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237. Faute d'un point, Martin perdit fon dne. Cardin rapporté ainfi l'origine de ce proverbe. Un nommé Martin, abbé d'une maison appelée Afello, avoit fait infcrire ce vers fur la porte de fon abbaye,:

Porta patens efto, nulli claudatur honefto.

Mais l'ouvrier ignorant avoit mis le point après nulli; ce qui donnoit au vers un fens contraire à celui qu'il a ci-deffus. Le pape, inftruit de cette infcription malhonnête, prit la chofe au férieux, & punit l'abbé en le privant de fon abbaye. Le fucceffeur fit réformer la ponctuation du vers, auquel on ajouta celui-ci :

Pro folo puncto caruit Martinus Afello.

Comme le mot Afello fait ici équivoque, en fignifiant un âne & une abbaye, on lui a donné la première fignification dans le proverbe, en difant; Faute d'un point, Martin perdit fon âne.......... Un critique trouve trop d'érudition dans cette origine, & aime mieux fuppofer que Martin, ayant joué fon âne aux dez, & l'ayant perdu pour un point de différence, cette petite aventure donna lieu à çe dicton,

238. Un roi fans lettres eft un âne couronné. On fait honneur de cette belle fentence proverbiale à un des premiers comtes d'Anjou. Autrefois nos courtifans fe plaifoient à jetter des ridicules fur les fciences & fur les grands qui les cultivoient. << Le » comte d'Anjou, Foulques Grifegonnelle, piqué » de ce que le roi Louys, fils de Louys le Sim»ple, & fes courtifans s'étoient mocqués de luy, » l'ayant rencontré parmy les clercs en l'églife de » Tours, leur refpondit fort hardiment, qu'un roi » non lettré & un afne couronné ne différoient » en rien; Inlitteratus rex eft afinus coronatus, » dit la chronique. Naudé ». Dans un fiecle où les grands rougiffoient prefque de favoir figner leur nom, il s'en trouvoit qui avoient le courage d'eftimer & de cultiver les lettres. Un de nos vieux poëtes, Eustache Deschamps, aimoit beaucoup notre proverbe. Il dit quelque part:

Roy fans lettres comme un afne feroit.
S'il ne fcavoit l'efcripture ou les loys,
Chafcun de ly partout fe mocqueroit.

Et ailleurs:

Roys qui ne fcet eft comme oifel en caige.
Mais quand il eft clercs*, ou bons arciens **.
Ainfi fur tous puet avoir avantaige.

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Le mot du comte d'Anjou rappelle celui de Théodore Gaza au pape Sixte IV. Ce favant Grec ayant traduit dans fa langue tous les ouvrages de Cicéron, en préfenta à ce pontife une copie faite de fa main. Sixte reçut froidement l'ouvrage, & fit donner à l'auteur une fomme fi modique qu'à peine fuffifoit-elle pour payer le vélin fur lequel il étoit écrit. Théodore, vivement piqué de cet affront, s'échappa au point de dire en grec, que les ânes n'ont de goût que pour les chardons. Heureufemeut pour lui, le pape ignoroit la langue d'Athènes.

239. Il faut faire vie qui dure. C'est-à-dire, il faut vivre d'économie, & ne pas dépenfer en un jour ce qui peut fuffire pour plufieurs. Pythagore a renfermé le même précepte dans ce fymbole : Ne mettez pas au feu le fagot entier, integrum fasciculum in ignem ne mittito. C'est comme fi ce philofophe eût dit, Il faut faire feu qui dure. Cette parodie de notre proverbe termine une épigramme de la Fontaine, fur le froid exceffif de l'hiver en 1709:

Hé quoi, s'écrioit Apollon

Voyant le froid de fon empire,
Pour chauffer le facré vallon

Le bois ne fauroit donc fuffire ?

Bon, bon, dit une des neuf Sœurs,
Condamnez vîte à la brûlure
Tous les vers des méchans auteurs;
Par-là nous ferons feu qui dure.

240. Ville qui parlemente eft à demi rendue. Cela fe dit figurément des perfonnes qui écoutent les propofitions qu'on leur fait pour les amener à un accommodement. Ce proverbe, tiré de la guerre, s'applique proprement à une place qui fait & écoute des propofitions pour se rendre.... Pariementer fignifie conférer enfemble; & l'on a appelé Parlemens les cours fupérieures de juftice, parce qu'elles font compofées de magiftrats qui, sous l'autorité du fouverain, s'affemblent pour conférer fur les affaires de l'état, & connoître en dernier reffort des affaires litigieufes. Louis d'Orléans membre du parlement de Paris, dans le xvie. fiecle, dit que nous avons pris ce mot des Romains, qui appeloient leur parlement coactionem ad verba. Il cite en preuve quatre vers de Properce, qu'il traduit d'une manière plaifante. Voici le texte :

Curia prætexto quæ nunc nitet alta fenatu,
Pellitos habuit ruftica corda patres.

Buccina cogebat prifcos ad verba quirites ;
Centum illi in prato fæpè fenatus erat.

Traduction :

Cette cour qui reluit fuperbe en fa prétexte, Et d'un brave fénat la grandeur nous atteste, N'eftoit le temps paffé que vieux ratatinez, Gros & rude pitaux, de peaux emmitonnez. Le clairon les tiroit aux parolles d'un homme, Et cent dedans un pré c'étoit la cour de Rome. Selon le traducteur, cogebat ad verba fignifie, les appeloit au parlement. Dans ce cas, fon cinquième vers préfente un contrefens, fi toutefois il renferme un fens intelligible.

241. Qui refufe, mufe. Pour dire, on se repent fouvent d'avoir refufé ce qu'on nous offroit, parce que l'occafion de l'avoir ne fe préfente plus. Mufe fignifie ici eft infenfe, & Molière a peutêtre eu ce proverbe en vue, quand il a fait dire à Gros-René:

Refufer ce qu'on donne eft bon à faire aux fous.

Mufard qui fignifie un homme qui s'amufe partout, fe prenoit autrefois pour infenfé, comme le prouvent ces vers de Guillaume de Lorris, dans le Roman de la Rofe :

Ce fcavent bien faige & mufart,

Qui plus eft près du feu, plus art.

Mufer, dérivé d'un verbe grec qui fignifie enfei

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