Imágenes de páginas
PDF
EPUB

paffions générales, & que ces mœurs ou ces paffions qui régnoient au tems de Plaute parmi les Romains, régnent encore malheureufement parmi nous.

Je trouve encore une preuve invincible de ce que je viens d'avancer, dans quelques Ouvrages de Moliere. Moliere, car il fera toûjours l'objet de nos réfléxions, a compofé deux Comédies dont l'intrigue roule fur des mœurs particulieres ou caracté res de fon tems; je veux dire les Femmes fçavantes, & les Précieufes ridicules; or il n'y a que cinquante ans que cet illuftre Ecri vain eft mort, & cependant les Spectateurs, lors même qu'ils admirent ces deux excellentes Comédies, ne les goûtent déja plus, parce que les caractéres qu'elles repréfentent n'ont plus de modéles dans la focieté. C'é

toit un ridicule du tems, un ridicule de l'efprit; or les défauts qui prennent leur fource dans l'efprit & non pas dans le cœur, ne forment que des caractéres qui difparoiffent, ou des ridicules paffagers, & qui ne fçauroient porter un Ouvrage à la pofterité, à moins qu'il ne foit foutenu par des traits femblables à ceux dont Moliere a remplifa Comédie des Femmes fçavantes. Mais fuppofons pour un moment que les mœurs ou caractéres des Femmes fçavantes, & des Précieufes ridicules fubfiftent de nos jours; fuppofons encore qu'elles dûffent fubfifter long-tems en France : on ne pourra difconvenir au moins que jamais les deux Comédies dont je parle ne fortiroient du Roïaume, comme elles n'en font point forties jufqu'ici. En effet fi on les avoit

transportées fur des Théatres étrangers, qu'auroient compris les autres peuples de l'Europe à des mœurs ou caractéres bizares en foi, & qui n'étoient connus qu'en France feulement ?

Il réfulte de ce que j'ai dit qu'une Piéce dont l'intrigue eft fondée fur des mœurs générales, fubfiftera plus long-tems, & fera plus généralement applaudie ; mais il faut convenir en même tems que fi une Piéce dont l'intrigue eft fondée fur des mœurs particulieres, ne perce pas fi loin dans l'avenir, elle a d'un autre côté un fuccès plus éclatant dans son origine.

ARTICLE TROISIE'ME.

N

Du Caractére.

Ous avons dit dans l'Article précédent que lesAnciens emploïoient un feul & même terme, pour exprimer ce que nous entendons par mœurs & caractéres. C'est de quoi on peut fe convaincre en lifant les Poëtiques d'Ariftote & Horace, & même les caractéres de Théophraf te: en effet, bien que ce Traité porte dans la langue originale le titre de Caractére, l'Auteur n'a point emploïé ce terme dans l'Ouvrage même ; il fe fert d'un mot qui femble mieux répondre à celui de Maurs en François.

Ce n'eft pas que les Anciens aïent confondu ces deux idées on ne sçauroit se persuader au

contraire qu'ils ne les aïent pas diftinguées mais on peut du moins avancer, à la gloire des Modernes, qu'ils ont mieux profité de cette distinction; cependant c'eft un des préceptes d'Ariftote qui m'a fait fentir la raifon qu'ils ont eue de l'établir.

Selon Ariftote, les mœurs dans la Tragédie, qui eft une imitation des meilleurs, doivent être plus nobles & plus élevées que l'original; & dans la Comédie, qui eft une imitation des plus méchans, les portraits doivent être plus chargés que les modèles enforte ( dit ce grand Maître ) qu'elles nous donnent un exemple de la difformité qui fait rire. Or Caracen'eft-ce pas là dire que dans la res marComédie il faut diftinguer les Ariftote, quésdans mœurs ou caractéres, d'avec les mœurs ou paffions générales, & que ces mœurs ou caractéres y

« AnteriorContinuar »