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terme de Bivalves, dont les modernes fe fervoient pour défigner indifféremment ces deux familles, les Bivalves & les Multivalves, il m'a fallu faire un terme qui revînt à celui de Concha d'Ariftote, de Pline & des anciens : j'ai cru que celui de Conque pourroit rendre ce terme, en lui confervant toute fa force & fon étendue, c'est-à-dire, en lui laissant comprendre les Multivalves avec les Bivalves: par-là j'ai évité toutes les idées & les dénominations fauffes qu'occafionnoient le terme de Bivalve lorfqu'il tomboit fur un coquillage de plus de deux pieces, comme fur une Pholade, & celui de Multivalve qui pouvoit s'appliquer également à certaines efpeces de vers à pinceaux, tels les Glands-de-mer, les Conques Anatiferes, &c. qui font exclus de cette famille par le terme Concha des

anciens.

que

Nos Coquillages feront donc diftingués en Limaçons & en Conques. Les Limaçons feront divifés en Univalves & en Operculés, & les Conques en Bivalves & en Multivalves. Voilà nos quatre familles générales, qui feront encore elles-mêmes fous-divifées en plufieurs autres familles fubalternes. Paffons actuellement à la maniere dont chacune de ces parties fera

traitée.

Les caracteres dont je me fervirai pour distinguer les familles fubalternes, feront pris de la pofition des yeux dans les Limaçons, & de la figure des trachées dans les Conques; les autres parties feront employées pour caractériser les genres, & la coquille me guidera pour l'ordinaire dans la distinction des efpeces & des variétés. J'avertis ici que j'aurois pû prendre les ca

que

racteres des familles fubalternes de toute autre partie de la fituation des yeux : j'ai préféré celle-ci, parce que, quoique fujette à varier, elle est encore plus conftante que les autres, qu'elle est facile à appercevoir, & qu'elle s'oppose moins à la réunion des Coquillages qui ont entr'eux le plus d'analogie.

Dans un art nouveau, & il en eft de même d'une science tirée du fein de l'oubli, combien ne rencontret-on pas de difficultés quand il s'agit de se faire entendre? combien de termes ne faut-il pas inventer? J'ai fenti ces difficultés fur-tout quand il a été queftion de trouver des termes pour défigner des parties qui n'ont pas été beaucoup obfervées, & elles fe font préfentées d'autant plus fouvent, que notre langue a été abandonnée, fur cette matiere, par les langues anciennes, qui n'en ont que peu ou point du tout traité. Je donnerai ci-après dans un article féparé, les définitions avec l'explication & l'ufage de ces parties, afin de n'être pas obligé de les répeter à chaque defcription, & je rendrai raison, par-tout où il fera néceffaire, des noms dont j'aurai été obligé de me fervir.

A l'égard des noms que j'assignerai aux especes de Coquillages inconnues ou anonymes, voici la règle que je me fuis prescrite: je donnerai d'abord un nom fimple & unique à un genre, ou, ce qui revient au même, à la premiere efpece d'un genre; & lorfqu'il y aura plufieurs efpeces, j'ajouterai à ce nom générique, un nom fpécifique, particulier & propre à chacune des efpeces fuivantes. En cela je ne dérogerai point à la coutume reçue chez prefque toutes les nations Européennes, de donner aux peres de famille

un nom que leurs enfans prennent auffi, pour faire connoître qu'ils defcendent de telle ou telle famille; mais en ajoutant à ce nom de famille un nom de terre ou de poffeffion, ou tout autre nom arbitraire, pour distinguer les enfans les uns des autres: c'est ainsi que Martin, par exemple, ayant quatre enfans, appelle l'un Martin du moulin, l'autre Martin du foffé, le troifiéme Martin de l'étang, & le quatriéme Martin de la fauffaie; & il auroit trouvé deux cens noms pareils, s'il eût eu deux cens enfans. Je me conformerai à cet ufage d'autant plus volontiers qu'il s'accorde avec le génie de toutes les langues connues & qu'il ne peut caufer aucun embarras lorfqu'on veut réunir ou diviser deux ou plufieurs genres différens. Prenons pour exemple quelque genre de plante connue, comme l'oranger. Un Auteur qui, à l'exemple de M. Linnæus, rangera fous le même genre l'oranger, le citronier, le limonier, &c. nommera la premiere efpece Oranger fimplement, la feconde Orangercitronier, & la troifiéme Oranger-limonier; un autre Botaniste qui regardera ces trois efpeces comme trois genres différens, appellera l'un Oranger, l'autre Limonier, le troifiéme Citronier, & ainfi de fuite: parlà on évitera toute confufion, & chacun aura la liberté de réunir ou divifer les genres & les efpeces fuivant fes idées, fans être obligé de forger à chaque instant de nouveaux noms auxquels ne peuvent fuppléer les phrases des nomenclateurs, ou de changer les noms réels & primitifs de chaque chofe.

Rien de plus préjudiciable à nos connoissances que ces changemens de noms : nous devons conferver les

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anciens, fur-tout ceux qui paroiffent fort bons, & qui ont été adoptés par les maîtres de l'art. Ceux qui étudient la Botanique & qui ont fait quelques progrès dans cette science, ne fçavent que trop quel embarras çaufent aujourd'hui ces termes nouveaux qu'on a voulu fubftituer aux anciens, peut-être autant pour faire oublier leurs auteurs refpectables, que pour réduire cette fcience à une nomenclature dont tous les termes exprimassent quelque caractere de chaque plante. Ce projet, beau dans la spéculation, nuifible dans la pratique, impoffible dans l'exécution, opérera fans doute un jour un avantage, en ce qu'il nous fera fentir la néceffité de recourir aux termes des anciens ; il nous fera lire leurs ouvrages, & nous y verrons avec étonnement quel abus quelques modernes en ont fait, en employant, fans choix & fans réserve, des noms confacrés pour exprimer des chofes fort connues, que les nouveaux noms rendent aujourd'hui comme étrangeres aux gens même les plus confommés dans cette fcience. L'expérience nous apprend que la plupart des noms fignificatifs qu'on a voulu donner à différens objets d'hiftoire naturelle, font devenus faux à mefure qu'on a découvert des qualités, des propriétés nouvelles ou contraires à celles qui avoient fait donner ces noms; il faut donc, pour se mettre à l'abri des contradictions, éviter les termes figurés, & même faire enforte qu'on ne puiffe les rapporter à quelque étymologie, afin que ceux qui ont la fureur des étymologies ne foient pas tentés de leur attribuer une idée fauffe.

Il en doit être des noms comme des coups des jeux

de

de hazard, qui n'ont, pour l'ordinaire, aucune liaifon entr'eux : ils feront d'autant meilleurs qu'ils feront moins fignificatifs, moins relatifs à d'autres noms, ou à des chofes connues; parce que l'idée ne se fixant qu'à un seul objet, le saisit beaucoup plus nettement que lorfqu'elle fe lie avec d'autres objets qui y ont du rapport. Ils doivent être courts & dans le goût de la langue dans laquelle on écrit. C'est auffi la méthode que j'ai fuivie : j'ai tâché de n'en prendre que de doux, & fur-tout de les faire les plus courts qu'il a été poffible, en fuivant les règles des terminaisons françoises & le génie de notre langue. Il n'est pas douteux que la plupart de ces noms nouveaux paroîtront d'abord mal fonans, durs & fouvent inintelligibles; que ceux même qui feront goûtés par tels & tels connoiffeurs, feront rejettés par d'autres perfonnes auffi judicieuses. Tel eft le fort des nouveaux termes, & je m'attends que ceux-ci l'éprouveront : cependant ces noms deviendront par l'ufage auffi familiers & auffi fignificatifs que les anciens, & je fuis perfuadé fi l'on fait attention aux avantages qui en que doivent réfulter, on me paffera facilement ceux même qui pourroient paroître négligés.E

Le dernier abus que l'on doit éviter dans les noms c'est leur double emploi ; & l'on ne fçauroit trop blâmer ceux qui tranfportent à des chofes inconnues des noms déja donnés à d'autres objets, défaut qui fe rencontre dans tous les ouvrages faits avec précipitation, fans foin, & fur-tout dans ceux des jeunes Auteurs qui ont négligé la lecture des anciens. Cet article, un des plus importans dans l'histoire naturelle, mérite

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