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l'empêchoit pas de la donner comTM me nouvelle à ces mêmes Spectateurs, qui, peu de jours auparavant en avoient vû, mais fous une autre forme, le fonds, le caractére, les Lazzi, & quelquefois même des Scénes entieres.

Tout autre que Moliere en de pareilles circonstances, auroir fans doute beaucoup rifqué; mais il fçavoit trop de quelle maniere il avoit traité ces fujets, pour ne pas compter avec raifon, que le Public en les reconnoiffant luf rendroit justice.

Trois ef

tion

Comme on remarque dans les péces dif- Ouvrages de Moliere trois difféd'imita- rentes efpéces d'imitation, je croi qu'il eft à propos d'en donner auffi trois exemples. Le premier fera, de l'imitation particuliere, ou des idées prifes ailleurs & rendues propres. Le fecond, de l'imitation générale, ou des Fables en

entier. Et le troifiémé, de l'imitation mixte, ou de la Fable, compofée des idées de différentes Comédies. Ces exemples ferviront à mieux faire connoître quels furent les modéles imités par Moliere, & quelle a été tout enfem ble la fublimité de fon génie dans fes imitations.

liere, on

leurs, &

Bocace a pris pour la matiere Imitatiổ de plufieurs de fes nouvelles, les particu extravagances des Maris jaloux, idées pri& les rufes des Femmes qui vi les ailvoient de fon tems. Ces nouvel rendues les font des hiftoriettes travail- propres lées avec efprit, & qui font toujours marcher le Lecteur à côté du merveilleux, mais fans jamais l'écarter à la rigueur, du poffible; on eft, pour ainfi dire, force de prendre pour véritables des chofes qui probablement ne doivent jamais être arrivées ; & Kon peut dire que cet Auteur eft

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peut-être de tous les Ecrivains celui qui nous a le mieux montré de quelle maniere on peut rendre vraisemblable ce qui en apparence eft impoffible.

Si les Nouvelles de Bocace font fi difficiles à imiter du côté de la vraisemblance combien à plus forte raifon devoient-elles paroître en général peu propres à faire des fujets de Comédies, puifque la vraisemblance eft ici d'une né

ceffité bien plus indifpenfable que dans les hiftoriettes ? C'eft vainement que les Spectateurs fouhaitent, & que les Auteurs imaginent des furprises, ou coups de Théatre, fi la vraisemblance la plus auftère ne les accompagne pas: elle devroit être fi parfaite, principalement à l'égard des faits & des incidens, que le Spectateur fe perfuadât que tout ce qu'il a vû fur la Scéne n'eft point

imaginé, & qu'il se fît à lui-même l'illufion de croire qu'en tel tems, & en telle occafion il a été témoin de quelque chofe de femblable.

La troifiéme Nouvelle de la troifiéme Journée du Décameron a non-feulement fourni à Moliere l'idée de fa Comédie de l'Ecole des Maris, mais encore elle a fervi à Lopes de Vega Carpio, Poëte Efpagnol, dans une Piéce intitulée, la Difcreta Enamorada. Tout le monde fçait que dans Bocace, une femme amoureufe d'un jeune homme trompe fon Confeffeur, & que penfant remplir uniquement les devoirs de fon miniftere, celui-ci porte au jeune homme des préfens & des billets de fa Pénitente. Mais Lepes de Vega a fubftitué au Confeffeur un Vieillard amoureux d'une jeune perfonne, qu'il veut épou

fer, & dont il ignore que fon fils eft aimé elle feint néanmoins de confentir à époufer le pere de fon Amant,& demande feulement pour toute grace un mois de délai; enfuite elle prie le Vieillard, en qualité de belle-mere future de faire ceffer l'inquiétude que lui caufent depuis quelque tems les meflages fréquens de fon fils. Le pere étonné d'apprendre une pareille nouvelle, fait à ce fils des reproches fanglans, & l'oblige d'aller trouver fa Maitreffe, & de lui demander pardon de fes importunités ; le fils qui foupçonne la rufe, obéit. La Scéne fe paffe en présence du Vieillard; même, & de la belle-mere prétendue ; il se jette aux genoux de fa Maîtreffe, qui lui pardonne & lui donne fa main à baifer ; mais un inftant après, & dans la même Scéne, il lui dit tout bas

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