Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Je les refpectai & les honorai. Les hommes braves furent mes amis; car le Très-Haut chérit les braves. Je me liai avec les Sçavans & je recherchai l'affection de ceux qui avoient l'ame noble. Je recourus à eux, & leur bénédiction me valut la victoire. Je protégeai les Derviches & les Fakirs. Je me gardai bien de leur caufer le plus léger cha grin, & je ne leur fis éprouver aucun refus. Ceux qui parloient mal d'autrui furent exclus de ma Cour. Leurs propos ne furent d'aucun poids, & je ne prêtai jamais l'oreille à leurs calomnies.

80.Je fus conftant dans mes entreprises. Un projet, quel qu'il fût, quand une fois je l'avois embraffé, captiva toute mon attention, & je ne l'abandonnai jamais qu'il ne m'eût réuffi. Ma conduite ne démentit point mes difcours & je n'agis point avec rigueur. Je ne vexai perfonne, de peur que le Tout-Puiffant ne me traitât févèrement & ne m'accablât du poids de mes propres

actions.

[ocr errors]

J'interrogeai les Sçavans, pour connoître quels ont été les Réglemens des anciens

Princes, depuis Adam jufqu'à Mohammed, le fceau des Prophêtes, & depuis ce dernier jufqu'à nos jours. Les manières la con

[ocr errors]
[ocr errors]

duite les actions & les difcours de ces Princes, pénétrèrent fort avant dans mon cœur. Je me propofai d'imiter leurs qualités les plus louables, & les plus beaux traits de leur vie. J'étudiai, pour mon instruction les caufes de la décadence de leur fortune, & je tâchai d'éviter les fautes qu'ils avoient commifes. J'eus foin de m'abftenir des concuffions, de l'oppreffion; je n'ignorois pas que ce font de ces crimes qui produifent des famines & des fléaux de toute espèce, & qui fauchent des races entières.

9o. Je connus l'état du peuple. Je regardai les Grands comme mes frères & les Petits comme mes enfans. Je fçus me plier aux mœurs & au caractère de chaque Province & de chaque Ville. Je gagnai l'amitié de mes nouveaux fujets, & de ceux qui tenoient le premier rang parmi eux. Je leur donnai des Gouverneurs accoutumés à leurs mœurs & à leurs coutumes & qui avoient déjà leurs fuffrages. Je connus l'état

[ocr errors]
[ocr errors]

des habitans de chaque Province en particulier. J'établis dans chaque contrée de mon Empire un homme d'une probité reconnue, pour me rendre compte des actions & de la conduite du Peuple & des Soldats, & m'inftruire de tous les événemens imprévus qui pouvoient m'intéreffer. Si je découvrois la moindre fauffeté dans fes relations, je le puniffois très-rigoureusement. Dès que j'apprenois un acte de vexation ou de cruauté commis par le Gouverneur, les Soldats ou le Peuple, je déployois fur le coupable toute févérité de la Juftice.

ja

[ocr errors]

100. Quand une Tribu, une Horde Turque (1), Arabe, Perfane ou Etrangère (2), fè rangeoit fous mon obéiffance, je recevois fes Princes avec honneur; quant aux autres, je les accueillois fuivant leur mérite; je traitois les bons avec bonté, & je livrois les méchans à leur propre malignité.

Quiconque m'accordoit fon amitié étoit sûr de ne point avoir à s'en repentir. Je lui

(1) C'est-à-dire, une horde du Mogol, ou, peutêtre, du Turquestan,

(2) Adjem & Tatchic. Voyez la Table alphabet.

'donnois des témoignages de bienveillance & de générofité. Les fervices qui m'avoient été rendus, ne reftoient pas fans récompenfe. Enfin l'homme qui, ayant été mon ennemi, étoit affligé de fes torts, & venoit implorer ma protection, obtenoit grace, & trouvoit en moi un bienfaiteur & un ami.

Ce fut ainfi que j'en agis avec Chir Behram. Ce Chef de Tribu, après m'avoir accompagné, m'abandonna au moment de l'action. Il fe laiffa emporter au désir du butin, & tira l'épée contre moi. A la fin il se fouvint d'avoir mangé mon fel (1), ( il

(1) Mot à mot: Mon fel le faifit. C'est-à-dire qu'il fe rappella d'avoir été au service de Timour & nourri par ce Prince. On appelle, chez les Orientaux, Droit du fel l'efpèce d'alliance que deux perfonnes contractent en mangeant ensemble. Rien de plus facré que ce droit; il anéantit les haines les plus invétérées. On fçait avec quel acharnement les Arabes poursuivent les meurtriers de leurs parens. C'eft parmi eux autant un devoir qu'un honneur ; & la fatisfaction qu'ils en tirent s'appelle Vengeance du fang. Néanmoins, fi le meurtrier peut parvenir à manger avec fon Adverfaire, ou feulement à lui présenter le pain & le fel, toute animofité s'éteint entr'eux. (D'Arvieux, Voyag, en Arabie. t. 3.)

fentit des remords ) & revint implorer, ma clémence. C'étoit un Guerrier de race illuftre, non moins expérimenté qu'intrépide. Je fermai les yeux fur fa faute; je la lui pardonnai en faveur de fon courage, & je l'élevai à un grade fupérieur à celui qu'il occupoit auparavant, pour mieux lui montrer mon affection.

11o, Enfans, petits-enfans, amis, alliés, tous ceux qui avoient avec moi quelque liaifon, eurent part à mes bienfaits. L'éclat de ma fortune ne me fit oublier perfonne; chacun recevoit ce qui lui étoit dû. La clémence eut auffi des droits fur mon cœur. Je refpectai dans mes fils & dans mes petitsfils les liens du fang, & je n'attentai point à leur vie, ni même à leur liberté (1).

(1) Timour ne fe démentit jamais. Plufieurs de fes enfans & de fes parens se révoltèrent contre lui, & il fubftitua toujours la grace au châtiment. Note de l'Editeur Angl.

Nous lifons cependant, Hift. de Timurbec, Tom. III. p. 326, que Timour, ayant mis le fiège devant Damas, le Sultan Hossain, son petit-fils, se jetta dans le parti des Syriens. A la prise de la ville, ce jeune

« AnteriorContinuar »