mens voici le moment de vous acquitter envers moi : pesez tous mes bienfaits, la mort que vous me donnerez en sera le juste prix. SCÈNE III. ALCMÈNE, HERCULE. ALCMÈNE. Malheureuse mère d'Alcide! où me faut-il aller? où est mon fils, où est-il? Si mes yeux ne m'abusent pas, le voici renversé à terre, haletant et plein d'agitation. Il gémit, c'en est fait. Laisse-moi t'embrasser pour la dernière fois, ô mon fils! et recueillir sur tes lèvres ton âme expirante; ouvre-moi tes bras. Mais où sont tes membres ? où sont ces épaules vigoureuses qui ont porté le ciel et ses astres? quelle affreuse puissance t'a réduit à si peu de chose? HERCULE. Oui, je suis Hercule, ô ma mère! mais il ne reste de moi qu'une ombre, un je ne sais quoi qui n'a pas de nom. Pourquoi couvrir et détourner vos yeux? rougissez-vous de m'avouer pour votre fils? ALCMÈNE. Quel monde, quelle terre a produit le monstre nouveau qui t'a détruit? quelle puissance exécrable triomphe ainsi de toi? quel est le vainqueur d'Hercule? HERCULES. Nuptæ jacentem cernis Alciden dolis. ALCMENA. Quis tantus est, qui vincat Alciden, dolus? O mater, Hydram, et mille cum Lerna feras Quæ tanta nubes flamma Sicanias bibit? In ipsa me jactate, proh comites, freta, Mediosque in amnes qui sat est Ister mihi? HERCULE. Il succombe sous la perfidie de son épouse. ALCMÈNE. Mais quelle perfidie assez grande pour triompher d'Hercule? HERCULE. Celle qui devait assouvir la vengeance d'une femme irritée. ALCMÈNE. Mais comment le poison a-t-il pénétré dans ton corps? HERCULE. La robe qu'elle m'a fait revêtir en était imprégnée. ALCMÈNE. Où est cette robe? aucun vêtement ne couvre ton corps. HERCULE. Elle s'est consumée avec ma chair. ALCMÈNE. Peut-il exister un poison aussi terrible? HERCULE. Croyez, ô ma mère ! que je que je sens au fond de mes entrailles l'hydre de Lerne, et mille autres monstres avec elle. Le volcan de Sicile ne lance point contre le ciel d'aussi brûlantes flammes: moins ardentes sont les forges de Lemnos; moins vifs sont les feux de la zône torride, où le dieu du jour demeure éternellement arrêté. Chers amis, jetez-moi, de grâce, au sein des mers, au milieu des fleuves. Le Danube aurait-il assez d'eau pour moi? non, l'Océan lui-même, plus grand que la terre, n'é Deficiet humor, omnis arescet latex. ALCMENA. Compesce lacrimas saltem, et ærumnas doma, HERCULES. Si me catenis horridus vinctum suis Ferrem ruinæ. Pindus incumbat mihi Solum quoque ingens, surgat hinc illinc frequens, teindrait pas l'ardeur qui me dévore. C'est un feu capable de tarir toutes les sources, de dessécher tous les fleuves. Pourquoi, dieu de l'Érèbe, m'as-tu rendu à Jupiter? il fallait me garder. Reprends-moi dans tes ténèbres; montre-moi, dans l'état où je suis, à l'enfer que j'ai vaincu. Je n'emporterai plus rien de ton empire; pourquoi craindre encore Alcide? O mort! saisis-moi sans crainte maintenant je puis mourir. ALCMÈNE. Sèche au moins tes larmes, et surmonte la douleur ; montre-toi invincible à tant de maux; triomphe de la mort, et mets sous tes pieds les enfers comme tu l'as déjà fait. HERCULE. Si j'étais enchaîné sur les roches du Caucase, et livré en proie au vautour dévorant, et que je visse les Scythes pleurer autour de moi, je ne pleurerais pas. Si j'étais pris entre les Symplégades errantes, je souffrirais sans gémir leur entrechoquement terrible. Je me laisserais écraser sous le poids du Pinde, de l'Émus, de l'Athos qui brise les flots de la mer de Thrace, et du Mimas si souvent frappé de la foudre de Jupiter. Quand le monde entier tomberait sur moi, quand le char du Soleil s'abattrait embrasé sur ma tête, aucune plainte indigne de moi ne m'échapperait. Que mille bêtes féroces m'attaquent et me déchirent à la fois; que, d'un côté, les oiseaux du Stymphale m'assaillent avec un bruit terrible; que le taureau menaçant me frappe de toute la force de ses cornes; que chaque monstre effroyable se multiplie pour me perdre; que Sinis déchire mes membres attachés |