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nées. Il est vrai que j'ai dit, et c'est dans la dernière séance, que dans le vouloir il y avait toujours lumière, c'est-à-dire, que le cœur ne voulait pas, sans que l'esprit avertît le cœur.

Il est vrai que le cœur est une sorte de principe d'opérations aveugles, qui a besoin d'être déterminé par les lumières de l'esprit. Le cœur ne veut jamais que ce qu'il croit bon et agréable, il ne peut même vouloir que que ce qu'il croit bon. Il faut donc voir ce qui est agréable. Cela est extrêmement rapide, sans doute; mais il y a toujours lumière, et c'est l'esprit qui montre au cœur ce qui lui convient. Cependant, me dit le citoyen, voilà deux opérations: or, deux opérations empêchent la simplicité. Si ces deux opérations appartenaient au même principe; oui, sans doute mais, dès que vous convenez avec moi que le voir appartient à l'esprit, il faudra alors comparer la volonté du cœur, que je dis et que j'affirme simple, à un aveugle qui n'en est pas moins un individu tout seul, quoiqu'il soit conduit par un autre. Ainsi il n'en résultera pas moins que le vouloir dont je parle, est aussi simple que l'idéer et que le voir; mais je dirai seulement qu'il suppose la lumière de l'esprit ainsi tout se réduit à cela ; il y a concours de deux opérations, mais elles ne se trouvent pas dans le même principe. Voilà, citoyens, ce que j'avais à répondre.

Un élève. Dans la dernière séance, on a déterminé la prononciation des mots vendémiaire, ventôse, solemnel, indemnité. J'ai considéré que, dans le langage, il

fallait éviter les irrégularités. J'ai observé que les mots solemnité, solemnel, qui viennent du mot latin solemnis, solemnitas, ne se prononcent pas solemnel, solemnité, mais solanel, solanité; je crois qu'il faut également prononcer indamnité avec le son de l'a.

LE PROFESSEUR. Je le pense comme vous, citoyen.

VINGT-NEUVIÈME SÉANCE.

( 9 Floréal.)

ART DE LA PAROLE.

SICARD, Professeur.

Claus olles. Le systême des tems que vous avez adopté dans votre dernière leçon, me paraît un nouveau triomphe de la raison sur des préjugés d'autant plus difficiles à détruire, qu'ils sont comme consacrés par une longue suite de siècles, et par des suffrages, en quelque sorte, respectables. Mais des suffrages ne sont que des probabilités, et des probabilités ne sont des raisons.

pas

Parmi les savans de l'antiquité, Varron est le premier, il est même le seul qui ait vraiment pénétré l'économie systématique des tems. Plein d'érudition et d'esprit, ce philosophe, en combinant les formes

temporelles, en découvrit, pour ainsi dire, le germe, sans lui donner un développement qui seul pouvai en faire sentir tout le prix. Il n'avait pas assez de méthaphysique pour cela; parce qu'elle n'était pas du ton de son siècle. Il était réservé au nôtre de nous montrer un philosophe capable, en lisant Varron, de saisir la découverte, et de la présenter dans tout son jour.

Vous sentez assez que c'est de Beauzée que je veux parler; ce grammairien profond me paraît, en effet, avoir débrouillé la complication des formes temporelles dans le systême que vous nous en avez présenté. Comme vous, CONDILLAC et FROMENT ont applaudi à ce systême ingénieux, sans oser néanmoins l'embrasser. Plusieurs pourraient peut-être penser comme ces grands hommes, et la vérité peut-être aussi rester dans les ténèbres ou dans l'oubli.

C'est pour concourir à son triomphe, que j'ai cru devoir ouvrir la discussion sur ce point de grammaire, le plus épineux peut-être de tous. Les objections qui se présentent d'abord contre ce systême sont peut-être les plus fortes, et leur solation ne peut que servir infiniment à répandre du jour et à fixer déterminément la doctrine sur les TEMS des verbes.

1o. Suivant vous, la simultanéité de l'existence établit le présent. D'après ce principe, il n'y aura plus que des PRÉSENS. Car tout ce qui est arrivé, ou qui arrivera, est simultané à l'instant où cela a été fait, ou à celui auquel ce sera fait. Dès-lors, il n'y aura plus ni PASSÉ, ni FUTUR; ce qui est absurde..

LE PROFESSEUR. Suivant moi, dit le citoyen Clauolles, la simultanéité de l'existence établit le PRÉSENT. Il aurait fallu ajouter pour l'exactitude : la simultanéité de l'existence AVEC L'INSTANT DE LA PAROLE, OU AVEC TOUTE AUTRE ÉPOQUE. D'après ce principe, ajoute le citoyen, il n'y aura plus que des PRÉSENS, ce qui lui paraît absurde, et qui le serait en effet.

Le citoyen Claus olles nous a prévenus qu'il allait présenter les objections les plus fortes contre notre systême; mais c'est après en avoir fait le plus grand éloge. Ainsi nous sommes fixés sur le degré d'importance qu'il donne lui-même aux objections qu'il nous a annoncées.

Mais ce qui est fait pour surprendre, c'est que CONDILLAC ait fait sérieusement l'objection proposée, et que ce soit précisément cette apparente contradiction qui lui ait fait rejetter ce systême dout il avait fait également l'éloge. Comment ce profond métaphysicien, qui a répandu une si grande lumière sur le génie des langues, n'a-t-il pas vu la solution de cette difficulté ?

Il y a sans doute dans la durée des portions de tems pour lesquelles nous n'existons plus, qui se sout écoulées devant nous, comme l'eau d un torrent, comme l'éclair qui a silloné la nue, d'autres portions) pour lesquelles nous n'existons pas encore ; une portion qui s'engloutit avec les précédentes dans les abîmes de l'éternité, au moment même où nous nous en entretenons. Il y a donc un tems PASSÉ, un tems PRÉSENT, un tems FUTUR. Quelle est la mesure qui

nous fait distinguer ces trois tems si différens? La première mesure est l'époque de l'instant de la pa

role.

Tout ce qui est antérieur à cet instant, tout ce qui a précédé cet instant a existé sans doute, mais n'existe plus et est passé. Le tems de cette existence est donc un TEMS PASSÉ. Ainsi j'AI PORTÉ est un tems PASSÉ.

Tout ce qui est simultané avec l'instant de la parole, tout ce qui se fait au moment où l'on dit que cela se fait, tout ce qui existe quand on dit que cela existe, est actuel, est présent et devant nous; le tems de cette existence est donc un TEMS PRÉSENT.

Tout ce qui est postérieur à l'instant de la parole, tout ce qui suit cet instant, tout ce qui existera après qu'on en aura annoncé l'existence, est à venir, est futur, quand il n'existe pas encore le tems de cette existence est donc un tems FUTUR.

Voilà trois tems bien distinctifs, et qui certainement ne sont pas des PRÉSENS, un seul l'est véritablement. L'un des deux autres est un PASSÉ, et l'autre

est un FUTUR.

Il est vrai qu'outre ce PRÉSENT, il y a dans notre systême, d'autres PRÉSENS. Mais qu'est-ce que ces présens? sont-ils semblables entr'eux, sont-ils présens comme l'est celui dont nous venons de parler ? C'est ici toute la force de l'objection proposée.

A proprement parler, il n'y a, il ne peut y avoir qu'un seul présent; c'est le tems de l'existence, simultané avec une époque quelconque.

Ce tems est présent ABSOLU quand il n'est relatif à auçune époque déterminée, parce qu'alors c'est seu

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