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il regardoit le ciel, & les cordes fe rompoient. On y emploïa des cordes plus fortes & de chanvre ; mais elles fe rompoient, fi-tôt qu'il invoquoit le nom de Jefus-Chrift. Etant même pendu par un pied la tête en bas, on le voïoit dormir comme fur un lit de plume. Theodoric son maître lui vouloit faire couper la tête; mais Jocondus prêtre Arien, qui étoit à lui, l'en détourna, difant: Vous pouvez le faire mourir par divers fupplices; mais fi vous lui faites couper la tête, les Romains commenceront à le reconnoître pour martyr. Par tout l'empire les barbares nommoient Romains, les anciens habitans des provinces. Theodoric envoïa donc Armogafte dans la province Byzacene travailler à creufer la terre. Puis pour lui faire plus de honte, il le fit venir auprès de Carthage & garder des vaches. Le confeffeur aïant eu revelation, que fa mort étoit proche, dit à un catholique nommé Felix intendant du prince: Je vous prie de m'enterrer fous ce chefne, finon vous en rendrez compte à Dieu. Felix qui le regardoit comme un apôtre, repondit : Dieu m'en garde. Je vous enterrerai dans une église avec l'honneur que vous meritez. Armogafte infista, & Felix le promit, pour ne le pas contrifter. Le faint confeffeur mourut peu de jours après. Felix commença à creufer au pied de l'arbre; mais la dureté de la terre & des racines l'arrêtoient. Enfin les aïant coupées, & foüillant plus avant, il trouva un cercueil d'un marbre très fin, qui fembloit être mis exprès.

Un nommé Archinimus de la ville de Mafcula fut attaqué par divers artifices, pour renoncer à la sff.iij

foi catholique : le roi lui-même le flatoit, & lui promettoit de le combler de richeffes. Enfin il le condamna à perdre la tête; mais voulant le priver de la gloire du martyr, il donna un ordre secret : que si au moment de l'execution il témoignoit de la crainte, on le fit mourir, s'il demeuroit ferme, on l'épargnât. Le confeffeur témoigna une conftance inébranlable, & on le laiffa en vie.

Satur intendant de la Maison d'Huneric, parloit fouvent avec liberté contre l'Arianifme. Un diacre Arien nommé Marivade, ou Varimade, l'aïant dénoncé, Huneric le preffa de fe faire Arien : le me naçant s'il n'obeïffoit, de lui ôter sa maison, fes biens, fes efclaves, fes enfans, fa femme même; & la faire épouser en fa presence à un gardeur de cha meaux. Satur fe foumit à tout; mais fa femme à fon infçû demanda du tems. Elle vint le trouver en un lieu, où il prioit à l'écart; elle avoit les habits déchirez, les cheveux épars, fes enfans l'accompa gnoient, & elle tenoit entre fes bras une petite fille qui tetoit encore. Elle la jetta aux pieds de fon mari, fans qu'il s'en apperçût, & lui embraffant les genoux, lui dit: Aïez pitié de vous, de moi & de nos enfans; ne les reduisez pas à la fervitude; nous fommes d'une race noble; ne m'exposez pas moi même à un mariage infâme de vôtre vivant. Dieu voit bien que vous ferez ceci par force. Il lui répondit, par les paroles de Job: Vous parlez comme une femme Job. 11. 10. infenfée. Si vous m'aimiez, vous ne me pousseriez pas à une feconde mort. Que l'on faffe ce que l'on voudra je me fouviendrai toûjours des paroles du

Seigneur : Quiconque ne quitte pas fa femme, fes enfans, fes terres, fa maison, ne peut être mon difciple. On le dépoüilla de tout, & on le reduifit à la mendicité, avec défense même de fortir. L'Eglife honore ces trois martyrs le vingt-neuviéme de Mars.

Luc. XIV. 26.

Mari.

Ensuite Genseric fit fermer l'églife de Carthage, Martyr. R. 29 & bannit en divers lieux les prêtres & les miniftres; car il n'y avoit point d'évêque. Ce qui dura jufqu'au tems de l'empereur Zenon. Genferic fit même beaucoup de maux aux catholiques de plufieurs provinces hors l'Afrique, en Espagne, en Italie, particulierement dans la partie méridionale, en Sicile, en Sardaigne, en Grece, en Epire, en Dalmatie & jusques dans la Venetie. Car s'étant fortifié par le fecours des Maures; après la mort de Valantinien, il Procep. 1. Van envoïoit tous les ans au printems des vaisseaux faire des defcentes, tantôt en Italie, tantôt en Sicile, tantôt aux provinces de l'empire d'Orient pillant par tout, emmenant un grand nombre de captifs, & ruïnant des villes entieres.

dat. c. 5.

le

L'imperatrice Eudocie veuve de Theodofe, qui étoit à Jerufalem, apprit avec une fenfible douleur tout ce qui s'étoit paffé à Rome, la mort violente p. de l'empereur Valentinien fon gendre, l'irruption des Vandales, la captivité de fa fille Eudoxie, & de fes petites filles emmenées à Carthage. D'ailleurs fon frere Valere & Olybrius gendre de sa fille, lui écrivoient fouvent de fe feparer des Eutychiens, & de rentrer dans la communion de l'église catholique. Elle étoit dans une grande peine d'efprit, ne voulant pas agir contre la conscience, & preferer

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l'affection de fes parens à ce qu'elle croïoit la vraïe foi. Elle réfolut donc de confulter les folitaires les plus renommés. Elle envoïa Anaftale corévêque de Jerufalem à Antioche vers S. Simeon Stylite, qui étoit alors une grande lumiere de l'églife, lui écrivit l'état de fon ame, & lui demanda confeil. Il répondit: Sachez que le démon voïant la richesse de vos vertus, a voulu vous cribler comme le froment, & le pernicieux Theodose, lui servant distrument, à rempli vôtre ame de tenebres & de trouble. Mais courage, vôtre foi n'a pas manqué. Au reste je métonne fort, qu'étant fi près de la fource, vous veniez chercher un ruiffeau filoin. Vous avez le divin Euthymius, fuivez les inftructions, vous ferez fauvée.

Eudocie aïant reçu cette reponse, & fachant que saint Euthymius n'entroit point dans les villes, fit bâtir une tour au plus haut défert d'Orient, à trente ftades de fa laure, vers le midi; afin de pouvoir l'y entretenir fouvent. Elle l'envoïa chercher par Cofme gardien de la croix, ave le corévêque Anaftafe. Ils ne le trouverent point à fa laure: parce que fur cette nouvelle il s'étoit retiré à Rouban: ils prirent avec eux Theoctiste fon disciple, & l'aïant trouvé après beaucoup de prieres, ils lui perfuaderent à grande peine de venir à la tour, que l'on venoit de bâtir; & où l'on fit depuis un monaftere. L'imperatrice fut ravie de voir le faint, & le jettant à fes pieds, elle dit : je vois maintenant que Dieu m'a vifitée par vôtre prefence Le faint 1.66 vieillard après lui avoir donné fa benediction, lui dit: Ma fille, prenez garde à vous déformais Ces

malheurs

malheurs fi funeftes vous font arrivez en Italie, par ce que vous vous êtes laiffée feduire à la malice de Theodose. Quittez donc cette opiniâtreté déraisonnable; & outre les trois conciles écumeniques de Nicée contre Arius, de C P. contre Macedonius, d'Ephese contre Neftorius, recevez aussi la définition de celui de Calcedoine; retirez-vous de la communion de Diofcore, & embraffez celle de Juvenal. Aïant ainsi parlé, il lui donna sa benediction, prit congé d'elle & fe retira.

Eudocie admirant fa vertu, executa ce qu'il avoit dit, comme si Dieu fui eût parlé de fa bouche. Elle retourna auffi-tôt à Jerufalem; & par le moïen des prêtres Cofme & Anaftafe, elle fe réunit à l'archevêque Juvenal & à l'églife catholique. Son exemple attira une grande multitude de laïques & de moines, que Theodofe avoit feduits. L'abbé Elpide fe réünit; mais Geronce demeura dans le fchifme avec un grand peuple, qu'il entraîna, même deux moiMarcien & Romain, qui quitterent l'abbé Elpide, & fonderent enfuite des monasteres, l'un à Bethlehem, l'autre à Thecué.

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