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fimple & très-phyfique d'expliquer les bifarreries & les inégalités d'un homme, que de fuppofer qu'il a la tête remplie de rats qui s'y promenent, & qui par leurs différens mouvemens y déterminent fes penfées & fes volontés. Pour moi, dit l'abbé Desfontaines, je crois que cette façon de parler vient de ratum, qui fignifie une pensée, une résolution, un deffein. On dit tous les jours, Cet homme a des idées, pour dire qu'il a des folies dans la tête. Or, comme rat, (vieux mot françois, formé du latin ratum,) a la même prononciation que rat, (mus,) on aura entendu l'expreffion au fens figuré,

182, Rebus, Pris au figuré, ce mot fignifie de mauvaises plaifanteries, de mauvais jeux de mots, Ceft un difeur de rebus.... Au propre, c'eft une équivoque de la peinture à la parole. Un exemple de Marot fera comprendre la définition ;

Car en rebus de Picardie,

Une faulx, une étrille, un veau
Cela fait Etrille Fauveau.

Les écrans étoient autrefois chargés de ces miférables jeux d'efprit, appelés Rebus de Picardie, parce qu'anciennement en Picardie les clercs de la bafoche faifoient, tous les ans au carnaval, certains libelles, qu'ils intituloient De REBUS quæ ge

runtur; c'eft-à-dire, libelle de ce qui se passe dans la ville. Ces clercs, traînés dans un tombereau, lifoient publiquement ces libelles par les rues.

183. Ribote, Riboter, Riboteur. Ces mots, dont fe fert le bas peuple, viennent peutêtre de Ribaud. On parle, fous Philippe II, d'une espece de foldats appelés Ribauds, ( Ribaldi,) qui ont beaucoup de rapport avec ce qu'on appelle aujourd'hui en guerre enfans perdus. C'étoient des déterminés qu'on mettoit à la tête des affauts, &c. Le libertinage outré auquel ils s'abandonnoient, a rendu par la fuite leur nom infame en France. On le donna depuis indifféremment aux jeunes débauchés qui fréquentoient les mauvais lieux, & aux femmes ou filles qui fe proftituoient.... Les ribauds, pris dans ce dernier fens avoient un chef qui portoit le titre de roi, fuivant l'usage établi alors de donner cette augufte qualité à ceux qui avoient quelque commandement fur les autres. Ainfi l'on difoit fort férieufement, le roi des merciers, le roi des mégiffiers, le roi des méneftriers, &c. Celui des ribauds connoiffoit de tous les jeux de dez, de brelans & autres qui fe jouoient pendant le voyage de la cour. Il levoit deux fols par semaine fur tous les logis des bourdeaulx & des femmes bourdeliè

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res (1.). Le nom de cet officier fut fupprimé fous le regne de Charles VI; mais l'office demeura, & ce qu'on appeloit le roi des Ribauds, fut nommé grand prévôt de l'hôtel, charge qui fubfifte encore de nos jours.

Le Duchat écrit ribaux, & tire ce mot de rive, C'étoient, dit-il, proprement des jeunes-gens robuftes, qui gagnoient leur vie à charger & à décharger les denrées qu'on embarquoit ou qu'on débarquoit à la Grêve. Un paffage du roman de la Rofe rend cette étymologie probable ;

Chétif n'eft s'il ne le cuide estre,
Soit roi, chevalier, ou ribaulx.
Mais ribaulx ont les cueurs fi baulx,
Portant facs de charbon en Greve,

Que la peine point ne leur greve.

Dans les réglemens de Vaultier, archevêque de

(1) Ce mot vient de l'allemand. Dans les tems les plus reculés, le fexe en Allemagne occupoit des appartemens fouterreins & même fortifiés, pour empêcher des excès auxquels les Germains étoient alors fort enclins. On donnoit à cette brutalité le nom de furor Teutonicus. Dans la fuite, les hommes trouvèrent le moyen de pénétrer dans ces retraites, qui, au lieu de demeurer des afyles de chafteté, devinrent des lieux de proftitution & leur premier nom qui, dans la langue du pays, étoit Bord, ou petite maison, fe changea en celuj de B.....

Sens, les clercs débauchés & qui font le métier de bouffon, font condamnés à être tondus par les évêques. Le texte porte: Clerici ribaldi, maximè qui vulgò dicuntur de familia Golia. Le P. Longueval traduit ribaldi par débauchés. Mais, demande-t-il, que fignifie qui dicuntur de familiâ Golia? Vaultier parlant de clercs qui fe faifoient bouffons & jongleurs, Golias étoit peutêtre un fameux comédien, qui a laiffé fon nom à ceux qui marchoient fur fes traces. Dans plufieurs conciles, ces clercs font appelés Goliardi. Notre mot gaillard reffemble beaucoup à celui de goliardus. Viendroitil de-là? Ce n'eft pas le fentiment de M. de Paulmy, qui le tire de Gallus ardens, coq ou gaulois hardi.

184. Ric-à-ric. Faire une chofe ric-à-ric, c'està-dire, à la rigueur. Ménage croit qu'il vient de rigidus.

185. Rodomont. Fanfaron, qui vante fes prétendus beaux faits pour fe faire valoir. Le Duchat le tire du latin rodere montem, un ronge-montagne.

186. Roger-Bontems. Roger de Collerye, qui vivoit en 1538, étoit prêtre, poëte, & secrétaire

de Jean Baillet, évêque d'Auxerre. Il avoit pris le furnom de Bon-tems. Comme la gaieté forme àpeu-près le caractère de fa poéfie, l'abbé Leboeuf préfume que de-là on a depuis appelé Roger Bontems tout homme qui ne fonge qu'à fe divertir.... Dans Trévoux, on attribue l'origine de ce mot à un feigneur du Vivarais, homme fans fouci, qui fe donnoit du bon tems, & qui s'appeloit réellement Roger Bon-tems.

par

187. Roué. Ce mot fe prenoit, il y a trente ans, en très-mauvaise part. Aujourd'hui on l'adoucit une épithete qui n'eft guère faite pour lui. C'eft un aimable roué, dit-on d'un homme du monde qui n'a ni vertus ni principes, mais qui donne à fes vices des dehors féduifans, qui les ennoblit à force de grace & d'efprit. Cette idée complexe a encore donné lieu à cette autre expreffion, Tous les roués ne font pas fur la roue. Voici ce qui a pu mettre en vogue ce mot, devenu proverbial dans ce qu'on appelle la bonne compagnie. Un ivrogne fort d'un cabaret, place de Grêve. On avoit fait une exécution. Il étoit nuit: le patient hurloit fur la roue, la douleur lui arrachoit des juremens & des imprécations. L'ivrogne, levant la tête vers l'échafaud, prend pour lui ces injures, & dit tout haut: « Ce n'eft pas tout que d'être roué, il faut en

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