quand les crimes de votre famille l'ont chassé du ciel, et fait venir sur le monde une nuit soudaine en forçant le dieu du jour de ramener ses coursiers en arrière? Pourquoi rejeter votre honte sur les dieux, vous si savant à vous glisser dans la couche des époux, vous dont le courage d'homme n'a éclaté jusqu'ici que dans l'adultère. Fuyez donc au plus vite, délivrez mes yeux de l'opprobre d'une glorieuse maison : ce palais attend mon époux. ÉGISTHE. L'exil n'est pas nouveau pour moi, j'ai l'expérience du malheur. Si vous l'ordonnez, reine, c'est peu de quitter ce palais et cette ville: parlez, et je suis prêt à percer d'une épée ce cœur dévoré de chagrins. CLYTEMNESTRE. Moi, fille de Tyndare, j'aurais la cruauté de donner un ordre semblable? quand on a partagé le crime, on ne trahit pas son complice. Retirons-nous tous deux à l'écart, et cherchons ensemble à résoudre les difficultés de la position menaçante où nous sommes. SCÈNE III. CHOEUR DE FEMMES D'ARGOS. Brillante jeunesse, chantez Apollon. C'est pour toi, dieu puissant, que ces guirlandes parent nos têtes; c'est pour toi que les vierges d'Argos couvrent de branches De more comas innuba fundit Stirps Inachia tu quoque nostros, Monuit sacris celebrare Deos. · Phoebe, relaxa, Humeroque graves levibus telis Pone pharetras; resonetque manu Pulsa citata vocale chelys. Nil acre velim Magnumque modis intonet altis : Pelion Ossa; pinifer ambos Ades, o magni, soror et conjux, de laurier leurs belles chevelures. Joignez-vous à nos chœurs, filles de Thèbes, venues à Argos pour ce grand jour, et vous qui buvez les eaux glacées d'Érasine, ou celles de l'Eurotas, ou celles de l'Ismène qui coule sans bruit sur un lit de verdure, au milieu de ce peuple que la fille de Tirésias, Manto la prophétesse, instruisit à honorer par des sacrifices les deux enfans de Latone. Tu as vaincu, Apollon, la paix est rendue au monde; détends ton arc, et dégage tes épaules de ce carquois rempli de tes flèches rapides. Prends en main ton luth harmonieux, et qu'il vibre sous tes doigts: ne fais point d'abord entendre des sons vifs et hardis sur un mode élevé; mais prélude par ces chants doux que tu modules sur la lyre légère dans tes jeux avec les Muses savantes. Tu peux chanter encore sur un mode plus grave l'hymne dans lequel tu célébras la défaite des Titans par les dieux, ou celui que tu fis entendre quand ces monstres furieux se firent une échelle de montagnes entassées, élevant l'Ossa sur le Pélion, et l'Olympe sur les deux premières, avec ses forêts de pins. Écoute nos vœux, toi l'épouse et la sœur du roi du ciel dont tu partages le sceptre, puissante Junon! C'est ton peuple de Mycènes qui t'invoque aujourd'hui. Toi Tu sollicitum supplexque tui Tibi multifora tibia buxo Solemne canit: tibi fila movent Docta puellæ carmine molli. Tibi votivam matres Graiæ Tuque o magni nata Tonantis Redimita venit. Tibi grandævi lassique senes seule veilles sur Argos inquiète et suppliante au pied de tes autels: la paix et la guerre sont dans tes mains souveraines. Agamemnon te doit son triomphe, reçois l'hommage des lauriers qu'il va t'offrir. C'est pour toi que la flûte harmonieuse fait entendre de solennels accords, pour toi que les vierges savantes de Mycènes accompagnent de doux chants sur la lyre. C'est pour accomplir les vœux qu'elles t'ont faits, que les dames de la Grèce agitent leurs flambeaux mystérieux; c'est sur ton autel que va tomber cette génisse blanche qui n'a jamais traîné la charrue, et dont le cou pur n'est point sillonné par le joug. Et toi, fille du maître de la foudre, glorieuse Pallas, qui plus d'une fois as frappé de ta lance les murs troyens, nos femmes de tout âge se réunissent en chœur pour te rendre hommage, et le prêtre ouvre à ton approche les portes de ton temple: vois cette foule qui s'avance vers tes autels, le front paré de guirlandes. Ces vieillards affaiblis par les ans te rendent grâces d'avoir comblé leurs vœux, et, de leurs mains tremblantes, font en ton honneur des libations de vin. Reçois aussi l'hommage de notre reconnaissance ô Diane! notre voix t'est connue. C'est toi qui affermis Délos chère à Latone: autrefois cyclade errante au gré des vents, cette île tient maintenant à la terre par de 'fortes et profondes racines; les vents ne l'agitent plus, et les vaisseaux qu'elle suivait sur les mers se reposent |