wwwwwww ACTE SECOND. SCÈNE I. CLYTEMNESTRE, SA NOURRICE. CLYTEMNESTRE. Pourquoi faiblir, ô mon âme! et penser au parti le plus sûr? pourquoi balancer? maintenant la meilleure voie t'est fermée. Le temps n'est plus où tu pouvais garder la foi du lit nuptial, et conserver fidèlement à ton époux le sceptre qu'il a remis en tes mains pour le temps de son absence. Vertu, honneur, droits de l'hymen, tendresse et fidélité conjugale, tu as tout sacrifié, ainsi que la pudeur qui ne revient plus quand on l'a une fois bannie. Lâche donc le frein à tes passions, excite-les même, et livre-toi tout entière au penchant qui t'entraîne dans le mal: c'est par le crime seulement qu'on peut assurer ses pas dans la carrière du crime. Repasse dans ton esprit toutes les perfidies de ton sexe; rappelletoi ce que des femmes infidèles ont osé, dans l'égarement d'un amour coupable; la violence des marâtres; les forfaits de la vierge du Phase que l'ardeur d'une flamme criminelle emporta loin des états de son père sur le vaisseau de Thessalie; le fer, le poison. Quitte aussi le palais NUTRIX. Regina Danaum, et inclytum Ledæ genus, Licet ipsa sileas, totus in vultu est dolor, CLYTEMNESTRA. Majora cruciant, quam ut moras possim pati. Mixtus dolori subdidit stimulos timor. Invidia pulsat pectus: hinc animum jugo Ut quum hinc profundum ventus, hinc æstus rapit, Proinde omisi regimen e manibus meis. de Mycènes, avec ton amant, sur un vaisseau rapide.... Mais quelle faiblesse ! peux-tu bien parler d'exil et de fuite secrète ? c'est l'histoire de ta sœur : il te faut, à toi, de plus grands crimes. LA NOURRICE. Reine des Grecs, noble fille de Léda, quelles secrètes pensées roulez-vous dans votre âme? quels sont ces mouvemens pleins de violence qui agitent votre cœur, et cette fureur qui vous domine? Malgré votre silence, le trouble de votre âme paraît tout entier sur votre visage. Quoi que ce puisse être, attendez, et ne précipitez rien. Les maux que la raison peut guérir, souvent dans le temps trouvent un remède. CLYTEMNESTRE. Mes tourmens sont trop vifs pour supporter aucun retard. Je sens un feu terrible qui brûle mon cœur et la moelle de mes os. La crainte m'aiguillonne autant que le dépit. D'un côté, mon cœur est en proie à la jalousie; de l'autre, il est subjugué par une passion honteuse, à laquelle je n'ose me livrer. Entre ces deux flammes qui me brûlent également, quoique affaiblie, sans force et déjà vaincue, ma pudeur se révolte encore : je suis prise entre deux forces contraires, comme une mer que le vent et le flux se disputent, et qui demeure immobile, ne sachant à laquelle de ces deux puissances elle doit obéir. Aussi j'ai laissé tomber de mes mains le gouvernail, et je me laisse aller où la jalousie, le dépit, l'espérance me conduiront. J'abandonne mon navire au caprice des flots. Le cœur une fois égaré, le meilleur guide à suivre, c'es le hasard. NUTRIX. Cæca est temeritas, quæ petit casum ducem. CLYTEMNESTRA. Cui ultima est fortuna, quid dubiam timet? NUTRIX. Tuta est, latetque culpa, si pateris, tua. CLYTEMNESTRA. Perlucet omne regiæ vitium domus. NUTRIX. Piget prioris, et novum crimen struis! CLYTEMNESTRA. Res est profecto stulta, nequitiæ modus. NUTRIX. Quod metuit, auget, qui scelus scelere obruit. CLYTEMNESTRA. Et ferrum, et ignis sæpe medicinæ loco est. NUTRIX. Extrema primo nemo tentavit loco. CLYTEMNESTRA. Rapienda rebus in malis præceps via est. NUTRIX. At te reflectat conjugii nomen sacrum. LA NOURRICE. La témérité seule et l'aveuglement peuvent choisir un pareil guide. CLYTEMNESTRE. Quand on est au comble du malheur, il n'y a plus de dangers à courir. Vous n'avez rien à craindre, en vous montrant calme, et votre faute reste à couvert. CLYTEMNESTRE. Non, le palais des rois est transparent, et le vice ne peut s'y cacher. Vous regrettez un premier crime, et vous en méditez un autre ! CLYTEM NESTRE. C'est une folie de vouloir s'arrêter sur une telle route. LA NOURRICE. Mettre crime sur crime, c'est ajouter à ses alarmes. CLYTEMNESTRE. Le fer, le feu tiennent souvent lieu de remèdes. 'LA NOURRICE. Mais ce n'est jamais dans les premiers momens qu'on emploie ces moyens extrêmes. CLYTEMNESTRE. Dans le malheur, il faut se jeter dans la voie la plus courte. LA NOURRICE. Pensez donc à la sainteté du nœud conjugal. |