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même fa Capitale, dans la crainte que tous les chemins de la retraite ne lui fuffent fermés, & fe contenta de laiffer un Gouverneur dans Bagdad.

Avant que de rien entreprendre pour fon intérêt, l'Empereur, qui aimoit à attirer fur fes armes la bénédiction du ciel, commença par fondre fur les Géorgiens, dont on fit un grand carnage. Un des plus énormes crimes qu'on reprochoit à ces infortunés c'étoit de boire du vin: auffi les Tartares ne manquèrent-ils point d'arracher toutes les vignes du pays; ils pelèrent même les arbres fruitiers, & rasèrent les Temples où ces Infidéles offroient au Très-Haut des adorations qui lui étoient odieuses (1).

L'hiver qui s'approchoit ne fervit qu'à fufpendre ces pieufes horreurs ; & le printemps les vit recommencer (2). Teflis & les principales villes de la Géorgie, en paffant fous la loi du Vainqueur, furent innondées du fang de leurs habitans: on n'épargna que les

(1) Chériffeddin.

(2) J. C. 1400. Hégire 802.

timides Chrétiens qui confentirent à échanger l'Evangile contre le Coran. Les Mufulmans firent des prodiges de valeur & de cruauté. Le zèle de la Religion & l'ardeur

du carnage ne les rendoit pas moins ingé

nieux qu'intrépides: enfermés dans des caiffes conftruites exprès, ils fe faifoient defçendre par leurs compagnons dans les abymes du Caucase, qui fervoient de retraite aux Chrétiens fugitifs. A la fin, les glaives manquant de victimes, il fallut quitter la Province dépeuplée. Timour conduifit auffi-tôt ses guerriers vers un ennemi digne de leur courage.

Fier de fes grandes Dominations, & plus encore de fes Victoires remportées fur les Chrétiens, Bayazed-le-Foudre (Ildrim) entreprit une irruption dans l'Azerbaijane, où commandoit un Gouverneur dépendant de Timour. Celui-ci ne manqua pas d'avertir fon Maître des hoftilités de l'Empereur Othoman. (1) D'autres prétendent que Paléo

(1) Voyez l'Hiftoire Othomane, par le Prince Can-. timir. in-4°. Tom. I. p. 52.

logue, Empereur de Conftantinople, fe voyant vexé par Bayazed, implora & obtint le fecours du Prince Tartare, en offrant de fe reconnoître pour fon Vaffal.

Quoi qu'il en foit le Conquérant Tartare, ayant épuifé vainement toutes les voies pacifiques auprès d'un Adverfaire audacieux & intraitable, conduifit dans l'Anatolie une armée de huit cents mille combattans (1). Sébafte, Capitale de la Province, fut réduite aux abois en moins de dix-huit jours. Les Affiégés capitulèrent (2). Tous les Mufulmans obtinrent la vie, en payant le prix du fang. Mais le Vainqueur ne voulut point pafdonner à la cavalerie Arménienne, qui avoit courageufement défendu la ville. Quatre mille hommes furent jettés dans des puits que l'on combla de terre. Il livra encore la ville au pillage, malgré la parole qu'il avoit donnée de ne faire aucun mal aux habitans (3).

(1) Tarikh Ibnchahnet. Apud Arabchah. Tom. 1. P. 617.

(2) Chériffeddin. J. C. Août 1400. Hégire, Moharrem 803.Age de Timour 64. Régne de Charles VI. (3) Arabchah. Tom. I. p. $73..

Le

Le voifinage de la Syrie rappella au Prince une atrocité commise autrefois fur un de fes Ambaffadeurs, par le dernier Souverain, nommé Barcouc, qui avoit en outre emprisonné un Officier Tartare. Barcouc étoit mort, & fon fils Farouje ne fe montroit pas plus traitable. Loin de fatisfaire aux juftes réclamations de Timour, il fit encore arrêter les Ambaffadeurs que ce Prince lui envoyoit ; car, fuivant les paroles de Mohammed : Dieu bouche l'efprit, & détruit l'entendement de tous ceux dont il a refolu la perte (1). Cet attentat ne refta pas long-temps impuni. Les Tartares fondirent fur la Syrie, & livrèrent un combat fanglant au Général de Farouje & au Gouverneur d'Alep, réunis fous les murs mêmes de la ville. La défaite complette des Syriens entraîna la prise d'Alep. Le Château réfifta quelque temps, & finit fe rendre à difcrétion. On y fit un par très-gros que les principaux habitans avoient dépofé leurs trésors.

butin (2); car c'étoit là

Pendant le peu de temps que

(1) Chériffeddin.

(2) Tarikh-Ibnchahnet, P. 625.

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féjourna, il s'amufoit à mettre aux prifes les Docteurs Arabes ou Syriens avec ceux qui l'accompagnoient; & fon plus grand plaisir étoit d'embarraffer par des fubtilités fcholaftiques, ces Difputeurs timides, déjà troublés par fon afpect impofant (1). Comme ceuxci le prioient de leur faire quartier: « Ję » vous jure, leur dit Timour, que je ne ́ » fais mourir perfonne de propos délibéré : » c'est vous-mêmes qui vous perdez; mais » ne craignez rien de ma part pour votre ›› vie ni pour vos biens ».

"

Avant que de partir, il fit couper un nombre suffisant de têtes, pour élever une tour felon fa coutume; enfuite il prit le chemin de Damas. Pendant fa marche, il vit arriver plufieurs Gouverneurs qui lui apportoient les clefs de leurs villes. Cette foumiffion leur fit trouver grace devant le Vainqueur. Il continua fa route vers Damas, & planta fon camp devant la ville (2). Le Sultan Farouje, qui s'y étoit renfermé, voulut tenter le fort d'une bataille; mais il ne fut pas moins malheu

(1) Idem, p. 631. (2) Chériffeddin.

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