI.

Motif de la bataille. Ordonnance des deux armées. Fautes des Amiraux
Romains, quoique victorieux.

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Ette fameufe action fe paffa entre Héraclée & Ecnome. Notre Auteur nous apprend que le but des Romains étoit de paffer en Afrique, & d'en faire le théatre de la guerre, afin que les Carthaginois n'enflent plus la Sicile à défendre; mais eux-mêmes, & leur propre pais. Le Sénat de Carthage jugea affez par les grands préparatifs des Romains, qu'ils en vouloient à l'Afrique. L'entreprife n'étoit pas difficile. La fameufe diverfion d'Agatocles leur étoit affez préfente. Celle des Romains leur fembla bien plus à craindre & plus redoutable, ils n'avoient aucune frontiére, ni aucune place qui couvrit Carthage; toutes ces raifons les déterminérent à des efforts conformes aux maux qui les menaçoient. Ils fongérent à éloigner les Romains de leurs côtes, & de les aller combattre fur celles de la Sicile.

Les Romains ne dûrent pas être fâchés d'engager un combat loin du voisinage de l'Afrique, où tout leur étoit ennemi, & où ils n'avoient ni parti ni intelligence: car fi la fortune leur eût été contraire, leur retraite en Sicile devenoit très-difficile & très-dangereufe, & leur perte manifefte.

L'ordre de bataille des Romains eft très-aifé à comprendre, quoique moins fimple, , que celui des Carthaginois. Il me paroît profond, mais bien hazardeux, & fujet à de grands inconvéniens. Il n'étoit propre que dans une mer calme & tranquille. Cet ordre avoit été prémedité & concerté dans le cabinet entre les deux Confuls, au cas que le tems le permit. Il fe trouva conforme à leurs defirs, le moindre vent eût dérangé toute l'économie de l'ordre, & la confufion n'eût pas manqué de s'y mettre. Cet ordre eût fans doute été différent, fi la mer n'eût pas été calme. La prudence demande que l'on prenne fes mefures de loin, afin que quelque changement qu'il arrive au tems & aux conjonctures, on ne foit pas obligé à cet aveu, plus honteux au Général d'armée qu'au fage, je n'y avois pas pensé.

On a cet avantage dans la guerre de mer, que l'on peut fe former un plan de conduite prefque certain pour toute la campagne; ce n'eft pas la même chofe fur terre, il eft difficile d'y établir rien d'affuré, parce qu'elle eft fujette à de plus grandes variations & à des précautions incommodes, par la différence des lieux & des païs. Un Général y eft obligé de changer autant de fois fes ordres & fes mouvemens, qu'il voit de différence dans les lieux où il campe, où il marche, & où il combat. Pour cela quel coup d'œil, quelle capacité, quelle expérience, quelle fcience des grandes manœuvres ne faut-il pas? Ajoutez l'attention & l'inquiétude où il eft pour fes vivres, & pour les places d'où il les tire. Mais dans la guerre de mer, bien que les vents ne foient pas toujours favorables à nos deffeins, à moins qu'ils ne foient tout à fait contraires, l'on forme fon ordre de bataille, & l'on combat felon le fyftéme qu'on s'eft propofé dans le cabinet, fans y changer beaucoup, parce que la mer eft toujours autant pour l'un que pour l'autre. Un Amiral fe trouve peu embaraffé fur fa difpofition. Les

voiles fe tournent; mais dans la guerre de terre on ne fuit pas toujours la route qu'on s'eft propofé de tenir.

Les Romains avoient leur droite vers la côte, & les Carthaginois leur gauche. L'ordonnance des premiers paroîtra fans doute finguliére, & elle l'eft en effet. Les obfervations que nous allons faire fur cet ordre, donneront une idée fort avantageufe de l'habileté & de l'expérience des Amiraux Romains, & feront voir qu'ils redoutoient bien moins le nombre & le courage de leurs ennemis, que la légéreté de leurs bâtimens.

que

Ce qui les détermina à hazarder cet ordre de bataille, qui n'avoit guéres d'exemples fur mer, c'eft leurs navires n'étoient ni fi fins, ni fi légers aux manœuvres que ceux des Carthaginois. Ils craignirent encore: que fe formant fur plufieurs lignes, felon la coûtume ordinaire, (car en ce tems-là, comme aujourd'hui, on n'avoit guéres qu'une méthode,) les ennemis ne les doublaffent à caufe de leur nombre, & ne fe coulaffent entre-deux en même tems fans pouvoir les éviter. Ils penférent encore à fe ranger de telle forte qu'ils pûffent faire front de tous côtés, de peur que les Carthaginois, qui étoient en beaucoup plus grand nombre, ne les doublaffent ou ne gagnaflent les côtés: outre que par cet ordre ils fe mettoient en état de faire ufage de leurs corbeaux, & par conféquent d'attirer les Carthaginois à l'abordage.

Ils formérent leur premier ordre (2) en figure triangulaire, la ligne (3) oppofée à l'angle en formoit la bafe. Ce triangle étoit foutenu & flanqué d'une ligne de vaiffeaux de charge (4) qui s'étendoient fort au loin des deux côtés, & fur lesquels on avoit embarqué les troupes de débarquement. Ces navires de charge étoient encore foutenus d'une autre ligne (5) qui débordoit, & s'étendoit bien au-delà de celle qui la précédoit. Voilà en peu de mots l'ordonnance de l'armée Romaine.

Outre les raifons qu'ils eurent de fe ranger ainfi, ils craignoient extrêmement les rufes Africaines; ils crurent obliger par là leurs ennemis à les abandonner, & à mettre toutes leurs efpérances dans le nombre de leurs troupes & dans leur propre courage c'eft fur quoi les Confuls comptoient le moins, ils fe trompoient peut-être.

Ils étendirent autant qu'ils pûrent les Triaires, (c'eft le terme dont l'Auteur fe fert pour fignifier le dernier ordre,) non feulement dans le deffein de couvrir leurs vaiffeaux de charge, mais encore pour s'empêcher d'être doublés & envelopés, & voir d'un coup d'œil ce qui fe paffoit à la premiére flotte (2) pour la fecourir au befoin; car quoiqu'elle fe foutînt par elle-même, & que la bafe ou la ligne (3) pût également fe porter par tout par là chaque ligne fe foutenoit réciproquement.

On peut voir, par toute cette difpofition, qu'ils obligeoient l'ennemi à attaquer avec plus de mefures, & à mettre leur principal à cette premiére tète; car bien que les Carthaginois furpaffaffent, ou débordaffent les Romains à leurs ailes, il leur étoit moins aifé de doubler & d'enveloper le tout, que fi les Romains fe fuffent rangés dans l'ordre ordinaire de bataille. Leur droite (6) qui tenoit prefque à la côte, étoit plus difficile à embraffer & à ceindre que leur gauche (7). Il falloit des forces doubles pour attaquer le tout enfemble. Cet ordre de bataille me paroit beau & profondément médité contre un ennemi fupérieur, par rapport au tems & à la nature des bâtimens, qui n'étoient autres que des galéres, à qui toute difpofition & toute figure eft propre dans une mer calme & unie. Ce qui me confirme dans mon opinion, eft l'ordre de bataille de l'armée Venitienne contre celle des Turcs auprès de la Canée en 1647. dont il m'eft tombé une eftampe gravée entre les mains. Les Venitiens, qui ne fe battirent pas par le peu de réfolution de leurs Généraux, formérent un triangle de leurs galéres, dont la

Tom. I.

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