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reux que fon Général : les ombres de la nuit favorisèrent fa fuite. Les Affiégés ayant obtenu par des députés la permission de fe racheter, ouvrirent leurs portes aux Tartares.

Lorfque la fomme fut comptée, un remords de confcience faifit l'Empereur; il fit part aux Officiers de fes doutes fur l'orthodoxie des habitans de Damas: «Ils ont foutenu, » dit-il, les Khalifes Ommiades, ces perfé-, "cuteurs d'Aly & de la famille de Moham» med. Comment peut-on fuivre un Prophète & fe montrer l'ennemi de fa famille ? Leur crime me paroît d'autant plus certain que leur défaite n'eft à mes yeux qu'un » châtiment du ciel ».

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Il n'en falloit pas davantage pour autorifer le foldat à reffaifir une proie qu'il ne voyoit pas lui échapper fans le plus vif regret.

(1)UnAuteur Arabe attribue le fac deDamas à une Lettre infolente envoyée à Timour par Farouje. Loin de chercher à calmer son Vainqueur, ce Prince imprudent l'infultoit & le

(1) Arabchah. Tom. 11, p. 114 & suiv.

bravoit. L'ambaffadeur s'eftima trop heureux de n'avoir pas laiffé fa tête pour les frais de fa commiffion. Mais les habitans de Damas payèrent pour leur Souverain. Car auffi-tôt on appliqua les riches à la question, pour favoir d'eux où ils avoient caché leur or, & le pillage commença. Le feu ayant pris dans un quartier, toute la ville fe trouva embrâsée en un moment. Les progrès de l'incendie furent fi rapides, qu'on ne put fauver les Mofquées; il n'épargna qu'un feul Minaret, fur lequel doit defcendre le Seigneur Jefus, quand il viendra juger les vivans & les morts (1).

De Damas Timour paffa dans la Géorgie; delà il revola vers Bagdad. Sa préfence étoit néceffaire dans cette ville, pour réduire les rébelles qui, affiégés par plufieurs de fes fils, ne vouloient pas fe rendre.:

La place fut attaquée en plein midi, c'està-dire à l'heure où perfonne ne pouvoit rester fur les murailles, à caufe de l'exceffive cha→ leur. Preffés par les affaillans, arrêtés par le Tigre, les affiégés préférèrent de fe préci

(1) Chériffeddin. Mars 1401. Hég. Chaban 803.

piter dans le fleuve. On ramaffa pourtant encore un nombre de têtes fuffifant pour élever cent vingt tours (1). Les Gens de Lettres furent les feuls épargnés.

La rage destructive des Vainqueurs s'étendit jufques fur les maisons. Ils ne respectèrent que les Mofquées, les Colléges & les Hôpitaux. C'eft ainfi, felon le Coran, que les maifons des Impies font renversées par l'ordre de Dieu (2).

Chaffe par l'infection que les cadavres exhaloient, Timour remonta le long du Tigre, & alla faire fes dévotions au tombeau du grand Imam Abou-Hanifah, Chef de l'une des quatre Sectes orthodoxes de la Religion Mufulmane, d'où il fe rendit en Géorgie. Cependant Bayazed, qui venoit de pren dre la ville d'Arzenjane, encouragé par ce fuccès, fe difpofoit à faire de nouveaux exploits dans l'Orient. Mais, en apprenant les terribles préparatifs, de fon ennemi, l'effroi s'empara de fon ame, & il ne tarda pas à demander

(1) Arabchah. Tom. II. p. 176.

(2) La ville de Bagdad fut prife au mois de Juillet 1401. Hégire, Zoulcadé 803. Chériffeddin.

A

la paix. Son offre fut d'autant mieux reçue que le Tartare étoit fâché de combattre un Prince fi fouvent vainqueur des Infideles, & qui avoit toujours recherché fi ardemment les mérites de la guerre fainte.

La paix paroiffoit bien affermie, le Roi même de la Géorgie avoit épargné à fon pays une nouvelle invasion, en offrant quelques préfens; mais un miférable. Turcoman, nommé Cora-Youfouf, qui s'amusoit à piller les Caravannes de la Meke, & faifoit en petit le métier de Conquérant, ralluma la difcorde entre les deux rivaux. Bayazed eut l'imprudence de lui donner afyle, & d'embraffer fa défense. En vain Timour, qui vouloit punir ce Brigand, fit-il les plus juftes représentations, il fallut les foutenir avec l'épée. Ses troupes, ennuyées de ne point revoir leur Patrie, n'étoient pas difpofées à une nouvelle guerre. Les Officiers objectèrent les mauvais préfages. Mais, foutenu par fon génie, Timour ranima bientôt les courages abattus, & combattit la fuperftition par la fuperftition même. Il appella fon Aftrologue penfionné, qui donna bientôt des prédictions plus favo

rables : « Il paroîtra, s'écria-t-il, une cométe » dans le bélier, & il viendra de l'Orient une " armée qui conquerra la Natolie ». Cette prédiction, l'une des plus vraies qui ayent jamais été faites, felon la remarque de Chériffeddin, acheva de raffurer les efprits.

(1) Au fortir de fes quartiers d'hiver, le Prince Tartare fit la revue de fes troupes enprésence des Ambaffadeurs que Bayazed venoit de lui envoyer. Ces Othomans frémirent en voyant huit cents mille guerriers, dont les yeux éteinceloient fur leur teint bâfané, & dont la plupart avoit bravé, avec la même patience, & les froids rigoureux des poles, & les chaleurs infupportables des tropiques (2).

Lorfque les Ambaffadeurs furent congédiés, les Tartares fe portèrent vers Ancyre, dont ils commencèrent le fiége; mais l'ap

(1) J. C. 1402. Hégire 804. Chériffeddin.

(2) Son armée en filence, à leurs yeux étendue
N'offroit de toutes parts que farouches soldats
Endurcis aux travaux, vieillis dans les combats
Accoutumés au fang & couverts de bleffures.
Leur fer & leurs carquois compofoient leurs parures,
Henriade, Chant III. v. 188.

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