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administration, il tempèrè la rigueur par la bonté.

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Un Miniftre qui posséde toutes ces qualités, mérite d'être regardé comme un Collégue à l'Empire; car les richeffes & la force du Souverain font dans fes domaines, fes tréfors & fes armées. Or il n'appartient qu'à un Miniftre intelligent de conferver & d'entretenir tous ces avantages.

Pour qu'un Miniftre réuniffe toutes les qualités néceffaires, il faut encore qu'il ne conferve aucun reffentiment des reproches qu'il peut effuyer. Si fon cœur eft ouvert à la vengeance ou à la perfidie, on doit en attendre les fuites les plus fâcheufes; car il eft à craindre qu'il n'entretienne des intelligences fecretes avec les ennemis de l'Etat, & qu'il ne caufe la ruine de l'armée, & le renversement des Finances.

Le Miniftre fage tient d'une main le peuple, & de l'autre l'armée; (c'eft vers ces deux objets qu'il dirige fes foins & fon attention.) Il fçait donner & prendre à propos. La franchife & la juftice préfident à fes actions. Il prevoit l'iffue de chaque affaire; &, dans

les négociations, il ne fe fouvient pas qu'il ait des ennemis.

Un Miniftre actif & expérimenté a tou jours devant les yeux la population du Royaume, & la félicité du peuple, la force de l'armée, & l'abondance du tréfor. Sans ceffe occupé à favorifer tout ce qui peut contribuer à la profpérité de l'Etat, il prodigue fa fortune & fa vie, pour détourner les maux qui le menacent. Il veille aux intérêts des Citoyens & des Soldats, & met ordre à tout ce qui les concerne.

Dans un Vizir vertueux la fomme des bonnes actions doit furpaffer celle des mauvaifes.

Tel étoit Nézam-almoulk; fes vertus com→ penfoient abondamment les fautes qu'il avoit pu commettre dans fon administration. Auffi, lorfqu'il voulut entreprendre le pélerinage de la Mecque, un homme de Dieu ( c'està-direun Dervich) l'en empêcha, en lui difant: « Le bien que tu fais dans les Etats » de Mélik-chah, en procurant le bonheur des ferviteurs de Dieu, te tiendra lieu » de ce devoir de Religion

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J'ai oui raconter auffi qu'Aly, fils de Lacati, Vizir d'Haroun Arrachid (1), après avoir fait long-temps le bonheur du peuple voulut fe retirer du ministère ; un des Chefs de la Religion lui écrivit : « Le devoir t'oblige de rester à ton poste dans le Palais » du Khalife; car les fecours & les avan» tages que retirent de ton administration » les fujets du Très-Haut, l'emportent fur le refte de tes bonnes œuvres ».

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On demandoit un jour à la Majefté de l'Apôtre de Dieu :» Si vous n'aviez pas reçu » de miffion, ni le don de Prophétie, quel » état auriez-vous choifi? Le fervice des » Princes, répondit le Prophête, afin d'être » utile aux Créatures du Tout-Puiffant ».

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C'est d'après cette confidération que j'acceptai les charges de Vizir & de Général des armées d'Elias Khojah (2), fils de Touglouk - Timour Khan de Jagataï.

(1) Haroun-le-Jufte, cinquième Khalife Abbasside ̧ contemporain de Charlemagne, à qui il envoya une Ambassade, mort en l'an. de J. C. 809.

(2) Que fon père avoit établi dans la Tranfoxiane, Voyez la Vie de Timout

Mon but étoit d'être utile au peuple de Dieu; &, en faveur de mes fervices, le TrèsHaut m'éleva à l'Empire.

Un Miniftre qui acquiert, ou conserve un Royaume par la Politique & par l'épée, mérite l'eftime & la vénération; on doit accumuler les honneurs fur fa tête, & le qualifier MAITRE DE LA PLUME ET DE L'ÉPÉE.

Un Ministre habile & intelligent eft celui qui fçait, par des manœuvres bien conduites, femer la divifion dans une armée, ou la réunir dans les mêmes vues & les mêmes

intérêts › par une fage politique & des ménagemens adroits : qui fe concilie l'estime des troupes ennemies, & les attire dans fon parti; qui, plein de vigilance pour les intérêts du Maître dont il a la confiance, lui applanit, par fa fageffe & fa prévoyance, tous les obftacles des conjonctures les plus difficiles, & des entreprifes les plus épineufes; qui fçait enfin ouvrir, avec le doigt de l'intelligence & du génie, toutes les barrières qui s'opposent au fuccès de fon Prince. Ainfi, lorfqu'Ali-Beg-Tchoun-Gharbani,

qui m'avoit fait prifonnier, me jetta dans un cachot plein de vermine, Aziz-Eddin, un de mes Miniftres, vint promptement pour me fecourir. Il endormit Ali-Beg; &, pendant que ce Prince détournoit les je rappellai tout mon courage. Aidé du bras de la valeur armé d'une épée, je forçai

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yeux,

mes Gardes & je recouvrai ma liberté. Ainfi Nezam-Almoulk délivra le Sultan MélikChah des fers de Kiffer (1).

Un Miniftre tel que je viens de le dépeindre, mérite d'être traité comme un Collégue à l'Empire, on ne fçauroit trop l'honorer, trop déférer à fes difcours. Tout ce qui fort de fa bouche eft infpiré par la fageffe.

Le Miniftre équitable d'un Monarque oppreffeur, peut réparer toutes les injuftices de fon Maître ; mais, fi le Miniftre eft luimême un brigand, le Gouvernement tombera dans la plus affreufe confufion.

(1) De l'Empereur Grec. ( Cæfar) Voyez la Bibl. Orientale. p. 542 & 543.

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