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de la proportion; de manière que la chaleur de l'un ne foit pas plus grande que celle de l'autre. Quand donc vous donnez à un eftomac froid un vin fort & fpiritueux, le défaut de proportion entre l'un & l'autre tourne néceffairement au préjudice du premier. Bon vin & mauvais eftomac ne s'accordent pas enfemble. A un eftomac foible, il faut un vin léger & toujours trempé.

L'auteur appelle à l'appui de fa thèse les plus fameux médecins de l'antiquité & de fon fiecle. Entre les modernes, François Vallois, médecin de Philippe II, roi d'Espagne, dit en effet : « Je » ne trouve rien de plus infenfé que de préten

dre ranimer la chaleur des vieillards, en leur » permettant de boire beaucoup de vin, & de » vin pur. Plus cette liqueur a de chaleur, plus » l'eftomac doit en avoir auffi pour la digérer. » Sans quoi, elle s'aigrit dans un eftomac froid, » elle étouffe le refte de chaleur naturelle en» gendre les maladies, & accélère la mort. Je ne » crois donc pas que le vin foit le lait des vieil»lards: au contraire, je penfe qu'ils doivent le » mêler d'eau, & quand ils approchent du terme » de la vie, fe l'interdire abfolument, & fe mettre » à l'eau miellée ou bouillie (1) ». Thomas Mer

(1) Quare vinum effe lac fenum non valdè probo. Cen

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man, médecin des ducs de Bavière, avoit coutume de dire que le bon vin eft auffi difficile à digérer, qu'une forte tranche de boeuf (1).

C'eft aux gens de l'art à prononcer dans une caufe auffi intéreffante. Mais en fuppofant leur jugement favorable à Dréxelius, ils ne feront guère plus écoutés que les médecins de fon tems. Croire qu'un bon vin vieux a la vertu de réparer les forces d'un eftomac délâbré, eft une opinion fi ancienne, fi générale, fi profondément enracinée dans les efprits, qu'il eft moralement impoffible de faire régner en fa place l'axiôme: Vinum potens, vinum nocens. Quoi qu'il en foit, Dréxelius propofe trois moyens de conferver la fanté; c'eft de renoncer à toute efpece de fruits, de faire tous les jours un exercice modéré, de manger peu & ne boire qu'un vin ordinaire & trempé:

Ut tibi non malè fit, fuge quidquid in arbore crefcit.
Vires fervabis, fi rura frequenter obibis.

Bacchus amet Glaucum, victum quoque fumito paucum.

feo potiùs fenibus fenfim effe dandum dilutius, ufque dum in extremo fenio conftitutis, toto vino detracto, detur pro eo mulfa aut deco&ta aqua. Satius enim eft permittere calori naturali fenfim venire ad naturalem interitum, quàm vino ob& feneftam facere miferabiliorem & breviorem.

ruere,

(1) Vinum bonum non minùs difficulter digeritur, quàm "bubula carnis prægrande fruftum,

223. D'une bufe on ne fauroit faire un épervier. On lit dans le roman de la Rofe:

J'ay ouy, ce n'eft d'huy ne d'hier,
Dire qu'on ne peut efpervier

En nul tems faire d'ung buyfard.

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2

&

-1

Le buyfard, aujourd'hui bufe, eft un oifeau de' proie, qu'il eft impoffible de dreffer. Nos ancêtres,! grands amateurs de la chaffe, employoient à cet exercice le fecours de l'épervier qu'on dreffoit à arrêter & rapporter le gibier. On portoit fur le poing cet oifeau, qui étoit auffi commun que le font à préfent les chiens de chaffe; & une dame de château ne se montroit guère en public, fans avoir un épervier fur le poing. Cet ufage à fait naître le proverbe, qui fignifie qu'on ne peut faire d'un fot un habile homme.... D'un homme incapable de fcience, les anciens difoient, Afinum fub frano currere doces. Le cheval eft né pour la course, & non pas l'âne. Inftruire un fot, c'eft apprendre à l'âne à courir :

Infelix operam perdas, ut fi quis afellum

In campum doceat parentem currere fræno. Hor.

Chez les Grecs, enfeigner un difciple fans talens, c'étoit mettre du pain dans un four froid; en latin, in frigidum furnum panes immittere..

224. Il n'y en a point de plus embarraffé que celui qui tient la queue de la poële, pour dire, qu'un homme qui eft chargé du foin principal d'une affaire, est celui qui a le plus de peine & d'embarras. Notre roi Henri IV a dit, au fujet de ce proverbe, un mot qui fait l'éloge de fon cœur & de fon efprit, & dont on a fait une épigramme intitulée Dialogue entre un prince & fon miniftre:

Dans le befoin preffant qui vous menace,
Sire, il faudroit recourir aux impôts.

de

grace:

Ah, des impôts! laissons cela,
Mon pauvre peuple a besoin de repos:
Le voulez-vous fuçer jusqu'à la moëlle?
Je prétens, moi, qu'il n'en foit pas ainfi.
Sire, fongez quel eft en tout ceci
Mon embarras; fongez que de la poële
Qui tient la queue, eft le plus mal loti,

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Qui dit cela? Qui? le proverbe, fire.
Ventre-faint-gris! le proverbe a menti.

Car, de par Dieu, c'est celui qu'on fait frire.

225. Pain dérobé réveille l'appétit. Un de nos poëtes dit:

Pain qu'on dérobe, & qu'on mange en cachette,
Vaut mieux que pain qu'on mange & qu'on achete.

Ovide a dit fans figure;

يق

Nitimur in vetitum femper, cupimufque negata.

Dans la Métromanie, Piron fait dire à Lifette :

Tel eft le cœur humain, furtout celui des femmes:
Un afcendant mutin fait naître dans nos ames,
Pour ce qu'on nous permet, un dégoût triomphant,
Et le goût le plus vif pour ce qu'on nous défend.

Ecoutons Boffuet fur le même fujet : « Lorsqu'on
>> me défend, on me pouffe. Il ne faut que me
» défendre une chofe, pour m'en faire naître l'en-
» vie: me commander, c'eft me retenir ». Le
même dit ailleurs : « Moins une chofe eft per-
» mife, plus elle a d'attraits. Le devoir eft une
» efpece de fupplice: ce qui plaît par raison, ne
» plaît prefque pas; ce qui eft dérobé à la loi
» nous femble plus doux. Les viandes défen-
» dues nous paroiffent plus délicieufes durant le
» tems de pénitence; la défenfe eft un nouvel af-
» faifonnement qui en releve le goût ». C'est pour
cela que nous disons en proverbe; Double jeûne,
double morceau. Les jeûnes doubles, ordonnés par
le vingt-troisième canon du concile d'Elvire, étoient
de deux jours de fuite, & l'on ne mangeoit pas
tout, le premier de ces deux jours.

du

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A notre premier proverbe répond celui des anciens; Dulce pomum, quum abeft cuftos: tiré d'un vers grec. Le proverbe des Hébreux étoit: Aque

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