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joignoient à ces fruits une piece de monnoie, qui portoit d'un côté la figure de Janus. Les empereurs recevoient auffi leurs étrennes; Augufte aimoit à recevoir celles du peuple, & en deftinoit le produit à faire faire des ftatues qu'on plaçoit dans les carrefours. La matière des étrennes varia à Rome fuivant les tems & les lieux: fous l'empire de Néron, on donnoit des perles.

Chez les Gaulois, les druides alloient recueillir au nouvel an, le gui de chêne qu'ils diftribuoient au peuple. Enfuite on donna, comme à Rome, des pieces d'or & d'argent, que notre délicateffe a converties en bijoux, qu'on peut recevoir & même demander fans rougir. A ces bijoux fe joignent les bonbons, qui répondent au miel & aux fruits des Romains..... On donnoit autrefois des étrennes à nos rois, ainfi qu'aux princes de leur fang. Parmi les manuscrits de la bibliotheque du Roi, on remarque des livres que Jean, duc de Berri, reçut en étrennes. A la tête d'un de ces livres, intitulé; Des faits & bonnes mœurs du fage roi Charles V, on lit ces paroles: « Lequel livre damoiselle Chrif » tine de Pifan donna à mondit feigneur à eftraines, » le 1er. Janvier 1404 ».

3. Bien dire, fait rire, bien faire fait taire. Ce proverbe de G. Meurier peut s'adreffer à ces gens

éloquens dans la spéculation, nuls dans la pratique, & dont la conduite dément fans ceffe les beaux difcours. « Regardez, dit Montagne, que les meilleurs » ménagers font ceux qui nous favent moins dire » comme ils le font, & que ces fuffifans conteurs » n'y font le plus fouvent rien qui vaille. Je fais » un grand difeur, & très-excellent peintre de » toute forte de mefnage, qui a laiffé bien piteu» fement couler par fes mains cent mille livres » de rente ».

4. Roi de la feve. On appelle ainsi celui qui fait le vain, & qui n'a aucune autorité.... Au propre, c'est celui à qui eft échue la feve du gâteau qu'on partage la veille ou le jour de la fête des Rois. L'usage de faire les Rois nous vient des Saturnales, que célébroient les Romains aux calendes de Janvier. Pendant ces fêtes, les écoles étoient fermées, le fénat vaquoit, & toutes les affaires publiques & particulières étoient comme fufpendues; la diftinction des rangs difparoiffoit; l'efclave mangeoit à la table de fon maître, & pouvoit impunément lui reprocher fes défauts: en un mot, tout retraçoit l'égalité de l'Age d'or, en mémoire duquel ces fêtes étoient inftituées. En certains endroits, on partageoit un gâteau; avant le repas, on mettoit fous la table un enfant qui repréfentoit Apollon, & on

le confultoit en criant, Phabe Domine, (Seigneur Apollon,) afin que les portions du gâteau fuffent distribuées fans préférence. Cet usage s'eft confervé en France, & il y a quelques provinces où les payfans mêmes n'omettent point le cri, Phœbe Domine.

5. Poiffon d'Avril. Donner un poisson d'Avril, c'eft faire faire à quelqu'un une démarche inutile, pour avoir occafion de fe moquer de lui. Cette mauvaise plaifanterie n'a lieu que le premier jour d'Avril. Quelques perfonnes lui donnent l'origine fuivante. Louis XIII faifoit garder à vue, dans le château de Nancy, un prince de Lorraine, dont il n'avoit pas à fe louer. Le prifonnier trouva le moyen de tromper fes gardes, & fe fauva le premier jour d'avril, en traverfant la Meufe à la nage. Ce qui fit dire aux Lorrains que C'étoit un poisson qu'on qvoit donné à garder aux François. Je doute que ce mot foit la véritable origine du proverbe, qui doit être antérieur au regne de Louis XIII.... Gilbert. Coufin obferve que de fon tems on appeloit en France poiffon d'Avril, celui qui fait le métier infame de débaucher les perfonnes du fexe, parce que le poiffon, dont il porte le nom chez le bas peuple, eft excellent à manger dans ce mois-là. Le Duchat croit que ce nom, pris dans un fens libre, se dit par corruption pour Mercureau, c'est-à-dire

petit Mercure. Le dieu de l'éloquence étoit auffi le meffager des habitans de l'olympe, & fon nom eft devenu celui d'un entremetteur de mauvais commerce.

6. Employer le vert & le fec. Pour dire, employer tous les moyens poffibles de réuffir dans une affaire. A cette expreffion tirée de l'agriculture, les Latins en fubftituoient d'autres qu'ils empruntoient ou de l'art militaire, (cum haftâ, cum fcuto); ou de la navigation, (remis velifque); ou des mouvemens du corps, (manibus pedibufque). Dans ce dernier cas, nous difons auffi, J'ai tant fait des pieds & des mains, que j'en fuis venu à bout.... On attribue à Henri IV une application affez heureuse de notre proverbe, employer le vert & le fec. Une dame de condition, mais vieille & fort feche, étant ve nue en habit vert à un bal que ce prince donnoit il dit qu'il lui étoit bien obligé de ce qu'elle avoit employé le vert & le fec, pour faire honneur à la compagnie,

7. Porter le haut-de-chauffe. Cette expreffion po pulaire fe dit d'une femme qui maîtrise fon mari. Hue Piancelle, un de nos anciens poëtes, a compofé le Fabliau de fire Hans & de dame Aveufe,

fa femme, lefquels combattirent long-tems, dit l'auteur, à qui porteroit le haut-de-chauffe: mais la femme, après une vigoureuse résistance, fut enfin contrainte de céder. L'abbé Maffieu foupçonne que ce poëme a donné occafion à notre proverbe. G. Meurier en cite un, qui donne à la femme encore plus que le haut-de-chauffe: Du neuf ramon la femme nettoye fa maifon, & du vieil bat fon ba ron. .. Du mot ramon, qui fignifioit autrefois balai, & dont les Picards fe fervent encore, font dérivés ramoner, ramoneur.

8. Porter la cornette. Voltaire fait entendre que cette expreffion devroit être le pendant de la précédente mais on a mieux aimé francifer le mot grec Koxxv, Cuculus. Le Coucou fait, dit-on, fes œufs dans le nid de la fauvette. Mal-à-propos on a donné fon nom à l'époux dont la couche eft fouillée par un étranger: c'eft celui-ci qui eft le vrai Koxxuž, & l'infortuné mari, éprouvant le fort de la fauvette, devroit en porter le nom. Peut-être a-t-on obfervé que Fauvette étant féminin ne pouvoit convenir à un homme & que d'ailleurs ce nom étoit trop doux & trop beau pour défigner un pareil déshonneur. On aura donc préféré le nom de Koxxuž, comme plus dur & plus mortifiant, puifqu'il rappelle a l'offenfé le fouvenir de fon plus

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