Imágenes de páginas
PDF
EPUB

amis, qui vouloit me le faire fupprimer, en m'alléguant pour raifon que tout ce qui vient de la Province, eft mal reçu de la Capitale, & qu'un chef-d'œuvre même, fait hors des barrières de Paris, ne feroit pas fortune dans cette ville, fi l'on ne cachoit avec foin la honte de fon origine.

Cette obfervation ne m'a point perfuadé. Pourquoi, en effet, un livre rougiroit-il du lieu de fa naissance? S'il est bon, il honorera fa patrie, & le nom de celleci, quelle qu'elle foit, ne lui peut rien ôter de fon mérite: s'il eft mauvais, la fuppreffion de fon origine ne le rendra pas meilleur. Et puis, que faut-il donc pour faire un ouvrage passable, dans le genre de celui-ci? Des yeux & une plume. Certes! la Province feroit bien difgraciée des Muses, fi Paris avoit le privilege exclusif de faire en littérature un bon usage

pofe d'en juftifier davantage le titre, en inférant à la fin d'un fecond volume, une notice pour fervir à l'Histoire du Sénonois.

de ces deux inftrumens. J'ai donc persisté à conferver mon Titre, & je n'ai pas voulu mentir au Public dès la première page. Cette petite fupercherie eût été un aveu de ma foibleffe; & quand on court le rifque de l'impreffion, on doit avoir quelbonne idée de fon ouvrage, que fût-il d'ailleurs la plus miférable de toutes les rapfodies. Au ciel ne plaife que le mien foit qualifié de la forte, & qu'un lecteur impartial, fâché de lui avoir confacré quelques momens de loisir, le rejette avec dédain, en lui difant: Poteras tutior esse

domi!

MATINÉES

MATINÉES

SÉNONOISES,

OU

PROVERBES FRANÇOIS, &c.

ESSAI PRELIMINAIRE

SUR LES PROVERBES.

DE toutes les branches de Littérature, il n'en eft pas qui foit aujourd'hui plus négligée, que celle qui a les Proverbes pour objet. Cette indifférence eft d'autant plus étonnante que, depuis trente ans, il n'y a pas de genre fi mince, fi futile, qui n'ait exercé la plume de quelque homme de lettres. Les Charades elles-mêmes fe glorifient d'avoir leur écrivain & les Proverbes reftent enfevelis dans d'énormes in-folio, fans que perfonne en ait fait encore la matière d'un ouvrage intéreffant !.... Seroient-ils donc plus méprifables que les Charades? Mat, Sénon,

A

1

Je fais que, dans le fiecle dernier, ils furent frappés d'anathême, par ceux qui contribuèrent à la perfection de la Langue. Vaugelas ne les aimoit pas; d'Ablancourt les a jugés indignes de paffer du texte de Lucien dans fa traduction; Nicole dit qu'ils font avec grand fujet méprifés en notre langue, parce qu'il y a une très-grande baffeffe dans ceux dont le peuple fe fert; le P. Bouhours les compare à ces habits antiques, qui font dans les gardes - meubles des grandes Maisons, & qui ne fervent jamais, ou qui ne fervent tout au plus qu'à des mascarades ou à des ballets. Ces jugemens font rigoureux; les tribunaux dont ils font émanés les rendent impofans: mais juftifient-ils le mépris qu'on a généralement pour les objets qu'ils condamnent? En attendant que j'examine fi ce mépris a tourné à l'avantage de notre langue, j'ofe avancer qu'il n'eft peut-être pas de connoiffance où le plaifir & l'utilité foient plus conftamment réunis, que celle des Proverbes : le lecteur en conviendra fans peine, s'il veut me lire fans prévention.

Par Proverbes, je n'entends point ces expreffions baffes, dépourvues de fel, de graces, de tout intérêt, en un mot, & juftement vouées à la boue dans laquelle elles font nées. La définition qu'en donne Erafme, en fait concevoir une idée plus noble. Le Proverbe eft, dit-il, Celebre

dictum, fcitá quâdam novitate infigne; un mọt célebre, (c'eft-à-dire, qui eft dans toutes les bouches), & recommandable par une forme piquante. Cette définition annonce-t-elle quelque chofe de méprifable, de puéril? & ne doit-elle pas d'avance, finon nous réconcilier avec les Proverbes, au moins nous difpofer en leur faveur? Avant de l'expliquer, diftinguons deux fortes de Proverbes : l'un proprement dit, & c'eft celui qui renferme dans une phrafe complete, une vérité relative aux mœurs, aux arts, à la fanté, &c. Le Proverbe improprement dit n'eft fouvent qu'une. fimple expreffion.

D'apres cette divifion, on auroit tort de confondre le Proverbe avec la Sentence. Ils peuvent faire corps enfemble, mais ils font auffi très-fépatables. Le Proverbe n'eft pas toujours une Sentence, & réciproquement. Ne confiez pas une épée à un enfant voilà tout à la fois un Proverbe & une Sentence cachés fous le voile de l'allégorie, Je navige dans le port, eft un Proverbe qui n'a rien de fentencieux; comme ce vers d'Ovide,

Pafcitur in vivis livor, poft fata quiefcit,

eft une Sentence qui n'a rien de proverbial. Quelquefois la même pensée se trouve dans la Sentence & dans le Proverbe, fans que la première ait le caractère du fecond. Tel eft ce vers d'Ovide,

« AnteriorContinuar »