Libycusque arenas Auster ad Syrtes agit. Nec manet in Austro; fit gravis nimbis Notus, Illam dehiscens pontus in præceps rapit, : quilon pousse contre nous les neiges de la Thrace, l'Auster chasse devant lui les sables des Syrtes de Libye. Mais ce n'est pas assez le Notus se charge de nuages, et la pluie du ciel augmente les flots de la mer; l'Eurus ébranle tout l'Orient, il remue le royaume des Nabathéens et les rivages de l'Aurore; l'impétueux Corus se lève du sein de l'Océan. On croirait que l'univers tout entier va être arraché de ses fondemens, que les dieux vont tomber du ciel brisé en éclats, et que le noir chaos va saisir toute la nature : le flux résiste au vent, le vent surmonte le reflux ; la mer ne peut plus se contenir dans ses rivages, et l'eau de la pluie se mêle aux vagues salées. Nous n'avons pas même, dans ce désastre, la consolation de voir et de savoir comment nous allons périr. Les ténèbres nous dérobent toute lumière, et une nuit pareille à la nuit du Styx nous enveloppe. Cependant quelques feux tombent par intervalle, des éclats de foudre déchirent les nues; dans notre malheur, cette lumière sinistre est encore un bienfait, et nos yeux la saisissent avidement. Cependant nos galères s'entre-choquent, leurs proues et leurs flancs se brisent les uns contre les autres. Des navires sont abîmés dans la mer qui s'ouvre pour les engloutir, et les rejette ensuite à sa surface; d'autres coulent à fond sous leur propre poids. L'un appuie sur les eaux sa carène entr'ouverte et s'enfonce dans l'abîme; cet autre, brisé, dépouillé de ses superbes agrès, flotte légèrement sur les eaux; plus de voiles, plus de rames, plus de mât pour soutenir les antennes, il ne reste plus que la carène toute nue qui surnage au hasard sur toute Navita relicto remus effugit manus. In vota miseros ultimus cogit timor, Quid fata possunt! invidet Pyrrhus patri, Perdenda mors est: quisquis es nondum malis Numen serena: cladibus nostris daret Vel Troja lacrimas: odia si durant tua, Sistite infestum mare: l'étendue de la mer Ionienne. La raison ni l'expérience ne peuvent nous fournir aucun secours, l'art du pilote est vaincu par l'excès des maux. La terreur engourdit tous nos membres, les matelots quittent la manœuvre et se reposent dans un morne abattement; les rames échappent aux mains des rameurs. L'effroi, parvenu à son comble, tourne enfin nos pensées vers le ciel; Grecs et Troyens font les mêmes vœux. O vicissitudes humaines! Pyrrhus envie le sort de son père, Ulysse celui d'Ajax, Ménélas celui d'Hector, Agamemnon celui de Priam. Nous appelons heureux ceux qui dorment sous les murs de Troie; ils sont morts en combattant, la renommée conserve leur mémoire, et la terre conquise par leurs bras leur sert de tombeau. Faut-il mourir sans gloire au milieu des flots? cet ignoble trépas est-il réservé à de braves guerriers? Perdre ainsi jusqu'au fruit de sa mort! Qui que tu sois, dieu cruel, dont la colère n'est pas encore désarmée par tant de malheurs, apaise-toi enfin; Troie elle-même donnerait des larmes à nos souffrances. Si ta haine est implacable, si tu as résolu de détruire l'armée des Grecs, pourquoi faire périr avec nous ceux pour qui nous périssons? Dieux puissans! calmez cette mer furieuse; ces vaisseaux portent des Grecs, mais ils portent aussi des Troyens. Impossible d'en dire davantage; le bruit des flots couvre notre voix. Un nouveau malheur tombe sur nous armée de la foudre de Jupiter irrité, Pallas déploie pour nous perdre toute la puissance que lui donnent sa lance redoutable, son égide où pend la tête hor Spirant procellæ solus invictus malis Luctatur Ajax vela cogentem hunc sua Tandem occupata rupe, furibundum intonat, « Et Hectorem una solus et Martem tuli : << Phobea nec me tela pepulerunt gradu. « Cum Phrygibus istos vicimus: tandem horream << Aliena inerti tela mitti dextera ? Quid si ipse mittat? » Plura quum auderet furens, Tridente rupem subruit pulsam pater Neptunus, imis exserens undis caput, Solvitque montem; quem cadens secum tulit: Nos alia major naufragos pestis vocat. |