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arrangemens ou leurs méthodes, nous y verrons partout les genres confondus, des coquilles terreftres mêlées indistinctement avec des coquilles marines, & réciproquement celles-ci avec des terreftres, des operculées avec des coquilles fimples, & souvent même des portions de bivalves avec des univalves; nous y verrons des variétés fans nombre, des variétés d'âge & de fexe, fe métamorphofer & prendre le nom d'efpeces. Tels font les défauts communs à presque tous les Auteurs: c'est ainsi que la plûpart ont placé les Limaçons terrestres, coquillages fans opercule, avec des Sabots, coquillages marins operculés; les Rubans, autres coquillages terreftres, avec les Vis, & fouvent des Foffiles marins avec des coquillages d'eau douce. Ces exemples que l'on multiplieroit trop, fi l'on vouloit les citer tous, & dont l'erreur faute aux yeux des connoiffeurs, prouvent affez le peu de folidité & l'infuffifance des méthodes tirées des coquilles.

En effet tant que l'on ne confidérera que la forme des coquilles, ce vuide squelette, cette séche dépouille, feul objet que nous préfentent les cabinets, quand on ne les regardera que par un côté, que par une partie, l'ouverture par exemple, on fera toujours fujet à marier ensemble des coquilles fort différentes, comme font celles qui n'ont point d'opercule, avec celles qui en font pourvues. Ce défaut naît de la difficulté qu'il y a de trouver les coquilles avec cet opercule lorsqu'on ne les pêche pas immédiatement dans la mer, & de ce qu'on le rencontre rarement dans les collections des cabinets, chose cependant d'une plus grande importance qu'on ne fe l'eft imaginé jufqu'ici, pour

pour la distinction des coquillages. Une autre difficulté qui empêche que l'on puiffe ranger les coquilles par leur figure feulement, & fur-tout par le contour de leur bouche ou de leur ouverture, c'eft qu'il y en a qui ont une forme particuliere dans leur jeunesse, & une autre dans leur vieilleffe; telles font la plûpart des Pourpres, dont la bouche ou l'ouverture à la lèvre tranchante, mince & fans dent pendant leur jeunesse, au lieu que dans leur vieillesse elle est épaiffe, dentée, & bordée d'un large bourrelet; fouvent cette même lèvre s'épaiffit de maniere qu'elle ferme prefqu'entierement l'ouverture, ne lui laiffant qu'une efpece de fente affez étroite; les différens fexes éprouvent aussi des variétés à peu près semblables. Qu’arrivera-t-il donc de là ? C'eft que de deux coquilles de même efpece, dont l'une fera jeune fans bourrelet, & l'autre vieille avec un large bourrelet, on mettra la premiere dans le genre des Buccins, & l'autre dans celui des Pourpres ; il en fera de même à l'égard des différences occafionnées par la différence du fexe; méprises dans lesquelles font tombés tous ceux qui n'ont confulté dans les Coquillages que leurs coquilles, & non les animaux qu'elles renferment : enfin, excepté la division générale & ancienne des coquilles en Univalves, Bivalves & Multivalves, ils ont mis cette fcience dans une confufion, dont il ne feroit pas poffible de la tirer, fans la connoiffance des animaux auxquels elles appartiennent.

Il y avoit donc dans les Coquillages quelque chofe de plus à confidérer que leurs coquilles ; l'animal qui les habite devoit nous guider dans nos arrangemens b

méthodiques, lui feul devoit nous fervir de regle, puifqu'il en eft la principale partie, celle qui donne à cette efpece de fquelette extérieur, la forme, la grandeur, la dureté, les couleurs, enfin tous les accidens que nous y admirons. Si nous examinons attentivement ce peuple nouveau & entierement oublié, fi nous confidérons en particulier chacun des êtres qui le compofent, nous découvrirons dans leurs mœurs, dans leurs actions, dans leurs mouvemens & dans leur maniere de vivre, une infinité de chofes trèscurieuses, des faits intéressans & capables de fixer l'attention d'un obfervateur avide & intelligent; nous appercevrons dans la structure de leur corps un grand nombre de parties auffi fingulieres par leur forme que par leurs ufages: en entrant enfuite dans les détails nous conviendrons que cette matiere demandoit à être traitée férieufement & non comme un jeu, étant auffi remplie d'épines & de difficultés qu'aucune autre partie de l'histoire naturelle.

C'est d'après cet examen & ces réflexions, que j'ai cru devoir travailler cet ouvrage fur un plan tout différent de celui qu'ont fuivi les anciens & les modernes. J'ai déja dit que leurs méthodes, bien loin de donner aucune lumiere fur la connoiffance des Coquillages, tendoient au contraire à nous écarter de la vraie route qu'il faut fuivre pour l'acquerir; & l'on verra par l'expofé que je vais faire de mon plan, que je ne dois rien aux uns & aux autres, puifque je n'ai pas emprunté la moindre de leurs idées.

D'abord je me déclare affez ennemi des fyftêmes, & je connois trop leurs défauts pour en admettre

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aucun, même dans cette partie où, ouvrant une carriere nouvelle aux amateurs de l'hiftoire naturelle, il me feroit auffi libre que facile d'en établir. C'est un principe duquel je ne m'écarterai point dans les autres parties de l'histoire naturelle du Sénégal que j'aurai à traiter après celle-ci. Je me contenterai de rapprocher les objets fuivant le plus grand nombre des degrés de leurs rapports & de leurs reffemblances : les defcriptions qui ferviront à établir cette reffemblance, feront auffi les preuves les plus folides fur lefquelles feront appuyées les raifons que j'aurai eu de les rapprocher. Ces objets ainfi réunis, formeront plufieurs petites familles que je réunirai encore ensemble, afin d'en faire un tout dont les parties foient unies & liées intimement. Je ne promets cependant pas que l'on trouvera par-tout cette liaison; c'est un avantage qu'on ne peut raifonnablement efpérer que dans ces ouvrages univerfels qui raffemblent tous les objets connus, & non dans ceux qui, comme celui-ci, n'offrent que les objets particuliers à un pays: je conviens, au contraire, que tous ceux dont je traiterai ne formeront pas une fuite complette, & ce n'étoit point mon but ; mais du moins ne ferons-nous point obligés d'admettre des liaisons forcées, auxquelles la nature ne fe prête point, telles que celles que l'on voit dans tous les fyftêmes : les corps que nous aurons réunis, ne pourront être féparés ou mariés d'une maniere auffi bizarre, que par ignorance, ou dans des méthodes auffi mal concertées. Si jusqu'à présent l'on avoit travaillé à découvrir dans les leurs corps faire de petites familles bien caractérisées, ce que quel

rapports,

à en

ques-uns appellent des familles naturelles, l'histoire de la nature feroit aujourd'hui moins embrouillée, beaucoup plus avancée, & l'on feroit moins embar1affé fur la place que doivent occuper tant d'êtres ifolés que l'on ne fçait où rapporter, faute d'en avoir fait des descriptions entieres & d'exactes comparaifons.

Cet ouvrage fera donc moins une méthode ou un systême, qu'une nouvelle maniere de confidérer les Coquillages: il n'y fera plus queftion de l'ancienne divifion en Univalves, Bivalves & Multivalves. J'ai apperçu quelque chofe de plus dans les Coquillages: j'ai reconnu que les animaux de ceux que l'on a appellés jufqu'ici Univalves, avoient un grand nombre de rapports généraux, une reffemblance générale; mais j'ai trouvé dans leurs coquilles mêmes de quoi diviser cette famille en deux : quelques-unes d'elles ont une petite piece qui fert à les boucher comme un couvercle, que j'appelle à cause de cela l'opercule, & qui caractérise la famille des Operculées que j'établis, celle qui fuivra immédiatement la famille des Univalves proprement dites. J'ai été obligé d'en agir de même à l'égard du terme de Bivalves, ne pouvant l'adopter dans le même fens que l'ont pris les modernes, parce que dans la famille des Bivalves dont les animaux ont les mêmes rapports généraux, il y en a dont les coquilles ont plus de deux pieces, c'est-à-dire, ne peuvent plus être appellées correctement Bivalves: j'ai divifé cette famille en deux, laiffant à la premiere, à celle dont la coquille n'a que deux pieces, le nom de Bivalve, & donnant à l'autre qui porte plufieurs pieces, celui de Multivalve. Après avoir employé le

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