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pour fe coucher, c'est-à-dire, donner fes charges à fes enfans, s'ils en font dignes, pour couler le refte de ses jours dans le repos & le filence de la retraite. Mais fe dépouiller avant de fe coucher c'eft-à-dire, faire avant fa mort un abandon total de fa fortune, & par-là fe mettre dans la dépendance de fes enfans, c'est un acte de foibleffe que fuit prefque toujours le repentir : & tout particulier qui le fait, s'expofe à ne rencontrer que des épines fur la fin de fa carrière, invite fes héritiers, fatigués du poids de fon existence, à former des vœux parricides, & renonce à la douce confolation de s'en croire regretté, lorsqu'il descendra dans le tombeau.

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L'avidité & l'ingratitude ont, de tout tems, caractérisé les héritiers. Les anciens leur donnoient

le nom de vautours, parce que, femblables à cet animal vorace qui ne s'attache qu'aux cadavres, fans ceffe ils dévorent des yeux la fucceffion d'un vieillard ou d'un malade, qui

Fait voir une paresse extrême

A rendre, par fa mort, tous leurs defirs contens.

attends que

A ces hérédipetes, fi preffés de jouir, on difoit proverbialement : Si tu es un vautour mon corps foit un cadavre; Si vultur expecta.

es, cadaver

1407. Il eft comme le chien du jardinier, qui ne mange point de choux, & n'en laisse pas manger aux autres; fe dit d'un homme qui poffede une chofe fans en jouir, ni en accorder la jouiffance aux autres. Tel eft un bibliomane, qui a un grand nombre de bons livres joliment reliés, & qui ne veut ni les ouvrir ni les prêter (1): tel seroit encore un ignorant à qui l'on auroit confié la garde d'une bi bliotheque publique, & qui, bornant fon talent à ôter la pouffière des livres, recevroit avec humeur ceux qui viendroient les confulter.

Ce proverbe étoit connu des anciens, qui difoient en deux mots, canis in præfepi, Lucien compare un ignorant, de la trempe de ceux que je viens de citer, à un chien couché dans une écurie, & qui ne pouvant manger d'orge, empêche le cheval d'en manger. Un de nos vieux poëtes (de la Giraudière) emploie cette comparaison contre un vieillard jaloux :

Vous faites en votre ménage,'

Comme un chien qui garde du foin.

Vous confervez avecque foin

Ce qui n'eft pas à votre ufage.

408. Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. Dans

( 1 ) On a dit d'un tel homme, que c'est un eunuque dans un férail.

les

les Plaideurs de Racine, Petit-Jean débute par ce proverbe :

Ma foi fur l'avenir, bien fou qui se fiera:
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.

Nos anciens donnoient une durée moins longue au plaifir & à la peine. On lit dans le fabliau, intitulé Eftula:

En petit d'eure Diex labeure.

Tel rit au main (matin) qui le foir pleure ;

Et tels eft au foir courouciez,

Qui au main eft joians & liez ( gai ).

Il ne faut donc pas compter fur un bonheur conftant aujourd'hui bien, demain mal; ainfi se passe la vie. On citoit en ce fens un vers d'Héfiode qu'Erafme traduit ainfi :

Ipfa dies quandoque parens, quandoque noverca eft.

T

c'eft-à-dire, un jour eft pour nous une bonne mère, & dans un autre jour nous trouvons une marâ◄ ̈ tre. L'expreffion eft plus jufte en grec & en latin, où le mot jour eft féminin..... Le philofophe Fa vorin, dans un éloge de la fievre quarte, tire de ce proverbe grec la réflexion fuivante. « Dans la » carrière de la vie, le bon & le mauvais fe rem→ plaçant continuellement, qu'elle est heureuse » le malade, cette fievre qui ne s'allume que tous Mat. Sénon.

Ee

pour

» les trois jours, puisqu'ainfi réglée elle amene deux' » mères & une feule marâtre!» Je doute que cette réflexion confole beaucoup ceux qui ont le prétendu bonheur d'avoir la fievre quarte.

-409. Les jours fe fuivent, mais ils ne fe reffemblent pas. En latin: Diem dies trudit, non fimilem fui Ce proverbe, qui convient à tout ce qu'on a dit dans le N°. précédent, peut fe prendre dans un fens moins étendu, & relativement à l'idée du peuple qui, dans certains jours, n'oferoit se permettre certaines actions, indifférentes d'elles-mêmes, dans la crainte de s'attirer quelque malheur. Cette fuperftition nous vient des Chaldéens, par le canal de Pythagore. Ce philofophe croyoit qu'il y avoit des jours & des momens propres à certaines chofes, comme à offrir des facrifices, & d'autres qui y étoient contraires ; & fur cela, il avoit fait un précepte de l'opportunité. Ce précepte eft encore à préfent suivi par des efprits foibles, qui feroient très-fâchés, par exemple, de fe couper les ongles un vendredi. Il eft probable que cette vaine obfervance a été puifée dans le fymbole de Pythagore, qui défend de fe faire les ongles pendant le facrifice ad facrificium ungues ne præcidito. Des Chrétiens ignorans, prenant ce précepte à la lettre, l'auront appliqué au vendredi, jour où

:

le Sauveur des hommes a confommé fon facrifice. En levant l'écorce du fymbole, on y trouve un très-beau précepte de morale: savoir, que pendant qu'on eft dans le temple, il faut ne penfer qu'à Dieu, fe tenir dans le refpect, & rejetter toutes les pensées baffes & indignes de la fainteté du lieu. Iamblique donne une autre explication, qui paroît très-fondée. Il dit que Pythagore a voulu enseigner par-là, que quand on fait un facrifice, il faut y appeler fes parens les plus éloignés, ceux mêmes dont on pourroit le plus fe paffer, & qui font dans la condition la plus baffe & la plus méprisable. Car cet acte de religion doit bannir toute pensée d'orgueil & réunir les familles. On fait que les facrifices étoient toujours fuivis d'un feftin auquel on prioit les parens & les amis..... Le fymbole, pris dans ce dernier fens, fait juger que, dans les céré monies auxquelles la bienféance appelle tous les proches, même ceux qui font pauvres, on a été porté de tout tems à retrancher ceux-ci du corps de la famille, & à les traiter comme l'extrémité des ongles, dont on fe défait. A combien de par venus on pourroit appliquer le précepte de Pytha gore, & dire: Ad facrificium ungues ne præcidito!

410. Cela me portera bonheur; & dans le fens contraire, vous m'avez porté malheur ou guignon.

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