Imágenes de páginas
PDF
EPUB

il

mets au jour. Pour faire connoître au Lecteur les moyens par lefquels j'ai tâché de les remplir, ne fera peut-être pas inutile d'entrer ici dans un examen raisonné de la Science que j'ai entrepris de traiter.

Le Mouvement & fes propriétés générales, font le premier & le principal objet de la Méchanique; cette Science fuppofe l'existence du Mouvement, & nous la fuppoferons auffi comme avouée & reconnue de tous les Phyficiens. A l'égard de la nature du Mouvement, les Philofophes font au contraire fort partagés là – dessus. Rien n'est plus naturel, je l'avoue, que de concevoir le Mouvement comme l'application fucceffive du mobile aux différentes parties de l'efpace indéfini, que nous imaginons comme le lieu des Corps: mais cette idée fuppofe un espace dont les parties foient pénétrables & immobiles; or perfonne n'ignore que les Cartefiens ( Secte à la vérité fort affoiblie aujourd'hui) ne reconnoiffent point d'efpace diftingué des Corps, & qu'ils regardent l'étendue & la matiére comme une même chofe. Il faut convenir qu'en partant d'un pareil Principe, le Mouvement feroit la chose la plus difficile à concevoir, & qu'un Cartéfien auroit peut-être beaucoup plutôt fait d'en nier l'é

xistence, que de chercher à en `définir la nature. Au refte, quelque abfurde que nous paroiffe l'opinion de ces Philofophes, & quelque peu de clarté & de précision qu'il y ait dans les Principes Métaphyfiques fur lefquels ils s'efforcent de l'appuyer, nous n'entreprendrons point de la réfuter ici : nous nous contenterons de remarquer, que pour avoir une idée claire du Mouvement, on ne peut fe difpenfer de diftinguer au moins par l'efprit deux fortes d'étendue : l'une, qui soit regardée comme impénétrable, & qui conftitue ce qu'on appelle proprement les Corps; l'autre, qui étant confidérée fimplement comme étendue, fans examiner fi elle eft pénétrable ou non, foit la mesure de la diftance d'un Corps à un autre, & dont les parties envifagées comme fixes & immobiles, puiffent fervir à juger du repos ou du Mouvement des Corps. Il nous fera donc toujours permis de concevoir un efpace indéfini comme le lieu des Corps, foit réel, foit fuppofé, & de regarder le Mouvement comme le transport du mobile d'un lieu dans un autre.

La confidération du Mouvement entre quelquefois dans les recherches de Geométrie pure; c'est ainsi qu'on imagine fouvent les lignes, droites ou courbes, engendrées par le Mouvement

continu d'un point, les furfaces par le Mouvement d'une ligne, les folides enfin par celui d'une surface. Mais il y a entre la Méchanique & la Geométrie cette différence, nonfeulement que dans celle-ci, la génération des Figures par le Mouvement eft, pour ainsi dire, arbitraire, & de pure élégance, mais encore que la Geométrie ne confidére dans le Mouvement que l'espace parcouru, au lieu que dans la Méchanique on a égard de plus au tems que le mobile employe à parcourir cet espace.

On ne peut comparer ensemble deux chofes d'une nature différente, telles que l'efpace & le tems: mais on peut comparer le rapport des parties du tems avec celui des parties de l'efpace parcouru. Le tems par fa nature coule uniformément, & la Méchanique fuppofe cette uniformité. Du refte, fans connoître le tems en lui-même & fans en avoir de mesure précise, nous ne pouvons repréfenter plus clairement le rapport de ses parties, que par celui des portions d'une ligne droite indéfinie. Or l'analogie qu'il y a entre le rapport des parties d'une telle ligne, & celui des parties de l'efpace parcouru par un Corps qui fe meut d'une maniére quelconque, peut toujours être exprimée par une Equation: on peut donc imaginer une

Courbe, dont les abfciffes représentent les portions du tems écoulé depuis le commencement du Mouvement, les ordonnées correspondantes défignant les espaces parcourus durant ces portions de tems: l'Equation de cette Courbe exprimera, non le rapport des tems aux efpaces, mais, fi on peut parler ainfi, le du rapport rapport que les parties de tems ont à leur unité, leur unité, à celui que les parties de l'efpace parcouru ont à la leur. Car l'Equation d'une Courbe peut être confidérée, ou comme exprimant le rapport des ordonnées aux abfciffes, ou comme l'Equation entre que les ordonnées ont à leur unité, & le rapport que les abfciffes correfpondantes ont à la leur.

rapport

Il est donc évident que par l'application seule de la Geométrie & du calcul, on peut, fans le fecours d'aucun autre Principe, trouver les proprié tés générales du Mouvement, varié fuivant une loi quelconque. Mais comment arrive-t'il que le Mouvement d'un Corps fuive telle ou telle loi particuliére? c'eft fur quoi la Geométrie seule ne peut rien nous apprendre, & c'eft auffi ce qu'on peut regarder comme le premier Problême qui appartienne immédiatement à la Méchanique.

On voit d'abord fort clairement, qu'un Corps ne peut fe donner le Mouvement à lui-même. Il

ne

ne peut donc être tiré du repos, que par l'action de quelque caufe étrangére. Mais continue-t'il à fe mouvoir de lui-même, ou a-t'il befoin pour fe mouvoir de l'action répetée de la caufe? Quelque parti qu'on pût prendre là-deffus, il fera toujours inconteftable, que l'existence du Mouvement étant une fois fuppofée fans aucune autre hypothefe particuliére, la loi la plus fimple qu'un mobile puiffe obferver dans fon Mouvement, eft la loi d'uniformité, & c'est par conféquent celle qu'il doit fuivre, comme on le verra plus au long dans le premier Chapitre de ce Traité. Le Mouvement eft donc uniforme par fa nature : j'avoue que les preuves qu'on a données jufqu'à préfent de ce Principe, ne font peut-être pas fort convaincantes: on verra dans mon Ouvrage les difficultés qu'on peut leur oppofer, & le chemin que j'ai pris pour éviter de m'engager à les réfoudre. Il me femble que cette loi d'uniformité effentielle au Mouvement confidéré en lui-même, fournit une des meilleures raifons fur lefquelles la mefure du tems par le Mouvement uniforme puisse être appuyée. Auffi j'ai cru devoir entrer là-deffus dans quelque détail, quoique au fond cette discussion puiffe paroître étrangère à la Méchanique.

La force d'inertie, c'est - à - dire, la propriété

b

« AnteriorContinuar »