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de ces Princes foibles qui fe chargent des fautes de leurs Courtifans, & ne, font que l'inftrument des paffions de ceux qu'ils croyent

gouverner.

La guerre étant ouvertement déclarée, l'Empereur fit la revue de fes troupes, qui montoient à quatre cents mille combattans (1). Rangées en bataille, elles s'étendoient depuis le pied du mont Alburtz, près le Caucase, jusqu'à la mer Caspienne, le long du fleuve Semour, c'eft-à-dire, l'efpace de cinq lieues; tous les Officiers à genoux, la bride de leurs chevaux paffée dans le bras, lui jurèrent fidélité. Les Soldats, ayant pouffé le grand cri, défilèrent en fa préfence.

Les deux armées se rencontrèrent non loin du Volga (2). La bataille ne fut pas moins fanglante que la précédente, &Toctamich fut auffi malheureux. Sa défaite lui coûta la cou

: (1) Timour entra dans la Ruffie, menant avec lui quatre-cents mille hommes moins formidables encore par leur nombre que par leurs anciens exploits. Hift. de Ruffie, par M. l'Evêque, Tom. II. p. 147.

(2) J. C. 22 Avril 1395. Hégire, 23 Jomada 2 797 o Chériffeddin....

ronne; car l'Empereur lui fubftitua fur l'heure un autre Khan.

Acharnés à la pourfuite des fuyards, les vainqueurs s'enfoncèrent dans la Sibérie, jufques aux rivages de la mer Glaciale (l'Océan ténébreux) vers les mêmes hauteurs où ils étoient déjà parvenus. Enfin, chargés d'un butin immenfe, ils revinrent trouver Timour, qui étoit demeuré fur les bords du Volga. II profita de l'activité de fes troupes pour faire une incurfion en Europe.

La Grande-Ruffie effuya la fureur de ces Barbares qui mirent tout à feu & à fang.

L'Empereur alla droit à Mofcow (1). Son

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́(1) Chériffeddin dit que Timour faceagea Moskow, qu'il nomme Mekes. Mais M. l'Evêque, d'après les témoignages des Auteurs Ruffes nie abfolument le fait. Voyez Hifl. de Timur-bec, Tom. II, p. 363. Hift. de Ruffie, par M. Levêque, Tom. II, p. 247. Cet Hiftorien éclairé, a bien voulu nous communiquer, fur cet objet, une note précieufe, dont nous allons faire part au Lecteur.

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Ce Suivant les anciennes Chroniques Ruffes, ce fue la vengeance qui appella Tamerlan fur les frontières de la Ruffie, Offenfé par Takhtamych, Khan dư

approche

approche répandit l'effroi dans cette Capitale. Mais il ne la prit point, comme le dit

Kaptchak, il le défit entre le Kour & le Térek, fur les bords occidentaux de la mer Cafpienne, le pour fuivit & mit en fa place un nouveau Khan.

Il ne s'arrêta pas après sa victoire, & entra dans la Ruffie. Il pouvoit la regarder comme une partie des Etats du vaincu, qui, en effet, avoit les Princes Ruffes pour vaffaux: Il prit Iéletz, ville fituée fur la Sofna, rivière qui fe jette dans le Don, & s'approcha de Rézan. Quelques journées de marche pouvoient le conduire à Mofkou; il n'auroit trouvé fur fa route & dans cette ville qu'une foible réfiftance. L'Auteur de l'Hiftoire Ruffe, intitulée: Kniga Stoponaia ne diffinule pas la crainte qui y régnoit, & les prières qui furent faites aux Saints les plus révérés, & fur-tout à une image de la Vierge, qu'on · croyoit avoir été peinte par S. Luc. Mais Tamerlan retourna fur les pas, & les Ruffes attribuèrent la retraite à un miracle. Il faut bien qu'un Conquérant s'arrête quelque part. Tamerlan devoit avoir beaucoup de peine à faire fubfifter en Ruffie les quatre-cents mille hommes qui compofoient fon armée Les chevaux fur-tout, qui, dans les armées Tartares, font en bien plus grand nombre que les hommes, devoient manquer de pâturages. D'ailleurs ilvenoit de prendre & de brûler la ville d'Iéletz; il avoit entre ses mains le Souverain de cette petite Principauté; il put croire qu'il avoit

fon Historiographe Chériffeddin. Il s'arrêta fur les confins de la Principauté de Rézan,

détruit la Capitale de la Ruffie, & qu'il en avoit mis le Souverain dans, les fers. Les Orientaux l'ont cru comme lui. Les Ecrivains Polonois eux-mêmes ne font pas exempts de semblables erreurs. Ils ont pris plufieurs fois des Princes Ruffes inférieurs avec lefquels ils étoient en guerre pour le principal Souverain de la Ruffie.

Les grands événemens de l'Hiftoire de Ruffie, ne doivent, à cette époque, exciter aucun doute. Ils ont été infcrits dans les Chroniques par des Contemporains, qui, devant avoir pour Lecteurs les témoins de ces événemens, ne pouvoient diffimuler les défaftres de leur Patrie. Ils nous ont appris que, treize ans avant l'expédition de Tamerlan, la ville de Moskou avoit été prife par le Tartare Takhtamych. Si elle l'avoit été par Tamerlan, auroient-ils pu diffimuler ce malheur? En vain l'Auteur Perfan de la Vie de Tamerlan, traduite par Pétis-de-la-Croix, dit-il que ce Conquérant réduifit en cendres la ville de Moskou. On voit encore des édifices qui avoient été élevés peu de temps avant fon incurfion. Les Auteurs Orientaux ont pu croire & écrire qu'il avoit pris & détruit Moskou, quoiqu'il n'eût pas même vu cette Capitale mais, s'il l'avoit détruite en effet, des Ruffes qui écrivoient dans le temps même, & qui devoient être lus par leurs contemporains, auroient-ils pu dire

& retourna tout-à-coup fur fes pas, pas, fans qu'on fçache la caufe de ce changement de réfolution. Plufieurs Chefs fe détachèrent pour faire des incurfions dans toute la Ruffie & dans la Hongrie. Enfin, après avoir ravagé cette partie feptentrionale de l'Europe, ils rentrèrent dans l'Afie, chargés de butin, & traînant à leur fuite une foule innombrable d'efclaves.

Les malheureux Géorgiens furent encore

que cette ville n'avoit pas été détruite? Auroient-ils ofé foutenir à leurs Lecteurs, qui auroient vu Tamerlan 'dans leur ville, qu'il s'étoit arrêté à plusieurs journées de-là fur les frontières de la Principauté de Rezan?

Prétendre, contre le témoignage des Historiens Ruffes, que Moskou a été pris & brûlé par Tamerlan, c'eft dire qu'un Chronographe Ruffe, affis fur les cendres de Moskou, & qui devoit être lu par des malheureux étendus fur les mêmes cendres, ofoit écrire que cette ville n'avoit pas été brûlée ». Note donnée par M. l'Evêque.

Nous nous en tenons à l'opinion des Ruffes, parce que Chériffeddin qui, comme tous les Ecrivains Orientaux, connoiffoit très-peu la Géographie de l'Occident, a pu très bien fe tromper; en outre pour l'Hiftoire d'un pays, les Naturels doivent être crus préférablement aux Etrangers.

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