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Il ne faut pas, dit-on, disputer des goûts :

le mien eft de rechercher l'origine de nos Proverbes, & des expreffions familières & triviales qui abondent dans notre langue. Depuis vingt ans, je n'ai pas lu de livre, fans en extraire tout ce qui étoit relatif à mon objet. Infenfiblement mon Recueil s'eft groffi; & j'ai cru qu'après en avoir élagué les chofes fuperflues, le refte formeroit un ouvrage affez intéreffant. Ce qui me porte à le croire, c'eft que la matière de mon travail n'a été depuis longtems traitée par perfonne, ou du moins présentée sous le point-de-vue fous lequel elle se montre ici. On va juger si je l'ai mise dans fon jour le plus favorable.

Les Proverbes font mon objet principal. J'ai tâché de n'en admettre que de piquans, foit par eux-mêmes, foit par les chofes qu'ils donnoient occafion de dire. Mon

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premier but étoit de les faire fuivre de leur origine: mais je reconnus bientôt l'impoffibilité de pénétrer jusqu'au berceau de chacun d'eux; la plupart fe perdant dans la nuit des tems les plus reculés, ou fortant d'une fource obfcure vers laquelle il n'y a plus de route frayée. Quand je n'ai pu arriver à ce but desiré, je me fuis contenté d'indiquer l'âge de ces proverbes, en citant les vieux écrivains qui en ont fait usage (1). Si ce n'est point là en découvrir l'origine, c'est du moins en approcher. Un proverbe qu'on lit dans Jean de Meun, par exemple, existoit avant lui; & quand on fait qu'il remonte au

(1) J'ai extrait beaucoup de paffages de nos vieux écrivains, tant poëtes que profateurs. Bien que ces citations n'aient pas la fraîcheur & l'élégance qui caractérisent les ouvrages des deux derniers fiecles, je fuis perfuadé qu'elles feront plaifir au lecteur. Elles le mettront à même de comparer notre ancienne littérature avec la moderne, de voir combien notre langue a eu de chemin à faire pour arriver au degré de perfection où elle eft, & de juger fi les productions de nos Trouvères, qui ont fleuri en-deçà de la Loire, font indignes de figurer avec celles des Troubadours dont fe glorifie le midi de la France.

delà de cinq cens ans, cette connoiffance équivaut prefque à celle de fon origine, & doit en tenir lieu lorfqu'elle eft perdue.

J'ai joint à cette origine, ou fubftitué à fon défaut le rapport de nos Proverbes avec ceux des langues modernes & anciennes. On verra peut-être avec quel que plaisir les nuances qui, fur le même fujet, rapprochent ou éloignent de nos proverbes ceux de quelques peuples voifins de nous : & cette comparaison, si elle étoit exactement fuivie, ferviroit à faire connoître la différence morale qu'établit entre les nations celle des climats des ufages & des cultes religieux. Le rapport des proverbes grecs & latins avec les nôtres a auffi fon avantage. Il fera connoître quel étoit à Rome & à Athènes le proverbe qui, dans la même circonstance, répondoit au nôtre, fi ces proverbes font parens, & à quel degré. Ajoutez à ce plaifir celui de comparer la nobleffe de l'un avec la baffeffe de l'autre, & quand on le peut faire fans pédanterie, de jet

ter dans la conversation, ou dans une let tre, quelques proverbes anciens qui, tout vieux qu'ils font, ou plutôt par cette raifon même, ont fouvent plus de fel que ce barbare amas

De proverbes traînés dans les ruiffeaux des Halles.

Comme cette partie de mon Recueil a une teinte d'érudition, & que cette couleur n'eft pas amie des gens du monde, j'ai souftrait à leurs regards tout ce qui pourroit les choquer; &, fi l'on excepte un petit nombre de citations grecques que je n'ai pu détacher du texte, j'ai renvoyé toutes les autres à la fin de l'ouvrage. Il m'en a coûté de traiter fi impoliment les modeles du bon goût, & de dire au père de la poésie, Ibis, Homere, foràs. Mais le regne des Lettres grecques grecques eft malheureufement paffé: & fourd à la réclamation de tant de grands hommes qui fembloient me dire,

Barbarus hic ego fum, quia non intelligor illis;

j'ai jugé nécessaire une exclufion fans la

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