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1749.

trêmement frais; mais il n'y auroit aucune fatisfaction de s'y arrêter pour ce feul avantage. Ses rochers fer- Septembre. vent de retraite à un nombre infini de pigeons ramiers naturels au pays, & qui ne différent de ceux d'Europe qu'en ce qu'ils font d'une délicatesse & d'un goût plus exquis.

negres.

te ifle.

J'ai dit ailleurs que les nègres font négligens & Parefle des paresseux à l'excès: en voici une nouvelle preuve. M. de Saint-Jean avoit fait planter fur cette isle des batates, afin d'engager les nègres du voifinage qui y viennent fréquemment, à en continuer la culture & à les multiplier, pour les vendre enfuite à la Compagnie: ils y étoient venus en effet quelques jours avant nous, & avoient enlevé les batates, fans fe donner la peine d'en repiquer les branches, que nous trouvâmes hors de terre & defféchées par les ardeurs du soleil. Les plantes les plus remarquables de cette ifle, Plantes de cetétoient les mêmes que j'avois obfervées à Gorée. Dans le bas on voyoit plufieurs efpeces nouvelles de fpermacoce, & un helianthemoides, que les françois appellent falade-de-matelots, parce qu'ils en mangent les feuilles comme le pourpier, dont elles ont le goût, Plus haut fe trouvoient les corchorus (1), & plufieurs liferons à feuilles découpées. Le fommet de la montagne étoit rempli d'un grand nombre d'arbrisseaux, tels que les ricins, les tapia (2), & les caffes puantes, parmi lesquels croiffoient abondamment le dracunculus (3), l'ornithogalum à fleurs vertes, & une fort

(1) Corchorus five melochia. J. B. 2. 982.
(2) Tapia arborea triphylla. Plum. gen. pag. 22.

(3) Arum polyphyllum ceylanicum; caule fcabro, viridi diluto, ma

culis albicantibus notato. Comm, Hort. amft, vol. 1. tab. 52.

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1749. jolie efpece d'amarante (4): enfin l'orceille couvroit Septembre. les rochers les plus expofés. Il y avoit auffi quelques

pains-de-finge de cinq à fix pieds de diametre: ils portoient tous des noms d'Européens, dont les caracteres étoient gravés profondément dans leurs écorces. Nous ne voulûmes pas contrevenir à la coutume; chacun fit fa marque fur ces arbres. Pour moi je me contentai de renouveller deux de ces noms qui étoient affez anciens pour en mériter la peine : l'un datoit du quinziéme & l'autre du feiziéme fiécle. Ces caracteres avoient environ fix pouces de longueur, mais ils n'occupoient en largeur qu'une très-petite partie de la circonférence du tronc, d'où je jugeai qu'ils n'avoient pas été graVieilleffe des vés dans la jeuneffe de ces arbres. Au refte, ces infcriparbres appel- tions fuffifent, ce ine femble, pour déterminer à peu près à quel âge peuvent arriver les pains-de-finge; car fi l'on fuppofe que ceux dont il eft queftion ont été gravés dans leurs premiers ans, & qu'ils aient grossi de fix pieds dans l'efpace de deux fiécles, on peut calculer combien il leur faudroit de fiécles pour parvenir à vingt-cinq pieds, qui eft le dernier terme de leur groffeur.

lés pains-deinge.

Après avoir refté trois jours à herboriser agréablement fur l'ifle de la Magdeleine, & à observer les beaux coquillages qu'elle produit, nous nous rendî2 Octobre, mes à Gorée, d'où je partis le 2 octobre pour l'ifle du Sénégal. Les vents contraires de N-E. me retinrent line du Sé- dix jours en mer, qui m'auroient infiniment ennuyé s'ils ne m'euffent procuré une obfervation intéressante.

Départ de

négal.

(1) Amaranthus verticillatus minor, Bengalenfis ferpylli foliis incanis. Pluk. Phytogr. tab. 10. fig. 3.

que

1749. Octobre. Hirondelles

Le 6 du même mois à fix heures & demie du foir, nous étions à cinquante lieues environ de la côte, lorfque quatre hirondelles vinrent chercher gîte fur le de passage. bâtiment, & fe repoferent côte à côte fur les échelons des haubans. Je les pris facilement toutes quatre, & les reconnus pour être les vraies hirondelles d'Europe. Cette heureuse rencontre me confirma dans le foupçon que j'avois formé, que ces oiseaux paffoient les mers pour gagner les pays de la zone torride, dès l'hiver approchoit : en effet j'ai remarqué depuis, qu'on ne les voit que pendant cette faison au Sénégal, avec les cailles, les bergeronettes, les écouffes & quelques autres oifeaux de paffage qui toutes les années s'y rendent lorfque le froid les chaffe des pays tempérés de l'Europe. Un fait qui n'eft pas moins digne de remarque, c'eft que les hirondelles ne nichent pas au Sénégal comme en Europe: elles couchent toutes les nuits deux à deux, ou folitairement, dans le fable fur le bord de la mer, où elles habitent plus volontiers dans le cœur des terres.

que

lans.

Je fus encore diftrait de la longueur de cette tra- Poissons voverfée par les divertiffemens que me donnoient les poiffons volans. C'étoit alors leur faison : la mer en étoit, pour ainfi dire, couverte. Leur groffeur est égale à celle du goujon ou du merlan. Ils ont deux nageoires prefqu'auffi longues que tout le corps, & qui leur fervent d'aîles pour voler au-deffus de l'eau. Les dorades & les bonites font d'autres poiffons qui en font trèsfriands: ils leur faifoient alors la chaffe, & l'on voyoit à chaque instant de petites nuées de poissons volans, qui s'élevoient au-dessus de l'eau pour éviter ces cruels

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Octobre.

12.

Arrivée à l'ifle

ennemis, & couper en même tems leur route. Comme ils ne fe foutiennent en l'air qu'autant que leurs aîles font humides, leur volée étoit courte, & beaucoup de ceux qui s'étoient élevés par-deffus le navire tomberent : nous en fimes une capture très-abondante fans autre artifice. J'en mangeai quelques-uns que je trouvai très-délicats & de bon goût.

y re

Lorfque j'arrivai à l'ifle du Sénégal le 12 octobre, du Sénégal. les arbres, les campagnes, & les prairies fe reffentoient également de la vigueur de la faison que les pluies avoient amenée : on ne voyoit qu'une verdure agréable qui avoit fuccédée à une féchereffe affreufe. Les pluies avoient ceffé: les eaux du Niger qui commençoient à décroître, devoient rendre la route de Podor plus praticable. Je ne pouvois faifir un tems plus favorable à mes recherches fur les bords du fleuve : je penfai donc à faire une feconde fois ce voyage. Je fçavois bien que les vents qui ne font les vents qui ne font pas ordinairement bons dans cette faifon, me feroient faire de petites journées. J'en augurois avantageufement pour les travaux que je me propofois; & je m'embarquai le 23 du même mois. C'eft l'ordinaire les bâtimens que ge à Pudur. qui fe disposent à faire ce voyage, fe fournissent de bois vis-à-vis la pointe de l'ifle Bifêche, dans une ifle qui a retenu depuis le nom de l'ifle au Bois, à une petite lieue de celle du Sénégal. On s'y arrêta dans un fort joli quartier, où le bateau entra facilement au milieu des mangliers, & fe trouva fous un couvert de verdure très-agréable. Pendant que l'on fit la provifion, je descendis sur cette ifle dont le terrein inondé n'étoit qu'un marais & un bourbier continuel. Je fen

23. Second voya

fois de tous côtés une odeur gracieuse, dont je ne devinai la cause que lorfqu'en pénétrant dans le bois, j'arrivai, ayant de l'eau jufqu'à mi-jambe, dans un lieu que je vis tout couvert d'une efpece de boulette différente de celle d'Egypte. Elle étoit alors en fleurs, & répandoit une odeur extrêmement flatteuse.

pas

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Octobre.

remonter le

ce mois.

Depuis cet endroit jufqu'au village de Maka, les Difficultés à deux bords du Niger font tellement couverts de man- Nigerpendant gliers, qu'il eft impoffible aux gens de pied d'y marcher. Comme les vents nous manquoient, les laptots furent obligés de haler le bâtiment à la cordelle, ayant de l'eau jufqu'à la ceinture, & quelquefois davantage. Les premieres journées furent de cinq ou fix lieues jusqu'à ce qu'on eût gagné l'escale des Maringoins parce que le fleuve court prefque nord & fud jufques-là, & que les vents ne furent tout-à-fait contraires : mais depuis cet endroit jufqu'à Podor, fa direction change de l'ouest à l'est, & l'on eut bien de la peine à faire trois lieues par jour. Tantôt c'étoit un platon (1) qui nous arrêtoit: tantôt les arbres qui bordent le fleuve empêchoient de haler à la cordelle; & l'on paffoit une bonne partie du jour à touer le bâtiment (2). Ces difficultés me donnoient le tems & les moyens de prendre connoiffance du pays.. Je defcendois à terre matin & foir : je pénétrois les bois; je traverfois les marais & les campagnes, herborisant & chassant : jamais je ne retournois les mains vuides; ici c'étoit une plante, un infecte qui m'arrêtoit; là c'étoit

(1) Banc de fable élevé fur le fond de l'eau.

(2) C'est tirer le bâtiment par le moyen d'un cordage que l'on attache à un arbre, ou à un ancre qu'on laiffe tomber au fond de l'eau.

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