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été souvent cité par les savans de tous les pays, comme une autorité irrécusable: et nous pouvons rendre aisément raison d'un pareil succès.

Ce n'est pas que sa doctrine ait donné plus de satisfaction à l'esprit de ceux qui l'ont cité, qu'à nousmêmes c'est vraiment parce que la jalousie du pouvoir a toujours besoin d'arrêter les regards sur la médiocrité qui ne lui fait point d'ombrage, dont elle se sert avec adresse pour écarter le mérite réel dont elle tient la place, et qui n'a rien de maniable dans la distribution des suffrages. C'est encore pour mille autres raisons, que nous pourrions développer avec évidence, si les amis de la vérité ne devaient pas toujours préférer l'instruction à la correction.

Neminem benter nominem, nisi ut laudem; sed nec peccata reprehenderem, nisi ut aliis prodessem.

Le traducteur français fait quelques remarques judicieuses sur le chapitre des conjonctions du grand écuyer Jacques Harris: mais il est évident que sa traduction, ainsi que le texte, n'est qu'un farrago de citations d'hommes en crédit, qui ne peuvent avoir là aucune autorité, puisqu'ils ont pu admettre, comme une vérité, qu'il y ait une partie du discours, qui par elle-même n'ait aucune signification particulière (1) ..

Citer en preuve d'une pareille assertion, Appollon liv. 4 chap. 5 pag. 313.

Gaza liv. 4 de prepos.

(1) Trad. de Harris, pag. 248.

et Pris. liv. 14. pag. 983, c'est entasser de nouvelles ténèbres sur la route qui conduit à la vérité.

Jeunes écrivains, qui montrez souvent du zèle pour la justice, qui paraissez aimer le travail, et prendre plaisir à vaincre des obstacles, laissez-là, nous vous en conjurons, avec instance, laissez - là toutes ces opinions d'emprunt qui vous égarent. Soyez vous, tout entier,

L'ami de la vérité a cherché dans votre ouvrage ce qu'il n'y a point trouvé ; il y a rencontré souvent ce qu'il n'y cherchait pas.

Vous écrivez sur la grammaire, et vous n'avez point, dites-vous, la prétention ridicule de devancer des grammairiens qui vous ont précédé? Des grammairiens, tels que Condillac. Que vous avez peu approfondi un pareil sujet, si vous croyez que l'abbé de Condillac ait fait autre chose que de répéter les opinions de tous ceux qui avaient écrit avant lui sur la grammaire; aucune découverte qui lui appar

tienne.

Rien n'est plus cavalier que la méthode de l'abbé de Condillac, lorsqu'il rencontre des difficultés qu'il ne peut se cacher à soi-même, et que trente ans d'études étymologiques ont à peine laissé entrevoir à des hommes qui en ont fait l'unique abjet de leurs recherches. Je parle de la découverte du sens direct et immuable de toutes les prépositions qui sont des mots significatifs, noms ou verbes, dont on a perdų le sens, ou plutôt qui se retrouvent noms ou verbes,

dans toutes les langues où l'analyse étymologique peut les saisir.

"Vous jugez bien, monseigneur, dit labbé de Condillac à son élève, « que je ne me propose pas "d'analyser les acceptions de toutes les préposi

» tions".

Et il ajoute, d'un ton doctoral :

"En voilà assez, monseigneur. ",

"Il est inutile, monseigneur, de faire l'énumé"ration de toutes les conjonctions".

-"Je ne crois pas, monseigneur, qu'il y ait rien "de plus à remarquer sur les conjonctions".

Et toutefois il n'a rien dit! Votre abbé de Condillac est un écrivain très ordinaire, et quia tepidus .....

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Quelle étrange logique que celle de M. Harris! Les Grecs, dit-il, suppléent à l'article un, qu'ils n'ont pas, par la négation (ou suppression, comme l'a rendu son traducteur) de leur article o.

Ainsi Guillaume Malmesbury, suivant la politique des nobles lords, et les principes de son illustre père, voulait suppléer aux pertes que la guerre qu'ils nous ont suscitée, nous a fait éprouver, en nouș supprimant la Belgique ou les colonies.

Prêtez quelque attention aux motifs, qui, suivant Harris, ont déterminé les grammairiens à fixer le genre des mots,

C'est, dit-il, une espèce de raisonnement subtil (1), qui fit appercevoir dans les choses même qui n'ont pas de sexe, une espèce d'analogie éloignée, avec cette grande distinction naturelle, qui, suivant l'expression de Milton est le principe de la vie de tous les êtres.

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Sur ce principe, des deux magnifiques flambeaux " qui éclairent le monde, l'un a été considéré comme "masculin et l'autre féminin. Le soleil sol, the sun,) , comme masculin, parce qu'il communique sa lu,,mière qui est sa propriété particulière et naturelle; ,, et aussi à cause de la chaleur fécondante, et de l'énergie de ses rayons. La lune (luna, the moon) "comme nom féminin, parce qu'elle ne fait que " récevoir la lumière d'un autre corps et aussi "parce que ses rayons ont moins de force et sont " plus doux, 19.

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Et là-dessus, il cite Virgile, Sénèque, Aristote sur la génération, Démosthène, Homère, Callimaque, Shakespear, Milton et d'autres encore,

» qu'on ne s'attendait guère

A voir briller en cette affaire,

O fureur de parler et d'enseigner en beau style et avec le meilleur goût, les choses que hous ignorons; comment Harris a t-il pu décréter en principe et

(1) A subtle kind of reasoning.

tomme faits démontrés dont il a tiré de si bisarres conséquences, que le genre des noms avait été fixé par analogie avec la grande distinction des sexes?

Harris n'est pas heureux dans les deux exemples dont il autorise sa grande découverte.

Le soleil, sunna vel sunne en anglo-saxon, (dont sun, soleil, en anglais, est immédiatement dérivé; est du genre féminin.

La lune, mona, (d'où moune ou moon est dérivé,) était du genre masculin chez les saxons.

Le soleil, dans l'ancienne mythologie du nord, était tellement du genre féminin, qu'ils eu faisaient la femme de Tuisco.

Citons, à votre exemple, d'irrécusables autorités.

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Obiter tamen observet lector ut ut minuta res est, solem (sunna vel sunne) in anglo-saxonica esse. feminini generis, et lunam, Mona, esse masculini. G. Hikes.

Quomodo item sol est virile, germanicum sunn, femininum, Dicunt enim die sunn, non der sunn. Unde et solem Tuisconis uxorem fuisse fabulantur. G. V. Vossius.

Encore une citation: Rien ne recule plus le "progrès des connaissances qu'un mauvais ouvrage " d'un auteur célèbre, parce qu'avant d'instruire il " faut détromper. "

N'avez-vous pas lu, docteur Prestley, que celui

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