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cidens ne foient pas prévûs par les perfonnages, & qu'excepté Amphitryon, c'eft le feul genre que Moliere n'ait point traité. Les Espagnols ont un affez grand nombre d'intrigues de la premiere efpéce: telle eft entre autres l'intrigue d'une pièce de Calderon, qui a pour titre, La Maison à deux portes, & que l'on peut regarder comme un modéle en : ce genre.

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d'intri

Si dans la premiere espèce d'intrigue, c'est le hazard qui produit tous les incidens ; dans la fecon- Seconde de, qui eft plus facile & plus ufi fpéce tée, il n'y a rien qui ne foit pre- gue. médité. C'eft par exemple un fils amoureux de la perfonne que fon pere veut époufer, & qui imagine des rufes pour arriver à fon but. C'eft une fille qui étant deftinée à un homme dont elle ne veut point, fait agir un A

pour

mant, une foubrette, ou un valet détourner les parens de l'alliance qu'ils lui propofent, & parvenir à celle qui fait l'objet de fes defirs. Ici tous les événémens font produits par des perfonnages qui ont deffein de les faire naître, & fouvent le Spectateur les prévient ces événemens; ce qui diminue infiniment de fon plaifir.

Mais de tous les inconvéniens qui font attachés à cette espéce d'intrigue, le plus confidérable eft le défaut de vraifemblance: défaut qu'entraînent auffi les déguifemens. En effet quelle apparence, que malgré toutes les précautions imaginables, un homme le déguise assez heureusement pour paroître devant un autre homme dont il eft connu, & que fa voix, fon maintien, ou les traits même de fon vifage, ne te décélent point?

Moliere n'a emploié, les déguifemens que dans des actions de pur comique, comme dans Pourceaugnac, dans le BourgeoisGentilhomme, & dans quelques autres Piéces, qu'on doit regarder comme des farces, quoiqu'elles foient d'une étenduë plus confidérable que les farces or dinaires; mais lorsqu'il a voulu compofer une Piece de haut comique, jamais il ne s'eft fervi d'un femblable expédient. Ainfi l'Amant qui fe déguise en Maître-d'Hôtel pour entrer au fervice de l'Avare, n'eft point du nombre de ces perfonnages dont le déguisement n'eft pas vraifemblable; comme Valere n'est

connu que de Marianne, il il peut fe donner dans la maison pour ce qu'il veut, & il n'a point à craindre qu'Harpagon, ou les domeftiques démêlent ce qu'il eft; &

voilà les feules circonftances où il foit permis dans la bonne Comédie de fe traveftir. L'Eunuque de Térence préfente Cherea dans une fituation toute femblable; les déguisemens de l'olive dans le Grondeur, font d'une nature bien différente. Auffi pour leur donner un air de vraisemblance, on fait dire à ce valet que fon maître par mauvaise humeur ne l'a pas regardé en face depuis trois jours qu'il eft à fon service.

J'ai déja infinué, & l'on fent affez que cette efpèce d'intrigue coûte moins à imaginer que la premiere. Cependant on ne peut affez admirer que les modernes ne fe foient point exercés fur des fujets, & n'aient point inventé des plans, où les incidens fuffent produits, amenés par le hazard,

ou les feules circonftances. Si de pareils fujets offrent plus d'obf

tacles à furmonter, le fuccès affureroit auffi plus de gloire; & le Poëte auroit le mérite d'avoir donné une espèce de Comédie nouvelle. Car on peut dire que les Anciens n'ont fait qu'effleurer celle dont je parle, & que les Efpagnols, parmi les Modernes, ont mêlé d'ordinaire en la traitant les deux efpéces d'intrigue, & l'ont gâtée encore par toutes -les licences de leur Theatre.

Il faudroit donc, pour compofer une excellente Comédie, s'attacher uniquement à la premiere espèce, & ne rien emprunter de la feconde. Le Théatre, fi on l'ofe dire, commence à vieillir; les nouveautés feules peuvent lui redonner de la vigueur. Mais loin de la chercher dans les détails d'un dialogue fingulier ou fatirique, ou dans des caractéres outrés, & hors de la natu

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