Imágenes de páginas
PDF
EPUB

fes

proche du Prince Othoman, qui vint camper en leur préfence, les força de penfer à leur propre sûreté. Timour, s'étant battu en retraite pendant quelque temps, réfolut de livrer bataille (1). Voici de quelle manière il Les deux aîles & le corps rangea troupes. de bataille furent confiés à trois de fes fils; il garda pour lui le corps de réferve, compofé de quarante Régimens d'élite, & fortifia de bataille avec des éléphans chargés de tours pleines de guerriers, destinés à lancer du feu grégeois. (2)

fon

corps

Le Monarque Othoman disposa ainsi son armée. Il confia l'aîle droite à Péfirlas,

(1) Timour étoit âgé de 66 ans, lorsqu'il livra, près d'Ancyre, cette fameuse bataille contre Bayazed, le Vendredi 16 Juin 1402 de J. C. (Hég. 19 de Zoulcadé 804.) felon Chériffeddin, & le Samedi 29 Juillet 1402 ( 27 Zoulhajah 804) felon Arabchah, qui fe trompe certainement en mettant quatrième jour (le Mercredi ) au-lieu du jour du Sabbat ( le Samedi ). L'Editeur peut avoir lu Youm Errabá, au-lieu d'Youm Effabá. Les calculs certains, d'après lefquels nous avons opéré, nous ont découvert cette erreur. Arabchah, Tom II. p. 252.

(2) Chériffeddin.

fon beau-frère, avec vingt mille cavaliers Européens, habillés de noir & couverts de fer. Cet afpect étonna d'abord les Tartares, mais fans les déconcerter. Il mit fon fils Tchélébi à la tête de l'aîle gauche, & prit pour lui le commandement du corps de bataille.

On fonna la charge vers les dix heures du matin. Les Tartares- fondirent avec leur impétuofité ordinaire, & furent reçus courageufement; la réfiftance les irrita, ils redoublèrent leurs efforts. Les deux aîles des Othomans commencèrent à plier, la mort de Péfirlas acheva leur défaite. Bayazed, les voyant ainfi culbutées, fe retira fur une éminence avec fon corps de bataille. Tout-à-coup, attaqué par Timour, qui le joignit à la tête de fes quarante régimens de réferve, investi de toutes parts, il se battit comme un lion jufqu'à la nuit, dont il profita pour prendre la fuite. Il avoit perdu 200,000 hommes. Après la victoire, Timour retourna dans

fon camp

où il rendit graces au Tout-Puiffant, & reçut les complimens de fes Officiers. Harraffé de toutes les fatigues de cette jour

née, il alloit fe mettre au lit, quand on amena dans fa tente Bayazed, pieds & mains liés. A l'aspect imprévu de ce Prince, le Vainqueur ému ne put retenir fes larmes; il alla audevant de lui; ordonna qu'on détachât ses fers, & le conduifit dans la falle d'audience.

כן

[ocr errors]
[ocr errors]

Alors , ayant fait affeoir fon Prifonnier à fon côté : Bayazed, lui dit-il, n'accusez » que vous-même de vos malheurs; ce font » les épines d'un arbre que vous avez planté. » Je ne vous demandois qu'une légère fatisfaction, & votre refus m'a obligé à tenir envers vous une conduite qui m'a coûté beaucoup. Loin de vous nuire, je me propofois de vous aider dans vos guerres » contre les Infidéles. Votre opiniâtreté a » tout perdu. Hélas! fi le succès eût été différent, on fait quel traitement vous me réserviez, ainsi qu'à mon armée; néanmoins foyez tranquille : vous n'avez rien » à redouter; c'est en vous fauvant la vie » que je veux rendre graces au ciel de ma

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» victoire ».

Après avoir ainfi parlé, il commanda qu'on dreffât pour Bayazed une tente auprès du

pavillon Impérial; & il eut pour fon illuftre Captif tous les égards qu'on doit aux infortunés.

[ocr errors]
[ocr errors]

Cette conduite ne s'accorde guères avec celle que lui prêtent Arabchah, fon ennemi déclaré, & les Auteurs Grecs & Turcs, qui ne le haïffoient pas moins, à cause du mal qu'il fit à leur pays. Ils prétendent que, loin de détacher les fers de Bayazed, il lui en mit de fi pefants, qu'à peine celui-ci pouvoitil les traîner. Ils ajoutent qu'il le renferma dans une cage de fer fi baffe, qu'elle fervoit à cet inhumain Vainqueur de marche-pied pour monter à cheval. Enfin Timour, difentils, força Bayazed d'affifter à un festin de débauche, où ce dernier eut la douleur de voir fes femmes & fes filles, demi-nues,"

des

fervir à table; & c'eft pour cela que, depuis ce temps, les Empereurs de la Maison Othomane ne se marient plus, & n'ont que Concubines. Ils craindroient que leurs épouses en titre ne fuffent encore expofées à de pareils outrages. Tous ces faits ridicules ont été rejettés, avec raifon, par M. de Voltaire, dans fon Effai fur les Maurs & le Génie des Na

tions, chap. 89. Cet Historien philofophe les réfute d'une manière victorieuse (1). Mais,

(1) Quoique nous n'adoptions aucun de ces contes, nous nous croyons néanmoins obligés de relever une erreur affez confidérable où eft tombé M. d'Herbelot. Il dit, dans fa Bibliothèque Orientale, p. 882. en rejettant comme nous l'anecdote de la cage de fer « que cette anecdote ne fe trouve, ni dans les Hiftoires les plus authentiques de la vie.de Timour, ni même dans celles qui ont été écrites par les ennemis, tel qu'eft l'Ouvrage d Ahmed Arabchah». Malgré toute notre estime pour ce Sçavant, nous allons prouver que cette dernière affertion eft abfolument fauffe.

Si M. d'Herbelot eût lu avec attention l'Ouvrage d'Arabchah, dont Golius a publié le texte Arabe en 1636, il auroit vu que cet ennemi de Timour, après avoir raconté la défaite & la prise de Bayazed, ajoute, pag. 251, Wa fåra mekidan kal-thir fil-cafefi, « &, il fut enfermé comme l'oifeau dans la cage plus bas , pag. 268, le même Arabchah dit : « Le » Sultan augufte, le Défenfeur de la Religion, le

[ocr errors]
[ocr errors]

Martyre Bayazed mourut. Il avoit été enfermé dans »une cage de fer, (mukbolan fi cafefi min hadidi) & » Timour en avoit agi ainfi par repréfailles ». Il parle, dans un autre endroit du feftin où Bayazed vit fes femmes fervir de courtifannes. Tous ces textes, quoique très-formels, nous perfuadent fimplement qu'Arabchah est l'inventeur de ces infâmes calomnies qui ont

« AnteriorContinuar »