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que la Comédie, lorfqu'elle commença à prendre forme, n'eut à Athenes que des Piéces de caractéres. Ce que j'avance ici, je le tire, non de leurs Fables Comiques, puisqu'elles ne font pas venúes jufqu'à nous, mais des réglemens qui furent faits pour la réforme du Théatre. On diftinguoit la Comédie Gréque en ancienne, moienne, & nouvelle. La Comédie ancienne préfentoit fur la Scéne tous les différens perfonnages, & même les plus confidérables de la République; or comme les défauts des hommes ne conviennent pas au Théatre, & que jamais ils n'y ont été mis, à moins qu'ils n'attirent par leur force même, ou par des traits finguliers l'attention des Spectateurs il est très-probable que -dans ce premier âge de la Comédie, les Grecs ont joint le carac

tére ou défaut général, aux traits particuliers & au ridicule perfonnel; mais la liberté exceffive que les Poëtes avoient prife de nommer deux qu'ils repréfentoient Comédie fur le Théatre, obligea le Gouancienne. vernement à défendre par les Loix, de fpécifier le nom & la qualité de ceux dont on repréfentoit les caractéres. Les Poëtes qui croioient indifpenfable à leur art de joindre le perfonel au caractére général, fe foumirent en apparence à la Loi, mais ils l'éluderent au fonds, en introduiComédie fant des mafques & des habits, moïenre. qui repréfentoient ceux qu'ils jouoient dans leurs Piéces. Des défenfes plus rigoureufes que les premieres leur aiant encore interdit ces libertés fcandaleuses ils furent obligés de recourir à des fujets d'intrigue, dans lefquels cependant ils ne perdirent

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point

point de vue les caractéres ou défauts généraux ; mais ils les traiterent, comme ont fait depuis les Poëtes François, auffi-bien que ceux des autres Nations. Cette Comédie qui fut appellée nouvelle, dès qu'elle eut une Comédie fois abandonné les caractéres par- nouvelle. ticuliers & perfonnels, n'éprouva plus de contradiction, parce qu'elle rouloit uniquement fur des faits & des intrigues purement imaginées ; & elle a toujours fubfifté depuis dans le même état. Les Latins trouvant ce genre de Comédie convenable au gouvernement Républicain, l'adopterent; ils abandonnerent, comme avoient fait les Grecs de la Comédie nouvelle, la reffemblance des perfonnages, & la repréfentation des caractéres perfonnels, & laifferent aux Modernes l'avantage de profiter d'un

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fonds qu'ils n'avoient pas fçü

mettre en valeur.

C'est peut-être pour cette raifon qu'Ariftote ne s'eft pas expliqué plus au long fur les caractéres, puifque s'il en avoit parlé clairement, & qu'il nous en eût dévelopé le fonds & les qualités, il n'auroit pas manqué de nous donner des inftructions fur la vieille & fur la moïenne Comédie; mais comme elles avoient été profcrites par les Loix, & que la nouvelle feule étoit permife: c'eft auffi de celle-là feule qu'il a tiré fes préceptes, afin de ne point contrevenir aux loix & aux ufages de fon tems,

Les Modernes ont bien fenti que les feuls égards & les bienféances de la vie civile ne permettoient pas de nommer, comme dans l'ancienne Comédie Gré que, les perfonnes dont on re

préfente le ridicule, ou le caractére, ni de les faire connoître par l'habit & par le mafque. Mais comme ils ont penfé auffi que les plus fortes paffions pouvoient être traitées d'une façon générale, & fans bleffer perfonne en particulier, ils ont imaginé des Comédies de caractéres, telles que nous les voïons fur nos Théatres. Il paroît très-difficile que ce genre de Comédie puiffe offenfer, dès que le perfonnel en eft banni, & l'on peut également en tirer avantage pour la correction des mœurs puifque ceux des Spectateurs qui reconnoiffent en eux le vice ou la paffion qu'on leur repréfente, peuvent s'en corriger par des retours fur eux-mêmes; & cela d'autant mieux qu'ils ne courent point le rifque d'être reconnus & montrés au doigt. En effet, un caractére trai

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