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frère de mon époux vit-il encore? Et ma sœur, dans quels lieux l'as-tu laissée ?

EURYBATE.

Je ne puis que former des vœux et prier les Immortels pour leur salut; car les hasards de la mer ne me laissent rien de certain à vous apprendre sur leur sort. La tempête a divisé notre flotte, et le vaisseau de Ménélas a cessé d'être en vue du nôtre. Agamemnon lui-même, égaré sur la vaste mer, a souffert sur les flots plus de pertes que dans la guerre; il revient comme un vaincu, traînant après lui quelques navires brisés, restes malheureux d'une si grande flotte.

CLYTEMNESTRE.

Raconte-moi cet accident qui a fait périr nos vaisseaux, et la tempête qui a séparé les deux rois.

EURYBATE.

C'est un triste récit que vous me demandez; il faut mêler la douleur à l'heureuse nouvelle que je vous annonce; mon âme attristée se refuse à vous obéir, et se trouble au souvenir de tant de misères.

CLYTEMNESTRE.

Parle; c'est ajouter à ses craintes que de ne vouloir pas entendre le récit de ses malheurs: l'incertitude est un tourment de plus.

EURYBATE.

Dès que Troie tout entière a disparu sous les flammes, les Grecs se partagent les dépouilles, et se hâtent de courir vers la mer. Le soldat, épuisé par tant de fatigues, détache son épée; les boucliers sont jetés sans ordre sur la poupe des vaisseaux, les mains de nos guerriers

Omnisque nimium longa properanti mora est.

Signum recursus regia ut fulsit rate,
Et clara lentum remigem monuit tuba,
Aurata primas prora designat vias,
Aperitque cursus, mille quos puppes secent.
Hinc aura primo lenis impellit rates,

Allapsa velis unda vix actu levi

:

Tranquilla Zephyri mollis afflatu tremit;
Splendetque classe pelagus, et pariter latet.
Juvat videre nuda Trojæ litora,
Juvat relicti sola Sigei loca.

Properat juventus omnis adductos simul
Lentare remos: adjuvat ventos manu,
Et valida nisu brachia alterno movet.
Sulcata vibrant æquora, et latera increpant;
Dirimuntque canæ cærulum spuma mare.

Ut aura plenos fortior tendit sinus,
Posuere tonsas; credita est vento ratis :
Fususque transtris miles, aut terras procul,
Quantum recedunt vela, fugientes notat;
Aut bella narrat; Hectoris fortis minas,
Currusque, et emto redditum corpus rogo :
Sparsum cruore regis Herceum Jovem.

Tunc qui jacente reciprocus ludit salo,
Tumidumque pando transilit dorso mare,
Tyrrhenus omni piscis exsultat freto,
Agitatque gyros, et comes lateri adnatat,

saisissent les rames, et le moindre retard pèse à notre impatience.

A peine le signal du retour a-t-il brillé sur le vaisseau du roi, à peine le son de la trompette a-t-il averti les rameurs, le navire à la proue d'or s'ébranle et ouvre la carrière dans laquelle toute la flotte doit se lancer. D'abord un vent doux enfle nos voiles et nous porte sur les flots c'est à peine si la surface de l'onde est ridée par le souffle du Zéphyr; la mer brille tout ensemble et disparaît sous nos vaisseaux. Nous prenons plaisir à contempler le rivage de Troie maintenant désert, à voir le promontoire de Sigée fuir derrière nous. Nos guerriers s'empressent de courber les rames en mesure; ils ajoutent leurs efforts à la puissance du vent; leurs bras vigoureux s'élèvent et s'abaissent en cadence. La mer gémit sous les rames, ses vagues viennent battre les flancs des navires, et une blanche écume divise l'azur des flots.

Quand le vent plus fort a tendu les voiles, nous quittons les rames, et nous abandonnons les navires au souffle qui les emporte. Etendus sur les bancs, nos guerriers regardent la terre qui fuit derrière nous de toute la vitesse de notre marche, ou se plaisent à des récits de batailles. Ils redisent les menaces du valeureux Hector, son corps traîné dans la poussière, et racheté Priam, et l'autel ensanglanté de Jupiter Hercéen.

par

Cependant les dauphins, qui se jouent dans le cristal des ondes et soulèvent de leur large dos les vagues de la mer de Tyrrhène, viennent en foule bondir autour de nos navires. On les voit former des cercles folâtres, na

Anteire naves lætus, et rursus sequi.

Nunc prima tangens rostra lascivit chorus,
Millesimam nunc ambit et lustrat ratem.

Jam litus omne tegitur, et campi latent,
Et dubia parent montis Idæi juga.

Et, id quod unum pervicax acies videt,
Iliacus atra fumus apparet nota.

Jam lassa Titan colla relevabat jugo;
In astra jam lux prona, jam præceps dies.
Exigua nubes sordido crescens globo
Nitidum cadentis inquinat Phœbi jubar.
Suspecta varius occidens fecit freta.

Nox prima cælum sparserat stellis: jacent
Deserta vento vela: tum murmur grave,
Majora minitans, collibus summis cadit,
Tractuque longo litus ac petræ gemunt.
Agitata ventis unda venturis tumet :
Quum subito luna conditur, stellæ latent.
In astra pontus tollitur : cælum perit.
Nec una nox est: densa tenebras obruit
Caligo, et, omni luce subducta, fretum
Cælumque miscet: undique incumbunt simul,.
Rapiuntque pelagus, infimo eversum solo,
Adversus Euro Zephyrus, et Boreæ Notus.
Sua quisque mittunt tela, et infesti fretum
Emoliuntur turbo convolvit mare.

:

Strymonius altas Aquilo contorquet nives;

ger à côté de nous, tantôt nous devancer, tantôt nous suivre dans leurs jeux; environner de leurs groupes joyeux tantôt le premier, tantôt le dernier de nos mille

vaisseaux.

Déjà le rivage avait disparu; les campagnes se cachaient à nos yeux, et les cimes de l'Ida se perdaient dans un lointain vague et confus. Tout ce qu'une vue perçante peut encore démêler, c'est la fumée d'Ilion, qui apparaît comme une tache obscure. Déjà le Soleil s'apprêtait à dételer ses chevaux fatigués, le jour tombait et les astres de la nuit allaient paraître. Tout à coup un léger nuage, s'arrondissant comme un globe noirâtre, se développe et ternit le disque lumineux du soleil couchant. Cette tache sinistre à pareille heure nous fait craindre une tempête.

Les premières étoiles de la nuit brillaient à la voûte du ciel plus de vent, les voiles s'affaissent. Alors un bruit sourd, présage de malheur, se fait entendre au sommet des collines lointaines: le rivage et les rochers s'ébranlent avec un murmure effrayant; la mer se soulève, gonflée par les vents prêts à fondre sur nous. Soudain la lune se cache et les étoiles disparaissent; la mer monte vers le ciel qui disparaît à nos yeux. Et ce n'est pas une seule nuit qui nous enveloppe; un épais brouillard s'ajoute aux ténèbres, et le ciel et la terre se confondent dans une même obscurité. Les quatre vents opposés, l'Eurus soufflant contre le Zéphyr, Borée contre le Notus, soulèvent la mer du fond de ses abîmes; chacun d'eux lance tous ses traits; ils s'acharnent sur les flots, et les roulent dans un tourbillon rapide. L'A

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