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Αντώ

1749. le premier. On attribue d'ordinaire la qualité de ces vins au climat & à la nature du terroir; mais je crois que la culture & la façon qu'on donne aux vignes, y a pour le moins une auffi grande part. Voici ce que j'ai vû pratiquer aux environs de Sainte-croix. On fait choix des collines qui font à une exposition avantageufe du midi, négligeant toutes les autres on en cultive la partie la plus basse, jusqu'à la hauteur de deux cens pieds au plus. Sur tout le terrein destiné aux vignes, on élève de petits murs à hauteur d'appui, à la distance de quatre à cinq pieds les uns au-dessus des autres. Ces murs fervent à plufieurs fins; car premierement, en arrêtant les terres, ils empêchent les vignes d'être déchauffées ; en fecond lieu, ils retiennent les eaux des pluies, qui fans cela auroient coulé fur la terre fans la pénétrer; enfin, ils augmentent de beaucoup la réflexion des rayons du foleil, & procurent aux feps une plus grande chaleur. Il eft vrai que comme ces murs font faits de pierres feches, c'est-à-dire, fymmétriquement arrangées fans mortier ni torchis, il s'en écroule quelquefois dans les groffes pluies; mais le mal eft bientôt réparé : on peut même le prévenir, en faifant régner au-deffus du mur le plus élevé, un cordon de groffes pierres un peu incliné, pour rompre la force des eaux & les détourner. Il me femble que cette pratique pourroit être fuivie en Italie, & même en Provence, dans le Languedoc, & dans les autres provinces méridionales de la France, par des particuliers qui poffédent des terreins montueux dont ils ne fçavent que faire. Par ce moyen ils mettroient en culture bien des collines, que leur rapidité a fait négliger, & ils

en retireroient de grands avantages, fur-tout fi elles font dans une bonne expofition.

1749.

Avril.

fommet des

Le revers de ces montagnes, le côté qui regarde le nord, eft aride & inculte. Il ne préfente à la vûe qu'un amphithéatre de rochers nuds, d'un gris d'ardoise, & taillés en parallelipipèdes verticaux, de fix à huit pieds de hauteur fur trois à quatre de largeur, dont les angles font fort tranchans: on diroit autant de précipices élevés les uns au-deffus des autres. Lorsqu'on eft par- Vue fur le venu au fommet, on eft ravi tout d'un coup par un montagnes. point de vûe qui n'est borné que par l'horison de la mer: on fe trouve bien au-dessus des nuages, au travers defquels on apperçoit, à douze lieues dans le fud, la Canarie & les illes voifines. On eft auffi étonné de ce qu'au lieu de marcher fur de la terre, on ne trouve fous fes pieds que des cendres, des ponces & des pierres brûlées, dont on rencontre encore en defcendant des morceaux difperfés çà & là, mais dont la plus grande partie a été entraînée au pied des montagnes, & même jufques au bord de la mer.

pierres.

Dans les endroits où la terre étoit ouverte, je Nature des voyois au-deffous des ponces, une pierre en groffes masses, de couleur d'ardoife, & pareille aux rochers découverts que j'avois remarqués fur la croupe des montagnes. Cette pierre a une reffemblance fi parfaite avec les pierres fondues le feu des volcans, & la par comparaison que j'en ai faite avec les laves que M's de Juffieu ont reçu non-feulement des volcans d'Italie, mais même de celui de l'ifle Bourbon & de plufieurs autres, établit cette reffemblance de maniere que je ne crois pas qu'on puiffe ni qu'on doive lui donner un

1749% Avril.

Sources

d'eau.

Troupeaux.

autre nom. J'ai obfervé la même chofe dans les ravi→ nes, & dans la carriere qu'on a creusée aux environs de Sainte-croix : on y trouve la même pierre au-dessous d'un lit fort irrégulier de pierres brûlées. On la coupe par quartiers pour l'ufage des bâtimens. L'inspection extérieure & intérieure de ces montagnes, les laves dont elles font entierement formées, & toutes les pierres brûlées qui font répandues jufques dans le lit de la mer, ne me laissent aucun lieu de douter que chacune des montagnes qui compofent l'ifle Ténérif, ne doive fon origine à un volcan particulier, qui s'est éteint après l'avoir travaillée intérieurement, comme l'eft encore aujourd'hui le Pic, cette énorme montagne dont le feu fe manifefte de tems en tems.

Il n'y a point de riviere dans cette isle à cause de fon peu d'étendue. Les habitans y fuppléent par des canaux creusés dans des troncs d'arbres, qui communiquent à des fources forties à mî-côte des montagnes: de-là l'eau eft portée dans la ville, qui en eft diftante d'une demi-lieue. Comme cette eau est assez dure & crue, ils font dans l'usage de la filtrer au travers d'une pierre qui eft fort commune dans leurs carrieres. C'est une espece de lave couleur de fuye, qui tient le milieu entre la densité de la lave grise, & la porofité de la ponce.

L'heureuse température de Ténérif, & la bonté des pâturages, contribuent beaucoup à l'excellence des beftiaux qu'on y nourrit. On y voit de beaux troupeaux de boeufs, & des chevreaux d'un goût exquis: es moutons font moins communs. On y élève des volailles de toute efpece; mais le gibier, fur-tout en

les

Avril.

oiseaux, y est fort rare. J'ai remarqué que le ferin qui 1749. devient tout blanc en France, est à Ténérif d'un gris Serin de coupresqu'aussi foncé que celui de la linotte. Ce change- leur grife. ment de couleur provient vraisemblablement de la froidure de notre climat.

ter que

Ténérif

La paffion que j'avois pour herborifer me fit regret Plantes de la faifon fût fi peu avancée. La plupart des plantes particulieres à ce pays, étoient encore cachées dans le fein de la terre: néanmoins mes recherches ne furent pas tout-à-fait infructueufes. Je trouvai encore fur le bord de la mer deux efpeces de glacées (1), autrement appellées ficoides; le jafminoides (2) laiffoit pendre du haut des précipices & des ravines, fes branches chargées de fruit en maturité; & le glayeul de Provence (3) ornoit les vallées & les prairies de fes fleurs. Je m'apperçus en courant les montagnes, que les plantes qui leur étoient particulieres, affectoient une certaine hauteur. Le kleinia (4), par exemple, & quelques plantes nouvelles, que je me propofe de faire connoître, en occupent conftamment la partie inférieure, celle où fe font communément les plantations

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Ficoidea procumbens, portulaca folio. Niff. Mem. Acad. 1711. pag. 322. pl. 13. fig. 1.

1.

Aizoon foliis cuneiformi-ovatis, floribus feffilibus. Linn. Hort.
Upf. pag. 127.

Ficoides noftras, kali folio, flore albo. Tournef. Mem. Acad. 1705.

pag. 241.

Mefembryantheumm foliis alternis, teretiufculis obtufis, ciliatis.
Linn. Hort. Upf. pag. 129.

(2) Jasminoides Africanum, jasmini aculeati foliis, & facie. Niss. Mem. Acad. 1711. p. 320. pl. 12. fig. 1.

(3) Gladiolus utrinque floridus, flore rubro. C. B. p. 41.

(4) Kleinia foliis lanceolatis planis, caule lævi, ventricofo. Linn. Hort. Cliff. p. 395.

1749. Avril.

Beauté du climat,

15.

Tenérif.

de vignes. Dans la partie moyenne, on ne voyoit que le titimale arbrisseau (1); enfin, leurs fommets étoient couverts de forêts d'euphorbe (2), dont les tiges de douze à quinze pieds de hauteur, m'avoient paru d'enbas, comme une verte pelouse d'une herbe très-fine. L'euforbe & le titimale étoient pour lors en fleurs, & environnés de plufieurs efpeces de liferons, qui ferpentoient autour de leurs tiges. Je ne trouvai dans mes promenades qu'une efpece de coquille terreftre, dont on verra la description & la figure dans l'Hiftoire des Coquillages, qui fuit cette relation (3).

Je ne me laffois point d'admirer la beauté de ce pays. La douceur d'un climat où il ne gêle jamais, la fituation avantageufe de l'ifle, la variété de ses productions, tout cela avoit pour moi des attraits infinis ; & j'y euffe refté plus long-tems fi les circonftances l'euffent permis. Mais la faifon s'avançoit, nos provifions d'eau & de vivres étoient faites, il falloit nous rendre au lieu de notre destination.

Nous levâmes l'ancre le 15 avril, & nous quittâmes Départ de l'ifle Ténérif après huit jours de relâche. Les vents alifés de N-E. affez modérés pour ne pas trop élever la mer, nous permirent de voguer tranquillement jufques fous les tropiques. Là les jours clairs & fereins, & les grandes chaleurs nous firent connoître que nous avions changé pour la troisième fois de climat : l'hiver, le printems, l'été & la canicule; nous avions éprouvé

(1) Tithymalus dendroides linariæ foliis ex infulâ Canarinâ. Pluk. Phyt. tab. 319. fig. S.

(2) Euphorbia aculeata nuda fubquinquangularis, aculeis geminatis. Linn. Hort. Cliff. pag. 196.

(3) Limaçons univalves. Genre 5. planc. 1. fig. 2. Pouchet.

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