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& féconds, d'applanir entiérement les routes qui étoient déja frayées dans cette Science, de porter même la lumiére dans celles qui jufqu'à préfent ont été le moins connues; en un mot, d'éclaircir & d'étendre tout à la fois la partie la plus utile des Mathematiques. Si l'exécution répondoit à mon projet, je me flatterois, MONSEIGNEUR, que cet Ouvrage pourroit n'être pas indigne de paroître fous vos aufpices: mais quel que doive être le fuccès de ce premier fruit de mon travail, j'efpere que vous voudrez bien le regarder comme une marque de mon zèle pour l'avancement des Sciences, & de l'intérêt que j'ofe prendre à la gloire du Miniftre qui les protege. Je fuis avec un profond respect,

MONSEIGNEUR,

Votre très-humble & très-obéiffant
Serviteur D'ALEMBERT.

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L

PREFACE.

A certitude des Mathematiques eft un avantage que ces Sciences doivent principalement à la fimplicité de leur objet. Il faut avouer même, que comme toutes les parties des Mathematiques n'ont pas un objet également fimple auffi la certitude proprement dite, celle qui est fondée sur des Principes néceffairement vrais & évidens par eux-mêmes, n'appartient ni également, ni de la même maniére à toutes ces parties. Plufieurs d'entr'elles, appuyées fur des Principes Phyfiques, c'est-à-dire fur des vérités d'Expériences, ou fur de fimples hypothefes, n'ont, pour ainfi dire, qu'une certitude d'Expérience, ou même de pure fuppofition. Il n'y a, à parler exactement, que celles qui traitent du calcul des grandeurs, & des propriétés générales de l'étendue, c'est-à-dire l'Algébre, la Geométrie & la Mécha

a

nique, qu'on puiffe regarder comme marquées au fceau de l'évidence. Encore y a-t'il dans la lumiére que ces Sciences préfentent à notre esprit, une efpece de gradation, &, pour ainfi dire, de nuance à obferver. Plus l'objet qu'elles embrassent est étendu, & confidéré d'une manière générale & abftraite, plus auffi leurs Principes font exempts de nuages & faciles & faciles à faifir. C'est par cette raison que la Geométrie est plus fimple que la Méchanique, & l'un & l'autre moins fimples que l'Algébre. Ce Paradoxe ne paroîtra point tel à ceux qui ont étudié ces Sciences en Philofophes : les notions les plus abstraites, celles que le commun des hommes regarde comme les plus inacceffibles, font néanmoins celles qui portent avec elles une plus grande lumiére: l'obfcurité femble s'emparer de nos idées à mesure que nous les appliquons à des objets particuliers, & que nous examinons leurs propriétés fenfibles ; & fi nous voulons pénétrer plus avant dans la nature de ces objets, nous trouvons prefque toujours, que leur existence, appuyée fur le témoignage douteux de nos fens, eft ce que nous connoiffons le moins imparfaitement en

eux.

Il réfulte de ces réflexions, que pour traiter fuivant la meilleure Méthode poffible quelque par

tie des Mathematiques que ce foit (nous pourrons même dire quelque Science que ce puisse être ) il eft néceffaire nonfeulement d'y introduire & d'y appliquer autant qu'il fe peut, des connoiffances puifées dans des Sciences plus abftraites, & par conféquent plus fimples, mais encore d'envifager de la maniére la plus abftraite & la plus fimple qu'il fe puiffe, l'objet particulier de cette Science; de ne rien fuppofer, ne rien admettre dans cet objet, que les propriétés que la Science même qu'on traite y fuppofe. Delà résultent deux avantages: les Principes reçoivent toute la clarté dont ils font fufceptibles : ils fe trouvent d'ailleurs réduits au plus petit nombre poffible, & par ce moyen ils ne peuvent manquer d'acquérir en même tems plus d'étendue, puifque l'objet d'une Science étant néceffairement déterminé, les principes en font d'autant plus féconds, qu'ils font en plus petit nombre.

On a pensé depuis long-tems, & même avec fuccès, à remplir dans les Mathematiques, une partie du plan que nous venons de tracer on a appliqué heureufement, l'Algébre à la Geométrie, la Geométrie à la Méchanique, & chacune de ces trois Sciences à toutes les autres, dont elles font la bafe & le fondement. Mais on n'a pas

été fi attentif, ni à réduire les Principes de ces Sciences au plus petit nombre, ni à leur donner toute la clarté qu'on pouvoit defirer. La Méchanique furtout, eft celle qu'il paroît qu'on a négligé le plus à cet égard: auffi la plupart de ses Principes, ou obfcurs par eux-mêmes, ou énoncés & démontrés d'une maniére obfcure, ont-ils donné lieu à plufieurs questions épineuses. En général, on a été plus occupé jusqu'à présent à augmenter l'édifice qu'à en éclairer l'entrée ; & on a pensé principalement à l'élever, fans donner à ses fondemens toute la folidité convenable,

Je me fuis propofé dans cet Ouvrage de fatisfaire à ce double objet, de reculer les limites de la Méchanique, & d'en applanir l'abord ; & mon but principal a été de remplir en quelque forte un de ces objets par l'autre, c'est-à-dire, nonfeulement de déduire les Principes de la Méchanique des notions les plus claires, mais de les appliquer auffi à de nouveaux ufages; de faire voir tout à la fois, & l'inutilité de plufieurs Principes qu'on avoit employés jufqu'ici dans la Méchanique, & l'avantage qu'on peut tirer de la combinaison des autres pour le progrès de cette Science; en un mot, d'étendre les Principes en les réduifant. Telles ont été mes vûes dans le Traité que je

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