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je fuis du bois dont on les fait. Vous avez raifon, répartit le maréchal; quand on en fera de bois vous y pourrez prétendre...... Je crois que cette expreffion vient d'un proverbe grec qu'Apulée attribue à Pythagore (G): Non è quovis ligno fiat Mercurius. Un tronc de figuier fuffifoit pour en faire la ftatue d'un dieu auffi groffier que Priape; mais il falloit un bois plus précieux pour Mercure, łe dieu des beaux arts. Regnier a traduit ce proverbe :

De tout bois, comme on dit, Mercure on ne façonne.

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95. Fumée, pluie, & femme fans raifon, chaffent l'homme de fa maifon.... Le P. Sanlecque démentoit ce proverbe, quant au fecond inconvénient. Le toit de la maison qu'il occupoit étoit délâbré, & toutes les fois qu'il pleuvoit, une partie de fa chambre fe trouvoit inondée. Alors, au lieu de déloger, il changeoit fon lit de place. En moins d'un an, il lui fit faire le tour de fa chambre, en cherchant toujours un endroit où il fût à l'abri de la pluie. Il compofa, dit-on, à ce sujet, une piece de vers intitulée, Les promenades de mon lit. Cette efpece d'infouciance lui auroit fait appliquer en Grece le proverbe cité par Apoftolius (G): Qui domí compluitur, hujus ne Deum quidem miferet,

96. Il a chié dans ma malle jusqu'au cadenas. Cette graffe hyperbole fe dit d'un homme dont on

grand fujet de fe plaindre, & qu'on ne veut plus voir.... Un Suiffe qui voyageoit en France, & ne favoit guère de françois, fe trouva dans une auberge avec un homme de fa connoiffance, qui chia phyfiquement dans fa malle. Quelque tems après, on vint à parler de cet homme; & quelqu'un difant qu'il lui déplaifoit fouverainement, & qu'il avoit chié dans fa malle: Morbleu ! reprit le fuiffe, ce coquin-là chie dans la malle de tout le monde.

97. C'eft le Greffier de Vaugirard, il ne peut écrire quand on le regarde.... Cet homme tenoit fon greffe dans un endroit où il ne recevoit de lumière que par une petite fenêtre; & quand on le regardoit par-là, il ne pouvoit écrire faute de jour.

98. Il reffemble au Chien de Jean de Nivelle, il s'enfuit quand on l'appelle.... Jean second, duc de Montmorency, voyant que la guerre alloit se rallumer entre Louis XI & le duc de Bourgogne, fit fommer à fon de trompe fes deux fils, Jean de Nivelle & Louis de Foffeuse, de quitter la Flandre, où ils avoient des biens confidérables, & de venir fervir le roi. Ni l'un ni l'autre ne com

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parurent

parurent. Leur père irrité les traita de Chiens & les déshérita. De-là eft venu ce proverbe trèscommun, furtout en Flandre.... Le Dictionnaire de Trévoux donne une origine différente. Jean de Montmorency, feigneur de Nivelle, ayant donné un foufflet à fon père, fut cité au parlement, proclamé & fommé à fon de trompe pour comparoir en justice. Mais plus on l'appeloit, plus il se hâtoit de fuir du côté de la Flandre. On le traitoit de chien, à caufe de l'horreur qu'on avoit de fon crime & de fon impiété.

La Fontaine a fait ufage du proverbe précédent, au commencement de fa fable intitulée le Faucon & le Chapon :

Une traîtreffe voix bien fouvent vous appelle :

Ne vous preffez donc nullement.

Ce n'étoit pas un fot, non, non, & croyez-m'en,
Que le chien de Jean de Nivelle.

99. Aller du-devant de quelqu'un avec la croix & la bannière, pour dire, lui faire une réception honorable. Dans les cérémonies de l'églife, le plus grand honneur que le clergé puiffe faire à quelqu'un, c'eft de l'aller chercher en proceffion, précédé de la croix & de la bannière. Cet ufage eft très-ancien; car Joinville dit de S. Louis : « Quant » le roy arriva en Acre, ceulx de la cité le vinMat. Sénon.

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drent recevoir jufques à la rive de la mer, »o (avec) leurs proceffions, à trez-grant joye ». D'un homme qui fe fait attendre, on dit qu'il faut aller le chercher avec la croix & la bannière. Voici ce qui a donné lieu à ce proverbe. Les chanoines de Bayeux fe levoient autrefois la nuit pour chanter les Vigiles, depuis appelées Matines. Ils avoient une façon fingulière de punir ceux de leur corps qui demeuroient au lit pendant les matines des grandes fêtes. Immédiatement après l'office, les habitués de l'églife alloient avec la croix, la bannière & le bénitier, au logis du chanoine abfent, & faifoient par cette proceffion une espece de réprimande publique à fa pareffe. Cet ufage du roit, dit-on, encore en 1640.

100. Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. La reine Blanche, époufe de Louis VIII, ayant reçu à la meffe le baiser de paix, le rendit à une femme publique, que fon habillement faifoit croire mariée & d'une condition honnête. La reine fut piquée de la méprife, & pour n'y être plus expofée, elle obtint du roi une ordonnance qui défendoit aux courtifanes de porter des robes à queue, à collets renverfés, avec ceinture dorée. Ce réglement fut mal obfervé. Les honnêtes femmes s'en confolèrent par le témoignage de leur conf

la

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cience, & en difant : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée; ce qui eft devenu proverbe. Sainte-Palaye n'approuve point cette origine, & rapporte au tems où les tournois ruinèrent une grande partie des nobles, & dégradèrent la chevalerie au point qu'elle devint le prix, non plus du courage & de la vertu, mais de l'adreffe, de la force, & même de l'intrigue & de l'opulence. C'eft peut-être, dit-il, pour cette efpece de chevaliers que fut mis en vogue ce proverbe, Bonne renommée, vaut mieux que ceinture dorée (1). On l'a malà-propos appliqué feulement aux dames, puisque la ceinture ou le ceinturon d'or faifoit également partie de l'habillement & de la parure des chevaliers.

L'ufage des ceintures eft, dit le Dictionnaire des Origines, de la plus haute antiquité. Les Juifs net pouvoient manger l'agneau pafchal, fans en avoir, & leur grand prêtre étoit obligé d'en prendre une dans les facrifices. Les Grecs & les Romains en portoient les peuples d'Orient les jugent encore néceffaires ; & il n'y a guère plus d'un fiecle qu'en France elles étoient pour le fexe, non-plus une marque d'honneur, mais une fimple parure. Aujour d'hui elles n'ont pas même ce dernier avantage. Dans

(1) Dans les tournois, mille cris perçans faifoient retentir à plusieurs reprises le nom du vainqueur: ufage qui, dans notre langue, a formé le mot de renommée. ( Sainte-Palaye.)

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