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contraire à fon mariage, il ne fe fent pas capable de s'engager malgré la volonté. A l'inftant, la Princeffe fe préfente, & demande à fon pere la liberté de choifir pour époux celui des trois Princes qui lui plaira davantage. Après avoir obtenu le confentement qu'elle fouhaite, elle exige de ces mêmes Princes qu'ils applaudiront au choix qu'elle va faire : & les deux Princes qui s'étoient expliqués ne formant aucun obftacle, elle déclare qu'elle donne la préférence à celui qui a fçû vaincre le dédain par le dédain. Alors le Prince lui demandant qui il eft, elle répond, toż feul; & lui donne en même tems la main. Le rival qui s'étoit le plus flaté du retour de la Princeffe, époufe fa coufine, & la Piéce finit.

Moliere, après avoir lû l'ori

voit douter

ginal, trouva ridicule, avec raifon, que la Princeffe qui ne pouque le Prince n'aimât fa coufine, s'offrit elle-même à lui, en le choisissant pour époux : le fexe, le rang, la bienséance tout étoit bleffé, puifqu'elle s'expofoit à un refus certain, fi ce Prince avoit véritablement aimé une autre perfonne. Notre Auteur qui connoiffoit parfaitement les mouvemens du cœur, arrange fi bien fa Fable, que la Princeffe appercevant fon Amant avec son pere, & ne fçachant pas dequoi il s'agit entr'eux, découvre à celui-ci, dans l'embarras où elle eft, & devant tout le monde, qu'elle aime le Prince, fans cependant fe déclarer tout-à-fait. Le moïen dont elle fe fert, eft la priere qu'elle fait à fon pere de refufer au Prince fa coufine en mariage: elle cherche à fe faire

illufion, & veut perfuader qu'elle n'agit de la forte que pour punir le Prince de fon infenfibilité. Ce prétexte, tout fpécieux qu'il paroît, fait affez entendre que l'amour est le motif qui l'anime, Cependant le pere confent à fa demande, & lui propose en même tems, pour empêcher le Prince de fe marier avec fa coufine, de le choifir elle-même pour fon époux. En ce moment Moliere par un coup de Maître, fait dire à la Princeffe: Vous vous moquez, Seigneur, & ce n'eft pas ce qu'il demande. Alors le Prince fe jette à fes genoux, avoue son amour, & fon ftratagême, & lui en demande pardon, en proteftant néanmoins que fi elle veut fe venger, il eft prêt à exécuter de main l'arrêt qu'elle propropre noncera. La Princeffe lui répond: Non non Prince, ce font les ter

fa

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le

mes de Moliere, je ne vous fçais pas mauvais gré de m'avoir abusée, &tout ce que vous m'avez dit je l'aime bien mieux une feinte, que non pas une vérité. Sur cela, pere la preffe de terminer le mariage; mais la Princeffe, pour s'épargner la confusion où la jette l'aveu qu'elle vient de faire, lui demande le tems d'y penser, & la Piéce finit.

Le goût, la fineffe du fentiment naturel, & de la vraifemblance, fe trouvent dans l'aconomie de ce dénoument : les égards du fexe & du rang, la délicateffe du cœur, & toutes les bienféances y font ménagées avec un art que l'on ne peut trop admirer. Ainfi, malgré les difficultés qu'il y avoit à furmonter, Moliere a rendu ce dénoument excellent, de défectueux qu'il étoit dans l'original. Si les Sça

vans & les Auteurs qui ont critiqué Moliere, avoient eu quelque Connoiffance du Théatre, ils auroient porté un jugement bien différent de fes Ouvrages, & ils n'auroient pas entraîné dans la même erreur, tous ceux qui entendent peu le Théatre, & qui dans cette occafion ont trop déferé à leur autorité.

ARTICLE HUITIEME.

S

De l'Imitation.

'Il y a tant d'obstacles à furmonter, pour traduire heureusement d'une langue dans une autre ; on éprouve bien d'autres difficultés, lorfqu'on entreprend de fe fervir d'un Ouvrage étranger, dans la compofition d'une Fable Dramatique.

Des mœurs différentes, la ma

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